LE NUMÉRIQUE A UN IMPACT IMPORTANT ET MULTIFORME SUR LE TRAVAIL.
Le récent rapport remis par Bruno Mettling[1] présente l’influence des progrès du numérique sur le travail :
- De nouveaux outils dans le monde du travail, avec l’arrivée massive de nouveaux logiciels et de nouveaux appareils numériques.
- Une évolution des métiers et des compétences, dans des fonctions touchant à la vente, le marketing et les systèmes d’information. Les fonctions touchées devraient selon le rapport toucher près de la moitié des métiers et rendront obsolètes bon nombre de compétences;
- Une augmentation de la charge et de l’intensité du travail, surtout pour les cadres
- Une évolution de nouveaux modèles d’organisation du travail : travail à distance, nouveaux collectifs professionnels, autonomisation des collaborateurs, mode projet, etc. ;
- Une nécessité liée au numérique de faire évoluer les modèles existants de management, management plus participatif
- Une part significative de travail hors salariat : une proportion de travailleurs indépendants (10% ?) liée à des prestations dans le domaine du numérique.
D’autres impacts du numérique sur le travail sont évoqués dans le rapport Mettling, comme l’influence sur la qualité de vie au travail (droit à la déconnexion dans la mesure et la prévention des risques professionnels.), le lien entre culture numérique et l’aménagement de l’environnement de travail (organisation des locaux), l’évolution du cadre juridique et fiscal du travail, etc.
LA FORMATION AUX OUTILS NUMÉRIQUES APPARAÎT INCONTOURNABLE.
Le rapport présente des pistes d’actions. Certaines ont un impact sur l’emploi via les recrutements et le maintien dans l’emploi. Il faut préparer chacun en développant l’éducation numérique :
- par la formation initiale[2], puis
- au travers de la professionnelle.
Il faut ajouter au rapport quelques constats portant sur cet aspect de la formation pour lequel des faiblesses demeurent.
D’une part, il conviendrait de développer la formation de professeurs sur le numérique.
Il semble, par exemple, urgent de créer un CAPES de professeur de numérique (la dénomination définitive reste à choisir) dans le secondaire comme dans le supérieur. Il s’agit de faire du numérique une matière transversale aux autres disciplines enseignées par des personnes compétentes et dont les connaissances sont à jour.
Se reposer pour l’éducation au numérique sur les seuls enseignants en charge d’une discipline ne suffit pas à l’acquisition des connaissances actuelles et des compétences par les élèves dans nombre de cas. Au-delà de la bonne volonté d’une partie des enseignants, la formation professionnelle de ceux-ci sur ces questions n’a fréquemment pas été assurée dans une proportion suffisante. Par ailleurs, une autre part des enseignants ne sont pas enclins à intégrer une dimension d’apprentissage du numérique par leurs élèves dans le cadre de leur enseignement, même s’ils se servent d’outils numériques pour enseigner.
Autre aspect, le personnel d’installation et de maintenance des matériels informatiques dans les établissements d’enseignement primaire, secondaire et supérieur manque cruellement. Même lorsque les achats de matériels et logiciels ont eu lieu (financé par un conseil régional dans le cas d’un lycée, par exemple), il est très fréquent que tout le potentiel ne soit pas opérationnel.
D’autre part, il est nécessaire de mobiliser des moyens financiers pour assurer la formation qu’implique la transformation numérique.
Cette mobilisation implique de revenir sur la réforme de la formation professionnelle pour permettre des formations de toute durée et pas exclusivement des formations certifiantes ou diplômante. Il faut assurer une coordination effective des acteurs de la formation professionnelle (régions, partenaires sociaux, OPCA, etc.) et de l’éducation nationale.
Il faut imaginer des dispositifs de reconversion de personnels dans les entreprises et aussi de transition d’un métier à un autre, à destination de tous ceux qui en ont besoin. Il n’est pas pertinent, comme le propose ce rapport, de cibler un public parmi d’autres tant les cas, selon les secteurs, les fonctions et les personnes, sont différents. Une fois de plus définir comme public prioritaire des personnels non qualifiés ne répond pas aux besoins des salariés comme de l’entreprise. Un encadrant ou un cadre peuvent avoir besoin d’acquérir des compétences numériques pour poursuivre leur carrière tout comme un ouvrier à l’arrivée de machines robotisées dans son usine. La formation professionnelle doit être ouverte à tous.
Enfin, il faut que les décideurs fassent les bons choix en prenant des outils numériques utiles et performants et en évitant ceux qui le sont moins. Le choix des matériels comme des logiciels et des réseaux n’est pas une évidence pour une entreprise.
L’APPROCHE PÉDAGOGIQUE GÉNÉRALE DE L’ENSEIGNEMENT DU NUMÉRIQUE DIFFERE DE CELLES DES AUTRES DISCIPLINES.
Le rythme croissant des progrès des outils numériques doit être pris en compte dans le développement de nouvelles formations. Dans la période actuelle, ce développement du numérique ressemble à une course en avant sans qu’il doive évident de savoir quand on parviendra ou pas à une stabilisation de la situation. On sait que des solutions numériques et des logiciels échouent tandis que d’autres en remplacent d’autres. L’objet des connaissances et des compétences est donc en changement progressif, même si des fondamentaux demeurent. En formation initiale, ce qui aura été appris au primaire sera dépassé en terminale et devra encore être revu à la fin des études supérieures. L’approche pédagogique générale de l’enseignement du numérique (hors formations spécialisées) diffère sensiblement de celles d’autres disciplines relativement stables (hors changement des programmes ou progrès scientifiques majeurs).
LA COMPÉTENCE D’OUTILS NUMÉRIQUES EST UNE CLÉ DE L’ACCÈS À L’EMPLOI.
La compétence sur les outils numériques (logiciels généraux et spécialisés) des candidats est une demande récurrente des recruteurs[3].
D’une part, ces compétences sont demandées dans de nombreuses offres d’emploi, avec le recours à des références voire à des tests. D’autre part, les compétences sur les outils numériques, de l’utilisation à la programmation, doivent figurer dans les CV.
L’importance de ce critère lors d’un recrutement croîtra progressivement. Elle dépend évidemment des secteurs et des fonctions des postes. Mais, globalement, il s’agit d’une réalité incontournable.
[1] « Transformation numérique et vie au travail » – Rapport établi par M. Bruno METTLING – 15 septembre 2015 – M. Bruno Mettling est le DRH d’Orange.
[2] Voir le rapport « JULES FERRY 3.0 – Bâtir une école créative et juste dans un monde numérique » – Octobre 2014
[3] Or, il apparaît que la formation initiale sur les logiciels les plus demandés par les responsables des entreprises n’est pas pleinement assurée dans les établissements, comme on peut le constater. Un chantier de fond reste à ouvrir dans ce domaine en particulier dans les lycées technologiques et professionnels.
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