LES UNIVERSITÉS ASSURENT 3% DU MARCHE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE.
Les établissements d’enseignement supérieur, publics et privés, assurent 3,1% du marché de la formation professionnelle en France, soit un chiffre d’affaires de 400 millions d’euros sur un marché estimé à 13 milliards d’euros. Il est vrai que les universités ont comme vocation la formation initiale et à la recherche. Néanmoins, à l’occasion de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, la formation professionnelle est devenue l’une des missions de l’université.
Les services de « formation continue » des universités font, dans la très grande majorité des cas, un excellent travail. Les effectifs concernés restent faibles.
Devant la diminution des moyens accordés par l’État aux universités (en valeur absolue) et la diminution des recettes de la taxe d’apprentissage dont bénéficiaient jusqu’à présent les grandes écoles[1], les ministres de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur souhaitent lancer les universités sur la piste du développement de la formation professionnelle.
Cette volonté répond au souhait de diversification des moyens des universités dans un contexte d’un désengagement progressif de l’état, sur ces dernières années. Les ministres concernés ont ainsi pu annoncer un objectif de développement du chiffre d’affaires de la formation professionnelle des universités à hauteur de 1,5 milliard d’euros d’ici à 2020[2].
L’appel à la poursuite d’études plus longues lancé par les dirigeants politiques conduit à une augmentation des effectifs[3], mais celle-ci n’a pas été accompagnée par une augmentation des moyens en rapport. Beaucoup des créations d’emplois dans le supérieur programmées (6 000 pour le quinquennat) n’ont pas encore pu être concrétisées dans un contexte financier difficile que connaissent beaucoup d’universités.
Dans ce contexte de promotion de la diversification des ressources des universités, l’incitation à l’intervention dans le champ de formation professionnelle apparait comme un os à ronger.
Un rapport destiné à promouvoir et accroître l’implication des universités dans la formation professionnelle tout au long de la vie a ainsi vu le jour[4].
Ce rapport constate une part des freins existants : « des évolutions sont nécessaires pour développer les besoins en formation continue, à la fois du côté des universités, pour adapter l’offre de formation à des salariés dont les besoins portent le plus souvent sur des formations courtes et non diplômantes ; et du côté des salariés et des employeurs, pour reconnaître les établissements d’enseignement supérieur comme des acteurs majeurs en matière de formation professionnelle ».
Ce rapport indique plusieurs pistes : « s’appuyer sur la proximité avec la recherche, de connaître les coûts réels de l’activité de formation continue, de développer des mécanismes d’incitation au niveau des COMUE, d’ouvrir la formation professionnelle à de nouveaux publics comme les bacheliers professionnels souhaitant démarrer une expérience professionnelle tout en ayant le projet de revenir plus tard dans l’enseignement supérieur, d’anciens élèves des établissements, etc. ».
L’auteur du rapport envisage que ce développement puisse financer le recrutement de 7 000 postes au total dans les universités dont 3 000 enseignants-chercheurs, 1 500 professeurs agrégés (PRAG) et 2 400 personnels non enseignant : ingénieurs, personnels des bibliothèques, administratifs, techniciens, etc. (BIATSS).
Le lancement d’un « appel à manifestation d’intérêt » a été lancé auprès des universités, afin de choisir en fin d’année 2015 une dizaine d’établissements pilotes, à charge à elles d’expérimenter les mesures proposées dans le rapport pour le développement de la formation professionnelle sur la base d’un cahier des charges précis[5].
LE DÉVELOPPEMENT DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE PAR LES UNIVERSITÉS INTERVIENT DANS UN CONTEXTE TENDU.
Cette démarche peut surprendre dans la mesure où elle semble isolée par rapport à la politique de la formation professionnelle. Mais force est de constater que ce n’est pas une nouveauté de voir deux discours parallèles ou divergents venant de ces ministères sur un sujet commun. Illustration, l’éducation nationale parle de « formation continue » et non de « formation professionnelle ».
De manière plus générale, une vision générale du développement de l’offre publique en formation professionnelle semble absente avec des opérateurs de l’État divers :
- Les GRETA[6] pour l’éducation nationale,
- Les universités et les grandes écoles publiques pour l’enseignement supérieur,
- Le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM),
- L’Association pour la Formation Professionnelle des Adultes (AFPA), qui va perdre en 2016 son statut associatif pour celui d’établissement public (EPIC) au sein du service public de l’emploi[7], etc.
L’offre publique en matière de formation professionnelle, dont la valeur et la qualité ne sauraient être mises en cause, apparaît ainsi éclatée sur le modèle du découpage ministériel.
Le souhait de développement de la formation professionnelle des universités intervient à un moment où le marché est particulièrement tendu suite à l’adoption et l’application de la loi relative à la formation professionnelle.
Le marché se contracte. De nouvelles demandes des entreprises apparaissent (formation en ligne, interventions de formation interne aux entreprises, etc.) et la demande des salariés reste atone. La diversification des activités des universités dans cette direction semble s’inscrire dans un contexte peu porteur.
[1] Les grandes écoles de commerce ou d’ingénieurs ont vu fortement diminuer leurs ressources provenant de la taxe d’apprentissage, mobilisée en partie pour financer le fonctionnement de leurs établissements, suite à l’application de la loi sur la formation professionnelle.
[2] Communiqué de presse – Najat Vallaud-Belkacem – 06/11/2015.
[3] Les universités ont enregistré une progression de + 40 000 étudiants à la rentrée 2015.
[4] François GERNINET, président de l’université de Cergy-Pontoise, vient de remettre le 6 novembre, son rapport destiné à promouvoir et accroître l’implication des universités dans la formation professionnelle tout au long de la vie à au ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et au secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
[5] Les établissements sélectionnés seront suivis tout au long de l’expérimentation démarrant début 2016 et évalués.
[6] Un Greta est un Groupement d’Etablissements publics locaux d’enseignement. Ceux-ci mutualisent leurs compétences et leurs moyens, pour proposer des formations professionnelles pour adultes. Il s’agit de structures de l’éducation nationale qui préparent à un diplôme du CAP au BTS ou un module de formation.
[7] L’AFPA doit filialiser une part de son activité sur le marché concurrentiel des entreprises.
Un commentaire to “Quelle place pour les universités dans la formation professionnelle ?”
12 novembre 2015
Diversification des moyens des université...[…] Le souhait de la diversification des activités des universités dans le domaine de la formation professionnelle intervient dans un contexte peu porteur. […]