UNE EXPÉRIMENTATION POUR DES TERRITOIRES « ZÉRO CHOMAGE DE LONGUE DURÉE »
L’Assemblée nationale vient d’adopter à l’unanimité une « proposition de loi d’expérimentation pour des territoires zéro chômage de longue durée »[1]. Elle avait reçu préalablement l’aval du gouvernement[2]. Le texte pourrait être examiné par le Sénat, en janvier 2016, promulgué en mars, pour un démarrage de l’expérimentation en septembre.
L’expérimentation législative porte sur une durée de cinq ans et dix collectivités territoriales volontaires[3], elle consiste à faire embaucher environ 2 000 personnes : des chômeurs de longue durée (demandeurs d’emploi depuis plus d’une année), dans une structure de l’économie sociale et solidaire, bénéficiant d’un CDI, rémunéré au salaire minimum.
Les emplois identifiés portent sur des travaux agricoles ou d’entretiens des espaces naturels, aux services à domicile, etc.
Un financement devrait être apporté aux employeurs de l’économie sociale pour ces emplois au travers de la réaffectation des dépenses liées au chômage ou aux aides sociales de l’État, des régions ou des départements des personnes concernées. La proposition a été chiffrée à un budget d’environ 10 millions d’euros par an. Cette somme devant provenir d’un transfert des dépenses sociales vers un financement de poste dans les entreprises de l’ESS.
L’ambition de l’expérimentation est de parvenir à créer des territoires « zéro chômage » de longue durée. C’est-à-dire que le dispositif évoqué précédemment devrait s’appliquer à l’ensemble de la population du territoire.
UN OBJECTIF ZÉRO CHÔMAGE DE LONGUE DURÉE PEU RÉALISTE.
L’idée de mobiliser des moyens de l’assurance chômage ou des aides sociales (d’État) pour consolider des emplois est évidemment intéressante (et elle n’est pas particulièrement nouvelle).
Mais, la formule de cette expérimentation proposée porte en elle-même ses limites : des territoires de taille inférieure au bassin d’emploi, des types d’emploi de bas niveau de qualification et une limitation au salaire minimum. Les employeurs de l’ESS de ces salariés auront pour premier objectif de créer des emplois au même titre que les Associations ou Entreprises d’Insertion par l’économique. Ce choix est également discutable.
On réduit trop souvent, et à tort, les métiers du champ de l’économie sociale à une fonction d’insertion de personnes en difficulté. Cette confusion est malheureuse. Certains acteurs de l’économie sociale ont comme fonction principale de faire travailler des personnes éloignées de l’emploi (comme des personnes en situation de handicap), mais pour la très grande majorité des entreprises de ce secteur ce n’est pas leur objet.
Comment en effet viser un « zéro chômage de longue durée » en proposant le SMIC, alors que l’on sait qu’une majorité des chômeurs de longue durée sont à des niveaux de rémunération supérieurs du salaire minimum, qu’une part importante sont des séniors avec des niveaux de qualification intermédiaire voire supérieur.
Ce projet a comme vraie cible des demandeurs d’emploi depuis plus d’un an, de faible niveau de qualification et de rémunération. Ce ciblage est logique compte tenu des auteurs du projet qui vise leur public. Ce public ne comprend qu’une part des chômeurs de longue durée.
Si ce projet aboutit (adoption puis mise en œuvre), il concernera qu’une frange des chômeurs de longue durée.
Il serait préférable de bien préciser son objet réel et sa cible potentielle, plutôt que de fixer un objectif (zéro chômage de longue durée) que cette expérimentation ne pourra pas atteindre.
D’autres mesures seraient nécessaires en faveur de l’ensemble des chômeurs de longue durée, disponibles et volontaires, pour retravailler. Cette expérimentation peut conduire à faire l’économie de solutions plus générales…
[1] Ce texte a été inspiré par le projet de l’association ATD Quart Monde et soutenu par d’autres associations (Emmaüs, Secours Catholique, FNARS, pacte civique…). La proposition de loi a été déposée par Bruno Le Roux et Laurent Grandguillaume, députés PS.
[2] « Nous ne devons exclure aucune bonne idée dans la bataille contre le chômage » selon la ministre du Travail et de l’Emploi.
[3] Un travail préalable sur ce projet a été engagé par les acteurs locaux sur des territoires. Ont été cité : Pipriac (Ille-et-Vilaine), Grand Mauléon (Deux-Sèvres), Prémery (Nièvre), Colombey-les-Belles (Meurthe-et-Moselle) et Jouques (Bouches-du-Rhône).
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