Les projets de réforme du droit du travail, ou de sa simple évolution, amènent une véritable saturation médiatique. C’est pourquoi, il semble nécessaire de faire un point au-delà des demandes des patronales et syndicales, des avis d’« experts » ou des propositions de politiques portant sur telle ou telle solution « miracle ».

Les objectifs affichés de ces propositions de réforme apparaissent eux-mêmes assez divers : lisibilité du droit du travail pour les responsables d’entreprise, réduction de la masse salariale, diminution du coût du travail, facilitation des embauches et des licenciements, augmentation du temps de travail, nouvel équilibre de la prise de risque entre les salariés et leurs patrons, création de nouveaux emplois, etc.

Cette diversité d’objectifs explique en partie la diversité des points de vue.

LE PROCESSUS DE REFORME DU DROIT DU TRAVAIL S’INSCRIT DANS LE LONG TERME.

Le rapport présenté par Robert Badinter sur les « principes essentiels » du droit du travail réaffirme de grands axes[1]. 

Beaucoup de points, mais pas tous, font l’objet d’un certain consensus.

Ce qui semble important n’est pas ce qui est tant ce qui est dit, que de noter les notions oubliées (ou écartées des principes cités) et de savoir quelles pistes d’évolution s’ouvrent, ou pas, sur la base de ces principes. En somme, la situation reste encore très floue.

1. Le texte du projet de loi annonce pour le début du mois de mars 2016 devrait donner des indications plus précises.
2. Le texte et les amendements adoptés, car on peut être certain qu’il y aura de nombreux amendements, apporteront une vision plus précise.
3. Les décrets d’application achèveront ce travail au rythme, plus ou moins lent, de leur parution et en fonction des précisions qu’ils apporteront[2].

Les règles du jeu seront alors connues.

LEUR EFFET RESTERA À MESURER SUR LE TERRAIN OU DANS LA PRATIQUE.

L’application réelle dans les entreprises, associations, mutuelles, etc., sur plusieurs années, permettra seule de ‎mesurer l’effet de la réforme engagée.

Le renvoi des décisions du niveau national au niveau des branches professionnelles voire des entreprises, annoncées par des responsables politiques, risque d’accroître le flou de la lecture de la nouvelle situation du travail.

Les partisans d’un régime universel du droit du travail préservant l’égalité entre les salariés ‎(voire des travailleurs indépendants) ne peuvent que s’inquiéter de voir se creuser les différences selon

• Les secteurs (fonctions publiques / secteurs privés),
• Les branches professionnelles et/ou
• Les entreprises (petites, moyennes ou grandes).

Ils estiment que l’égalité entre les règles s’appliquant aux salariés déjà très imparfaite risque d’être encore réduite et considèrent que cette évolution ne jouera pas en faveur de la mobilité des salariés compte tenu des écarts de régimes accrus.

Pour prendre un exemple, on ignore aujourd’hui si le nombre de signatures d’accords d’entreprise sur le temps de travail sera courant ou marginal. Difficile de le prévoir, car ce mouvement dépend de bien des facteurs actuels ou à venir, dont la position des organisations syndicales et des syndicats de base des organisations.

Le bilan des accords signés dans le cadre du Pacte de stabilité et la concrétisation des engagements de ces accords, encore en cours il est vrai, conduit à une certaine modestie.

Bref, le processus devrait être lent. L’aboutissement reste incertain. Il le sera d’autant plus si le projet n’est pas suffisamment clair et qu’il aboutit sur une grande dispersion des solutions.

[1] Les principes essentiels portent sur les rubriques suivantes : Libertés et droits de la personne au travail ; formation, exécution et rupture du contrat de travail ; rémunération ; temps de travail ; santé et sécurité au travail ; libertés et droits collectifs ; négociation collective et dialogue social ; contrôle administratif et règlement des litiges.

[2] Le décret n°2016-40 du 25 janvier 2016 instituant une aide à l’embauche dans les petites et moyennes entreprises, paru le 26 janvier 2016, donne une bonne illustration du niveau opérationnel pour les entreprises. http://www.svp.com/uploads/publications/4690_decret_2016_40_du_25_01_2016.pdf