UN PROJET DE LOI SUR LE CODE DU TRAVAIL EST EN VUE
Après des déclarations très générales (rapport Badinter), le projet de réforme du droit du travail se dévoile peu à peu[1]. Mais, il faudra attendre de lire le texte du projet de loi « visant à instaurer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs » pour juger avec toute la précision nécessaire. Les mesures évoquées, jusqu’à présent, portent sur :
- La réduction possible de la majoration du prix des heures supplémentaires de 25% à 10%,
- La promotion des accords d’entreprise[2], devenant le moyen premier des « adaptations » du droit du travail au sein d’une entreprise,
- La possibilité donnée aux employeurs de demander des efforts à leurs salariés en termes de temps de travail et de rémunération, mais plus seulement dans les entreprises en difficulté,
- Le recours référendums d’entreprise à la demande d’une minorité syndicale de 30% des représentants du personnel,
- Les impacts de l’application des accords sur les contrats de travail en cours,
- Un allongement potentiel du temps de travail journalier à 12 heures et hebdomadaire jusqu’à 60 heures,
- De nouvelles possibilité de licenciement économique sans besoin de justifier des difficultés économiques,
- L’élargissement du recours au « forfait jour » sans contrôle,
- Des limitations sur la prise des congés et des repos des salariés,
- Le plafonnement des d’indemnités de licenciement selon l’ancienneté (avec un nombre de mois de salaire plafond par tranche d’ancienneté),
- etc.
Cette réforme répond, à sa manière, à certaines revendications des organisations patronales (MEDEF et CGPME).
Ces dispositions, si elles étaient mises en oeuvre dans leur ensemble, dans une même entreprise, modifieraient profondément les conditions de travail et de rémunération des salariés.
Compte tenu des multiples oppositions politiques, syndicales et associatives, déjà exprimées, le gouvernement envisage déjà de faire passer le texte en ayant recours à l’article 49.3. Il s’agirait du 49 3 de la session 2016 (comme ce fut le cas pour la Loi Macron en 2015).
La pétition contre le projet de loi El Khomri : www.change.org/p/loi-travail-non-merci donne une bonne idée de la forme que va prendre l’opposition au projet de loi.
LE CONTENU DÉFINITIF DE LA LOI DE RÉFORME DU DROIT DU TRAVAIL RESTE INCERTAIN.
Seuls compteront les dispositions figurant dans le texte de loi définitivement adoptée et la formulation choisie pour les textes réglementaires d’application.
Une fois ces données connues, la concrétisation de ces dispositions, en imaginant qu’elles soient rendues opérationnelles par les textes réglementaires, demandera des années. Par construction, elles seront appliquées progressivement et pour une part d’entre elles par branche professionnelle ou par entreprise. Elles dépendront du poids des relations sociales propres à chaque entreprise. C’est-à-dire que leur application sera fort inégale.
Le projet de loi viserait à « améliorer la compétitivité des entreprises, développer et préserver l’emploi », mais, dans la pratique, ces objectifs compétitivité/emploi ne s’avèrent pas forcément convergents.
SON EFFET SUR LE TERRAIN SUSCITE DES DOUTES.
L’impact sur la masse salariale à terme pourrait être réel[3], mais la baisse du cout du travail pour les entreprises serait assez limitée. Elle pèserait moins que la baisse annoncée des cotisations sociales, suite au transfert du CICE.
Le choix du recours à une augmentation du temps de travail, sans compter les aléas de négociation interne, dépendra étroitement du niveau d’activité de l’entreprise. Il sera faible dans de nombreux secteurs, compte tenu des prévisions relatives au taux de croissance.
Les choix politiques annoncés semblent ne pas tenir compte de la réalité du terrain.
Si les dispositions du projet de loi étaient adoptées en l’état, beaucoup de professionnels des ressources humaines doutent que de nombreuses d’entreprises se saisissent des opportunités offertes et prennent le risque social pour des avantages jugés limités. Le recours aux accords d’entreprise dérogatoire pourrait d’être peu fréquent et l’application classique des règles générales et particulières du Code du travail resterait alors le cas le plus courant.
L’IMPACT SUR LA CRÉATION D’EMPLOI SERAIT LIMITE.
Si un effet des mesures peut exister sur la productivité, l’impact sur l’emploi de cette réforme du Code du travail devrait rester assez faible.
La tarification des indemnités de licenciement encouragera peut-être, dans une certaine mesure, des embauches, mais elle facilitera parallèlement des licenciements. Le bilan de l’opération reste incertain, car il dépend du carnet de commandes de chaque entreprise. Le cumul des décisions de chacune d’entre elles est difficile à estimer.
La souplesse facilitée dans l’augmentation du temps de travail jouera davantage en faveur de la consolidation des emplois existants qu’en faveur de la création d’emploi.
[1] Le Conseil d’État rendra son avis le 4 mars, avant une présentation en conseil des ministres le 9 mars, puis un examen au Parlement en avril 2016.
[2] La réécriture complète du Code du travail devrait se baser sur une approche en trois temps : ce qui n’est pas du tout négociable, ce qui est négociable et ce qui s’applique à défaut d’accord.
[3] Pour 4 heures supplémentaires (soit 39 h hebdo), la baisse de la masse salariale serait de 1,5% en cas de passage de 25% à 10% de la majoration. Pour 9 heures supplémentaires (soit 44 heures hebdomadaires), la baisse de la masse salariale serait de 2,9%.
Pas de commentaire sur “Quelle serait la portée de la réforme du code du travail en gestation ?”