Le Premier ministre vient de présenter un « plan d’investissement » de près de 57 milliards d’euros sur le quinquennat pour contribuer à « accélérer l’adaptation de la France aux enjeux du XXIe siècle »[1]. Quatre domaines sont ciblés dont la formation professionnelle[2], dans le cadre du volet « acquisition de compétences ». Ces dépenses feront l’objet de lignes de crédits alloués aux ministères et figureront au projet de loi de finances (PLF) 2018. Le Premier ministre avait eu l’occasion de déclarer que ce plan financera des actions « à caractère non pérenne, en vue d’effets durables, mesurables à horizon de la fin de la mandature ».
Les professionnels doutent évidemment du caractère « non pérenne » de l’effort à réaliser en matière de formation professionnelle …
Ce plan ne constitue pas une nouveauté puisqu’il fait suite à trois « plans d’investissement d’avenir (PIA) » et reprend d’ailleurs la fin du troisième plan programmé par le précédent gouvernement pour 10 milliards d’euros.
LES OBJECTIFS POUR LE VOLET FORMATION DU PLAN D’INVESTISSEMENT SONT LIMITÉS
Le plan d’investissement se fixe pour objectif la « formation vers l’emploi » de deux millions de personnes peu qualifiées, dont un million de jeunes peu qualifiés éloignés de l’emploi[3] et un million de chômeurs de longue durée faiblement qualifiés (Le PLF 2018 cite seulement le chiffre de 1 800 000 bénéficiaires).
Il devrait consister en des formations longues de six mois à un an. Le but est d’augmenter les compétences des personnes formées pour faire progresser leur employabilité[4].
Plusieurs commentaires s’imposent :
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Le choix des formations longues, qui devraient être proposées à des personnes peu qualifiées, n’a pas été précisé à ce stade.
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Aucune originalité n’apparait sur le ciblage des « jeunes non qualifiées » et « demandeurs d’emploi de longue durée »[6]. L’effort exceptionnel de formation des demandeurs d’emploi se poursuit, sans bien tenir compte des résultats mitigés du plan « formation 500 000 demandeurs d’emploi » qui sont aujourd’hui connus.
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La mise à jour des compétences des actifs et, en particulier des séniors, reste à tort en dehors du jeu, alors que l’évolution des métiers liée au numérique concerne tous les actifs. Le plan de comprend aucun volet de prévention des sorties du marché du travail.
LE FINANCEMENT DU PLAN REPOSE SUR LA RÉORIENTATION DE CRÉDITS EXISTANTS
Sans entrer dans le détail, seuls 24 milliards d’euros de crédits sur 57 seront réellement nouveaux. Ceux-ci devraient provenir d’emprunts, de la Caisse des Dépôts et consignations et Bpifrance (11 milliards) ; la Banque européenne d’investissement serait également sollicitée… Divers jeux financiers sont utilisés dans la présentation du Plan.
La réorientation de crédits existants vers le plan d’investissement représente plus de la moitié (58%) du montant prévu.
L’ENGAGEMENT POUR 2018 RESTERA LIMITÉ
Le plan devrait porter pour 2018 sur seulement 7 milliards d’euros et croitre durant quinquennat. « Il y aura un temps de départ… » a déclaré le porte-parole du gouvernement.
La présentation du Projet de Loi de Finances 2018 donne les « chiffres » suivants concernant l’effort de formation dénommée « plan d’investissement dans les compétences » :
« Le plan d’investissement dans les compétences engagera 14 Md€ de crédits sur le quinquennat, dont 1,5 Md€ dès 2018, puis 3 Md€ en 2019. Sur le quinquennat, il offrira 1,8 million de formations pour les personnes faiblement qualifiées et 250 000 formations à distance. Il soutiendra l’accompagnement et la formation de 1 million de jeunes décrocheurs. Cet effort sans précédent devrait réduire de 300 000 le nombre de personnes au chômage, soit une baisse d’environ 0,5 point du taux de chômage structurel. Sur la période, il devrait aussi permettre à 100 000 jeunes en difficulté de s’insérer durablement dans la vie active. »
CETTE AMBITION DE PASSAGE À L’EMPLOI DE 400 000 PERSONNES POUR 1 800 000 FORMES APPARAIT LIMITÉE À 22% DE RÉUSSITE…
Sur le volet formation, 1,5 milliard d’euros devraient être engagés en 2018, sur les 14 milliards prévus pour l’ensemble du quinquennat (pour une annonce initiale de 15 milliards 48 heures avant).
Par rapport aux montants des financements supprimés, dont celui des emplois aidés, et la disparition d’autres politiques de l’emploi, l’effort financier apparait bien dérisoire à ce stade. Le projet de loi de finances, plan d’investissement compris, voit baisser le montant global de la politique de l’emploi de 1,5 milliards d’euros. Le principe consistant à prendre d’une main pour donner de l’autre semble s’appliquer à cette occasion.
La Fédération de la formation professionnelle (FFP) « partage la priorité d’investir dans le capital humain pour notre pays sur le long terme mais s’interroge sur les résultats attendus par le Gouvernement d’un tel effort national : seulement 300 000 personnes insérées dans l’emploi en cinq ans pour un financement de quatorze milliards d’euros ». Communiqué du 25 Septembre 2017
L’ARTICULATION AVEC LES REFORMES ANNONCÉES RESTE À IMAGINER
La réforme de la formation professionnelle et celle de l’assurance-chômage doivent suivre courant 2018. Le plan d’investissement n’a pas de rapport direct avec la réforme de la formation, qui doit porter sur l’organisation et le financement du système de la formation professionnelle.
L’avenir des financements de la formation professionnelle pour 2019-2022 semble étroitement lié aux réformes encore en suspens.
[1] Ce plan a été élaboré sous la direction de Jean Pisani-Ferry.
[2] Quatre domaines sont ciblés : transition écologique (20 milliards d’euros), formation (15 milliards d’euros), compétitivité avec la prolongation du programme d’investissements d’avenir (13 milliards d’euros) et transformation numérique de l’Etat (9 milliards d’euros).
[3] Le ciblage dans ce plan du public des « jeunes décrocheurs » universitaire (titulaires du bac), soit environ 100 000 jeunes par an, reste à confirmer.
[4] Il s’agit pour le gouvernement rien moins que d’ »édifier une société de compétences : la plus grande des sécurités pour faire face au monde qui vient, c’est notre intelligence individuelle et collective. »
[5] M. Pisani-Ferry a précisé : « Nous sommes dans une logique de résultats, pas de moyens ». Une évaluation aura lieu dès 2019, « par exemple en mesurant les chances d’accès à l’emploi des bénéficiaires six mois après la fin de leur formation ».
[6] L’amélioration de la formation des personnes peu qualifiées exclues potentielles du marché de l’emploi reste la seule priorité du gouvernement.
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