La ministre du Travail vient d’annoncer les grandes lignes de la réforme 2018 de la formation professionnelle. Elle reprend des éléments de l’accord entre organisations syndicales et patronales. Elle en ajoute d’autres qui apparaissent comme la concrétisation des mesures annoncées dans le programme présidentiel[1].
L’État reprend en main, pour une grande part, la gestion directe de la formation professionnelle, au détriment des partenaires sociaux qui en assurait le fonctionnement.
La ministre a remplacé le terme de « big bang », qu’elle utilisait, par celui, plus réaliste, de « transformation ».
En tout premier lieu, et avant d’analyser le détail des annonces qui ont été faites, il semble utile de commencer par prendre un peu de recul pour comprendre ce qui change au niveau des budgets.
L’ENVELOPPE BUDGÉTAIRE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE RESTE INCHANGÉE
La taxe unique, portant sur la formation continue et sur l’alternance (contrat apprentissage et de professionnalisation), dont s’acquittent les employeurs du secteur privé, devrait rester à son niveau actuel. Ce versement est de 1,68% de la masse salariale pour les entreprises de plus de 10 salariés et 1,23% de la masse salariale pour les autres. Cette stabilisation répond à la demande des organisations patronales.
Ces fonds actuellement collectés par les Opca[2], gérés paritairement par les organisations patronales et les syndicats de salariés, devraient être prélevés directement par les Urssaf, en une seule fois. L’objectif affiché est de simplifier les démarches administratives des entreprises.
Le budget de la formation professionnelle, issu des cotisations, n’augmentera pas au-delà de la croissance de la masse salariale. Cette augmentation est en phase avec l’augmentation des effectifs salariés concernés et celle des couts de formation.
LA CROISSANCE DU VOLUME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE RESTE INCERTAINE
La croissance des moyens de la formation professionnelle repose uniquement sur l’économie réalisée par la fin du recours aux OPCA (programmée pour 2020 ou 2021).
L’appréciation du résultat économique reste tout à fait incertaine, car, au-delà de la disparition des OPCA, il doit prendre en compte :
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Le cout des nouveaux dispositifs de collecte des fonds, car le travail réalisé par les Urssaf ne sera pas gratuit,
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Le cout de gestion en ligne du compte personnel de formation (CPF), la « plateforme » de fonctionnement du CFP, qui doit être mise en place, nécessitera un travail important de lancement et une mise à jour permanente pour gérer les plus de 20 millions de comptes individuels, présenter l’offre de formation et assurer les paiements des formations réalisées.
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Le fonctionnement de la nouvelle agence nationale « France compétences »[3] aura également un budget conséquent en rapport avec ses missions…
Ces nouveaux coûts, se substituant à ceux des acteurs actuels, restent difficiles à prévoir.
Les moyens affectés à la formation professionnelle ne semblent pas globalement augmentés par la transformation qui s’engage.
LES EFFETS INDUITS PAR LA « TRANSFORMATION » DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE SONT A CHERCHER AILLEURS…
La « transformation » de la formation professionnelle semble devoir porter, à budget équivalent, sur la répartition des budgets :
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Selon les catégories de bénéficiaires (sans qualification),
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Selon les catégories d’entreprises (PME),
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Selon les types de formation,
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Etc.
Tous les partenaires sociaux émettent leurs réserves par rapport aux annonces sur la formation professionnelle. Citons la position intéressante du MEDEF qui porte sur les principes même.
« La formation professionnelle concerne principalement les entreprises et les salariés car il s’agit d’un élément de compétitivité pour les unes, et d’employabilité à long terme pour les autres. Or les annonces de ce jour démontrent une volonté de « nationalisation » du système en donnant à des acteurs publics un rôle central (Urssaf, Caisse des dépôts et consignation, nouvelle agence d’Etat France Compétence). C’est un contresens. A cet égard, le MEDEF s’inquiète que la collecte des fonds de la formation soit confiée à l’Urssaf : alors que depuis des années le MEDEF se mobilise pour convaincre que la formation professionnelle doit être un investissement, le message envoyé est que cela reste une « taxe » pour les entreprises. » http://bit.ly/2Fj6lUI
PROCHAIN BILLET :
« Quelles sont les victimes de la transformation de la formation professionnelle ? »
[1] Le programme présidentiel était rédigé en ces termes :
« La majeure partie des contributions actuelles des entreprises pour la formation sera progressivement converti en droits individuels pour les actifs. Chacun pourra s’adresser directement aux prestataires de formation, selon ses besoins. Le système sera simple. Les droits seront d’autant plus élevés que les besoins de qualification sont importants. Le système sera juste. Chacun disposera d’une information simple sur les résultats concrets de chaque formation, de chaque accompagnement (retour à l’emploi, impact sur la trajectoire salariale…) car tous les organismes seront soumis à labellisation et obligés d’afficher leurs performances : plus personne ne s’engagera dans une formation sans savoir à quoi elle mène ni quelle est sa qualité. Le système sera transparent. » – Programme Travail Emploi – Permettre à chacun de vivre de son travail. – Objectif 5 : Nous mettrons en place de nouvelles sécurités professionnelles pour tous ceux qui ont ou cherchent un emploi. https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme/travail-emploi
[2] Organisme Paritaire Collecteur Agréé (par l’État) : un Opca est une association à gestion paritaire qui collecte les contributions financières des entreprises qui relèvent de son champ d’application.
[3] « France compétences » doit prendre la place des trois instances actuelles gérées par les partenaires sociaux : Cnefop, Copanef et FPSPP.
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