L’EMPLOI SEMBLE ABSENT DE LA NOUVELLE POLITIQUE DE LA VILLE
Lors des journées nationales de France urbaine, Jean-Louis Borloo a présenté, le 6 avril à Dijon, les grandes lignes de son rapport sur les politiques à mener en faveur des quartiers de la politique de la ville[1]. Il a évoqué un budget de 48 milliards d’euros supplémentaires, mais sur une durée non précisée.
Son plan apparait centré sur la rénovation urbaine pour parvenir à la « la qualité urbaine » en changeant l’ANRU en Fondation. Il a évoqué le bon fonctionnement des services de l’État, dont en matière de sécurité.
Mais les questions du chômage et de l’emploi ne semblent pas au rendez-vous, du moins dans son intervention.
Le seul aspect traité, à juste titre par ailleurs, porte sur de la formation professionnelle des habitants au numérique[2], qui serait financé probablement sur le PIC. Les territoires de la politique de la ville auraient vocation à « l’excellence numérique« .
Cette approche semble bien insuffisante en terme de promotion de l’emploi par rapport à des politiques antérieures.
L’ENGAGEMENT DES COLLECTIVITÉS LOCALES ET DE L’ETAT PORTE SUR D’AUTRES POINTS.
En phase avec la mission de Jean Louis Borloo, un « Pacte pour la cohésion urbaine et sociale » (Pacte de Dijon) a été signé les associations, « France urbaine » et l’Assemblée des communautés de France (ADCF) représentant des grandes intercommunalités et métropoles. Il liste des « engagements » :
« Nous souhaitons apporter des solutions nouvelles aux difficultés des quartiers populaires et attendons en retour de l’Etat un même engagement sur les responsabilités majeures qui sont les siennes, notamment dans les grands services publics fondamentaux que sont l’Éducation, la sécurité et la justice, la santé. »
La responsabilité de l’État en matière d’emploi n’est pas même citée dans ce Pacte des responsables des métropoles urbaines.
LA SEULE MESURE EMPLOI PORTE SUR L’EXPÉRIMENTATION DES « EMPLOIS FRANCS »
La seule initiative emploi connue à ce jour porte sur l’expérimentation des « emplois francs »[3], intégrés dans le plan banlieue d’Emmanuel Macron.
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La loi de finances 2018 a prévu un petit budget de démarrage pour cette nouvelle vague d’« emplois francs »[4]. 11,7 millions d’euros sont réservés pour 2018[5]. Cela représente 2 340 personnes en année pleine en CDI. L’impact sur l’emploi devrait donc rester limité.
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Les territoires d’expérimentation sont assez restreints (moins de 200 quartiers[6]), avant une généralisation éventuelle annoncée pour 2020.
On voit mal a priori comment cette mesure pourrait éviter l’effet d’aubaine, dénoncée, par la Cour des comptes et autres instances, à propos des emplois aidés ou des primes à l’embauche… cela prête à sourire.
L’ouverture des emplois francs à tous les publics sur le seul critère du lieu de résidence semble très large. Par ailleurs, cette mesure emploi ne cible plus les jeunes, d’autant moins que leur accès à un CDI ou un CDD de plus de 6 mois est peu fréquent.
L’accompagnement du dispositif reviendra à niveau de Pôle Emploi qui disposera de l’adresse (dans le quartier) des demandeurs d’emploi concernés et sera à même d’informer les employeurs de cette opportunité de nouvelle prime…
Le lancement officiel des « emplois francs » était prévu le 9 avril 2018, il a été reporté, mais devrait avoir lieu rapidement.
L’application concrète de la mesure et son effet reste à suivre dans l’année qui vient.
LIRE :
Billet du 5 mars 2017 : « Le retour du fantôme des « emplois francs » imaginé par Emmanuel Macron ». http://bit.ly/2mtyCh3
Billet du 23 octobre 2014 : « L’expérimentation des « emplois francs » stoppée par le PLF 2015 ». https://bit.ly/1wjicWd
[2] Borloo a évoqué l' »illectronisme », c’est-à-dire l’absence des connaissances nécessaires à l’utilisation des outils électroniques.
[3] Le dispositif prévoit une prime à l’embauche de 5 000 euros par an sur trois ans pour toute entreprise ou association qui engagerait un habitant de l’un de ces quartiers en CDI. Pour une embauche en CDD de plus de six mois, les primes seront de 2 500 euros par année sur deux ans (le CDD étant limité à 18 mois sauf cas particuliers).
[4] Expérimentation des « emplois francs » : « La loi du 30 décembre 2017 prévoit l’expérimentation, du 1er avril 2018 au 31 décembre 2019, d’un dispositif d’aide de l’État, dénommé « emplois francs ». Ce dispositif sera mis en œuvre au bénéfice des entreprises disposant d’un établissement sur le territoire national qui embauchent, en CDI ou en CDD d’une durée d’au moins six mois, un demandeur d’emploi résidant dans l’un des quartiers prioritaires de la politique de la ville dont la liste sera fixée par arrêté ministériel. Un décret fixera les conditions de mise en œuvre de cette expérimentation. » Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017
[5] Le coût global de l’expérimentation devrait s’élever à 458 millions d’euros en autorisations d’engagement et 307 millions d’euros en crédits de paiement sur la période 2018-2022.
[6] Quartiers en Seine-Saint-Denis, agglomérations de Roissy Pas-de-France et de Cergy-Pontoise, territoire de Grand Paris Sud-Seine, métropole européenne de Lille, métropole d’Aix-Marseille-Provence, et communauté urbaine d’Angers-Loire Métropole.
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