UNE TRANSFORMATION DU RÉGIME D’ASSURANCE CHÔMAGE EN SIMPLE SYSTÈME D’INDEMNISATION CHÔMAGE
La version définitive de l’avant-projet de loi « POUR LA LIBERTÉ DE CHOISIR SON AVENIR PROFESSIONNEL » transmise au Conseil d’État le 5 avril 2018 prévoit une transformation du régime d’assurance chômage en simple système d’indemnisation chômage. Elle devrait être adoptée cet été, pour une application en 2019.
Quatre mesures principales sont présentées dans le texte.
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Le champ des bénéficiaires de l’indemnisation chômage est légèrement élargi, à la marge, en ouvrant l’indemnisation à certains démissionnaires supplémentaires et à quelques travailleurs indépendants ayant déposé le bilan. Les conditions seront précisées par des décrets. Cette mesure ne semble pas répondre pleinement aux promesses faites durant la campagne présidentielle.
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Les sources de financement du régime sont modifiées. La part de financement par l’impôt est actée sans fléchage de sa source ni cadrage de son montant (pas de lien avec l’augmentation de la CSG). Elle dépendra donc chaque année de la Loi de finances avec tous les aléas imaginables.
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L’État met en place un contrôle étroit sur la gouvernance, par le biais d’un encadrement strict du paritarisme de gestion et de négociation. Le dispositif ne laisse que peu de marges de manœuvre aux partenaires sociaux. Ils ne pourront pas bloquer une éventuelle demande d’équilibre annuel du régime de la part du gouvernement.
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La possibilité est donnée à l’État de revoir par décret les règles afférentes à la modulation des cotisations patronales en fonction des contrats et de la part d’activité réduite.
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La question de la dette du régime, qui se situe à près d’un an de recettes, n’est pas évoquée. La perspective d’une reprise par l’État n’est pas de mise.
LE FINANCEMENT DU RÉGIME D’INDEMNISATION CHÔMAGE DEVIENT INCERTAIN
Le financement de l’indemnisation chômage est financé par trois sources :
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Des contributions employeurs assises sur les rémunérations brutes, dans la limite d’un plafond. La possibilité de majorer, ou de minorer, la contribution employeurs est prévue par la loi. Les entreprises pourraient subir une augmentation de cotisations.
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Des ressources issues de l’impôt[1]. Mais une inquiétude demeure dans la mesure où le texte ne prévoit pas que le montant sera équivalent ou moins au produit qui existait jusqu’en 2017 à hauteur de « 2,4 % de cotisations salariales ». Ces cotisations auront été totalement supprimées en fin d’année 2018.
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Des contributions versées, éventuellement, par des salariés de catégories spécifiques comme les intermittents du spectacle ou les salariés expatriés. Un plafond est mentionné.
LA STABILITÉ DU SYSTÈME D’INDEMNISATION CHÔMAGE APPARAIT FRAGILISÉE PAR CE PROJET DE LOI.
Les apparences sont sauves. La gestion de l’Unédic restera « sur le papier » aux partenaires sociaux. Mais la gouvernance sera totalement contrôlée par l’État :
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en aval (cadrage initial[2]) et
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en amont (prise de décisions) des négociations interprofessionnelles,
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et pourra comprendre des correctifs en cours d’année[3] au travers de décrets en Conseil d’État.
À partir de 2019, la participation de l’ensemble des partenaires sociaux au nouveau dispositif restera à confirmer dans les conditions posées par la future loi et les textes réglementaires.
LE GOUVERNEMENT PREND LE CONTRÔLE DE L’INDEMNISATION CHÔMAGE POUR LIMITER SON BUDGET.
Le seul motif, qui puisse expliquer la transformation proposée par le projet de loi, est la volonté du gouvernement de disposer de la maitrise du budget d’indemnisation. Il répond aux intentions exprimées dans le programme présidentiel en prenant des formes. C’est-à-dire en laissant des postes rémunérés aux collaborateurs des partenaires sociaux…
Le système actuel d’indemnisation reste protégé pour l’année 2018. Il est menacé dès 2019 et en 2020. La concrétisation de mesures de réductions des prestations dépendra alors étroitement du nombre du nombre de bénéficiaires.
L’inquiétude des demandeurs d’emploi par rapport à cette transformation apparait légitime, même si « le pire n’est jamais certain ».
Lire le billet du 17 mars 2018 : « Qui assurera la nouvelle gouvernance de l’indemnisation chômage ? » http://bit.ly/2GKv2af
[1] « fractions du produit des impositions de toute nature qui sont affectées à [l’Unédic] dans le cadre des lois et des règlements en vigueur« .
Aucun lien particulier n’est fait avec l’augmentation de la CGG. La raison en est que le calcul du +1,7% initial correspondait à une CSG pour tous et que les fonctionnaires et les indépendants ont été compensés ou exemptés de cette charge en cours de route. Ce qui a conduit à une insuffisance des +1,7% d’augmentation !
[2] Le texte prévoit que le Premier ministre, lui-même, transmette aux partenaires sociaux un document de cadrage qui « précise les objectifs de la négociation en ce qui concerne la trajectoire financière, le délai dans lequel cette négociation doit aboutir, et le cas échéant, les objectifs d’évolution des règles du régime d’assurance chômage.«
L’accord devra être conforme « à la trajectoire financière et aux objectifs définis dans le document de cadrage« . Cela laisse peu de degrés de liberté aux partenaires sociaux et ressemble davantage à une parodie.
[3] Le texte prévoit que le premier ministre puisse demander des corrections aux partenaires sociaux en cours d’année. Il leur transmet un nouveau document de cadrage. « Le Premier ministre peut demander, dans un délai qu’il détermine, aux organisations représentatives d’employeurs et de salariés de prendre les mesures nécessaires pour corriger cet écart en modifiant l’accord » d’assurance chômage.
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