Le rapport Borloo concernant la politique de la ville a été remis à Édouard Philippe le 26 avril. Il compte dix-neuf « programmes » thématiques, dont un traitant plus particulièrement de l’emploi des habitants des quartiers. Le présent Billet ne traite pas les autres thématiques du rapport.
AUCUNE IDÉE NOUVELLE N’APPARAIT DANS LE RAPPORT BORLOO CONCERNANT l’EMPLOI
Il reprend quelques vieilles idées[1], qui peuvent apporter un mieux, à condition de prendre des décisions budgétaires sérieuses pour les soutenir.
Ces financements (en faveur de l’apprentissage par exemple) ou ces dispositifs fiscaux (par exemple en faveur des emplois à domicile par exemple) restent à mettre en place.
Le développement des emplois à domicile est lié évidemment à la demande des employeurs. Les derniers chiffres montrent que le volume horaire des emplois aidés recule. La baisse de pouvoir d’achat des retraités (CSG, charges directes, etc.) ne va pas dans le sens d’une croissance de la demande en emploi à domicile.
LES DISPOSITIFS AUTORITAIRES POUR IMPOSER DES RECRUTEMENTS SONT PEU CRÉDIBLES
Quant aux dispositifs autoritaires proposés dans le rapport comme celui consistant à imposer des quotas d’apprentis des quartiers aux entreprises, ils constitueraient une rupture avec la politique vis-à-vis des entreprises. Ils ne figurent d’ailleurs pas dans le projet de loi « avenir professionnel ».
De même les entreprises de travail temporaire, peuvent être « invitées » à s’impliquer dans une expérimentation qui doit conduire 20 000 habitants des quartiers vers l’emploi en trois ans, mais même si un effort est engagé pour des raisons de pression politique sur les grands groupes d’intérim : rien ne semble évident.
Accroître les « obligations d’embauche » d’habitants des quartiers sur les programmes de « grands travaux » suppose qu’il y en ait[2].
Les armées recrutent déjà largement dans les banlieues populaires et depuis de nombreuses années. Elles recrutent des volontaires (et pas des conscrits) et donc afficher un chiffre de 5 000 recrutements par an de jeunes des quartiers apparait plaisant.
LA PRIME À L’EMBAUCHE N’APPORTERA RIEN DE SÉRIEUX
Le dispositif des « emplois francs » entre dans le champ de toutes les critiques sur les « effets d’aubaine » que la Cour des comptes, et ce même gouvernement, ont mis en avant pour supprimer des centaines de milliers d’emplois aidés et de primes à l’embauche dans les PME. C’est un peu paradoxal d’abandonner un travers pour reprendre ensuite le même chemin. Ce dispositif de prime à l’embauche deviendrait couteux s’il était élargi en 2020 à l’ensemble de tous les quartiers pauvres, au-delà d’une expérimentation très réduite qui a été engagée. Difficile de parier sur sa généralisation.
LE « PARRAINAGE VERS L’EMPLOI » NÉCESSITE DES FINANCEMENTS AUX ASSOCIATIONS NATIONALES
La politique de « parrainage vers l’emploi » des jeunes a été développée depuis des décennies. Le dispositif a fait ses preuves. Mais, pour l’avoir animé avec le plus important réseau, je peux affirmer que son développement dépend en très grande partie du niveau des financements accordés aux associations nationales centralisées ou en réseau. Elles doivent identifier les parrains et convaincre les jeunes, former les parrains en amont des mises en relation, assurer les mise en relation, accompagner les personnes pendant le déroulement du parrainage et gérer tous les problèmes qui peuvent survenir. Ce travail n’est pas rémunéré à sa juste valeur.
ON NE PEUT PAS MENER UNE POLITIQUE DE L’EMPLOI DANS LES QUARTIERS PRIORITAIRES SANS MENER UNE POLITIQUE DE L’EMPLOI GLOBALE.
Ce sont des mesures de discriminations positives qui sont évoquées dans ce rapport, on en connait les travers idéologiques comme l’inefficacité pratique.
La logique actuelle veut que les habitants qui résident dans les quartiers les quittent lorsqu’ils accèdent à l’emploi stable et à une vie sociale. C’est le cas, en particulier, des jeunes qui engagent des études supérieures. Ils partent, pour la plupart, hors du territoire en difficulté dès qu’ils intègrent une formation et peu y reviennent …
C’est l’autre raison de la faiblesse du raisonnement récurrent de Jean-Louis Borloo. Car la situation de l’emploi dans les quartiers est le résultat de cette migration entrante et sortante. Le taux de chômage reste élevé parce que les habitants changent.
Si des dispositions positives sont prises et que des habitants obtiennent un emploi stable, ce qui reste à démontrer, ils quitteront leur logement pour un cadre de vie plus plaisant. Et un sans-emploi viendra habiter à leur place.
SEULS UNE BAISSE MASSIVE DU CHÔMAGE ET UN RETOUR AU PLEIN EMPLOI PEUVENT FAIRE CHUTER LE NIVEAU DE CHÔMAGE DANS LES QUARTIERS. IL N’EST PAS SÉRIEUX DE PRÉTENDRE TRAITER CE PROBLÈME RÉEL À PART.
Remarque : Je n’aborde pas ici des propositions du rapport comme celle consistant à embauche 1 000 jeunes par an dans la fonction publique (avec un passage de vocabulaire de spectacle sur les « leaders »), car ce chiffre est déjà dépassé par la voie des concours des fonctions publiques. Cette idée reprend plus ou moins la méthode Descoing consistant à intégrer des jeunes des quartiers à Sciences Po, les résultats de cette manip est très mitigé. Il ne faut pas s’y tromper : les jeunes des quartiers qui parviennent à conduire leurs études, en dépit de divers handicaps culturels, économiques et sociaux, réussissent aujourd’hui dans le secteur public comme dans le secteur privé, même si la proportion reste inférieure à la moyenne.
[1] Je tiens à préciser que j’ai travaillé près de 20 ans à développer des actions en faveur de l’emploi des jeunes dans les quartiers de la politique de la ville. J’ai occupé un poste d’administrateur de l’Acsé sur plusieurs mandats. J’ai pu suivre une succession de politiques de la ville, comme voir comment travailler sur la question de l’emploi sur ces territoires. Les professionnels savent ce qui fonctionne et tout ce qui a été abandonné en attribuant la conduite des politiques aux ministères généraux. Rien dans le présent rapport ne semble renouveler l’approche, au-delà d’une communication politique du type : « on s’occupe de vous ». L’injection de financements ciblés pourrait seule conduire à quelques résultats positifs.
[2] Imposer le recrutement d’habitants des quartiers sur des chantiers de rénovation urbaine est la reprise d’une manière de faire connue, à condition de disposer des financements pour reprendre des opérations relevant du BTP.
Le financement des travaux d’infrastructure ne semble pas avoir été mis en avant, durant sa première année, par le gouvernement .
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