L’ÉVOLUTION DE LA NATURE DES CONTRATS DE TRAVAIL A L’EMBAUCHE EST MARQUÉE PAR LA CROISSANCE DU NOMBRE DE CDD COURTS ET RÉPÉTÉS.
Au niveau des contrats en cours dans le secteur privé, en 2017, en France, 88 % des salariés de droit privé ont bénéficié d’un contrat à durée indéterminée (CDI) et 12 % en contrat à durée déterminée (CDD)[1]. Cette répartition ne comprend pas les effectifs de l’intérim dont les contrats diffèrent[2].
Au niveau des embauches la proportion de CDI et de CDD diffère avec 13% de CDI et 87% de CDD. Le recrutement de salariés en CDI reste assez stable tandis que les embauches en CDD augmentent[3]. Mais dans le détail, il faut distinguer deux types de CDD :
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D’une part, des CDD « longs » dont le motif est un remplacement de salarié en congé maladie, en congé maternité, en absence, en formation, en mission longue, etc., et,
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D’autre part, des CDD d’un jour à quelques jours : « en 2017, 30 % des CDD ne durent qu’une seule journée ». Le phénomène touche les secteurs comme « l’hébergement médicosocial, l’audiovisuel ou la restauration ». Dans l’industrie et le BTP, l’emploi temporaire passe avant tout par l’intérim[4].
La logique voudrait que l’on distingue les CDD « traditionnels » des CDD « courts et répétés » de moins d’un mois sans faire de confusion entre les deux.
La DARES résume cela par la formule : « Les pratiques contractuelles font ainsi apparaître une dualisation du marché du travail plus marquée, entre des salariés en CDI et d’autres multipliant les contrats très courts. »
Cette situation touche particulièrement les jeunes à leur entrée sur le marché du travail ainsi que des chômeurs en situation précaire.
Les salariés bénéficiant des contrats de quelques jours cumulent pour une part d’entre eux leurs salaires et l’indemnisation chômage. On les désigne par le terme de « permittents ».
Chaque mois, environ 1,6 million d’inscrits à Pôle emploi travaillent « un peu » (catégories B et C), une petite moitié gagnent trop pour toucher des allocations et une grosse moitié restent bénéficiaires.
La multiplication des contrats courts par certains employeurs pose un vrai problème dans la mesure où elle génère un cout injustifié pour le système d’indemnisation[5].
La question posée par la situation des intermittents du spectacle s’est progressivement élargie à d’autres secteurs économiques qui, de fait, font financer par l’indemnisation chômage leur activité économique irrégulière. Leur nombre a fortement augmenté[6] posant problème.
LE GOUVERNEMENT VA APPORTER DES RÉPONSES À LA MULTIPLICATION DES CONTRATS TRÈS COURTS PAR CERTAINS EMPLOYEURS
L’article 33 du projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » vise à réduire ces contrats courts et envisage de laisser à l’État deux possibilités d’action :
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Pénaliser les entreprises « abusant » des contrats courts en instaurant un système de bonus-malus[7] au niveau des cotisations sociales d’indemnisation chômage[8].
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« Modifier les mesures d’application relatives (…) à l’activité réduite « , c’est-à-dire concrètement de diminuer l’indemnisation des chômeurs entre leurs courtes périodes salariées d’une manière ou d’une autre.
Le premier point apparait assez naturel puisqu’il revient à faire payer les employeurs pour une pratique avantageuse pour eux. Le calcul du malus reste à définir, et ce ne sera pas simple. L’encouragement du recours au travail temporaire, dans des secteurs où il est rare, serait probablement la meilleure solution.
Le second point consistant à réduire le cumul travail-indemnité pourrait avoir un effet négatif dans la mesure où il tendrait à freiner les retours à l’emploi de chômeurs. Le demandeur d’emploi indemnisé n’aurait plus aucune raison de chercher un « petit boulot ».
La reprise d’un emploi même partiel reste une priorité. L’aspiration à une politique d’embauche purement en CDI n’est pas un choix réaliste dans le contexte actuel de marché du travail.
IL FAUT CONTINUER A ENCOURAGER LA REPRISE DU TRAVAIL DES CHÔMEURS NE SERAIT CE QU’A TEMPS PARTIEL OU A DURÉE LIMITÉE.
Il faut admettre qu’une part des emplois soient à temps partiel ou à durée limitée, car ils répondent aux besoins RH d’entreprises ou d’administrations. Le rétablissement du plein emploi impose de l’accepter comme le prouvent les situations dans les pays étrangers comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne.
Par contre, le système de solidarité, lié à ces situations, ne doit pas être à la charge de l’ensemble des entreprises, mais bien des seules entreprises concernées. Les employeurs doivent payer en fonction de leur pratique le recours aux contrats courts.
[1] « Cette part de CDD dans l’emploi salarié a augmenté fortement entre 1982 et 2002, puis plus modérément ».
[2] DARES Analyse – « Comment évoluent les embauches et les ruptures depuis 25 ans ? » – publié le21.06.18
[3] « Au sein des flux d’embauches en CDD et CDI, la part des CDD a nettement progressé en vingt-cinq ans, notamment à partir des années 2000, passant de 76 % en 1993 à 87 % en 2017. »
[4] Part des contrats très courts (moins d’un mois) dans les CDD arrivés à terme par secteur (hors intérim)
Année | Ensemble | Industrie | Construction | Tertiaire |
1998 | 57% | 41% | 33% | 61% |
2007 | 71% | 38% | 27% | 74% |
2017 | 83% | 32% | 22% | 85% |
Champ : France métropolitaine, établissements de 50 salariés ou plus du secteur privé (hors agriculture, hors intérim), champ MMO. Source : Dares, MMO, données rétropolées avant 2016.
[5] Le coût pour l’Unédic serait de 5,4 milliards d’euros, mais cette estimation reste à confirmer.
[6] On cite une augmentation de 60% en 5 ans, mais sans savoir si l’on parle du nombre de contrats ou de leur volume.
[7] Les branches professionnelles ont jusqu’à la fin 2018 pour établir leur propre système. Faute de proposition, le gouvernement interviendra par décret pris entre le 1er janvier 2019 et le 30 septembre 2020. Cette solution est probable.
[8] Les entreprises qui ont trop recours à ces contrats courts devraient payer davantage de cotisations patronales pour l’indemnisation chômage, les entreprises favorisant les contrats longs moins.
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