France Stratégie, organisme d’études et de prospective, d’évaluation des politiques publiques et de propositions, placées auprès du Premier ministre, vient de publier une note d’analyse[1] examine la question de savoir : « Où réduire le poids de la dépense publique ? ».
UNE ORIENTATION DES PISTES DE RÉDUCTIONS DE LA DÉPENSE PUBLIQUE APPARAIT PLUS CLAIREMENT
Cette note répond à une préoccupation politique et sociale de toute première actualité et importance. Il est vrai que le début du quinquennat n’a pas été marqué par le début d’une réduction de dépenses publiques. L’objectif global de 3 points de PIB d’allègement de la dépense publique en cinq ans a été négligé.
Seuls ont été décidés pour 2018 et 2019, un rééquilibrage budgétaire, dont les principales victimes sont la « politique de l’emploi » et celle du Logement, au bénéfice d’autres lignes.
En exposant, explicitement ou implicitement, la politique menée par le gouvernement et les projets en cours, cette note éclaire le raisonnement du gouvernement et les mesures déjà prises, par exemple à l’égard des retraités (abandon de l’indexation de l’indice et CSG).
Si la note affiche « innocemment » ses limites[2], elle expose la vision défendue par cette structure (et l’inspection des finances) en matière budgétaire.
Sans prétendre être un spécialiste, il est clair que l’approche adoptée n’examine par toutes les solutions possibles, elle présente juste quelques variantes dans une orientation bien cadrée (préservation du périmètre public, sauvegarde de la fonction publique d’État, etc.). La note précise, en particulier, que :
« L’excès du poids des dépenses de fonctionnement de nos administrations centrales comme locales est connu, mais sans doute surestimé. »
Cette position de défense des administrations par les technocrates, par eux-mêmes, ne peut échapper au débat.
FRANCE STRATÉGIE NE PREND PAS EN COMPTE LA DIMENSION « EMPLOI » DES MESURES DE RÉDUCTION DES DÉPENSES
France Stratégie présente des scénarios d’évolution des dépenses publiques qui ignorent les questions de fond et les conséquences prévisibles des options proposées en matière de chômage et d’emploi. France Stratégie anime pourtant un réseau d’organismes, dont le Conseil d’orientation pour l’emploi[3].
LA BAISSE DE L’INDEMNISATION CHÔMAGE EST BIEN AU PROGRAMME.
Après avoir envisagé une réduction des dépenses de santé, puis la baisse des dépenses d’investissement local et enfin une baisse ou suppression des aides aux employeurs[4], un « troisième scénario », visiblement privilégié, suppose « pour être crédible, suppose d’élargir les économies aux prestations sociales en espèces » (y compris retraites, chômage, famille, pauvreté, logement) « et à l’accueil et à l’aide aux personnes » (petite enfance, handicap, dépendance).
La note de France Stratégie reconnait que :
« Les décisions prises par le gouvernement de désindexer partiellement les retraites en 2019 et 2020, de même que la volonté de mieux maîtriser les dépenses d’assurance-chômage, vont dans ce sens ».
Ce commentaire sur la réduction de 3 à 4 Md€ sur l’indemnisation chômage, demandée dans la lettre de cadrage aux partenaires sociaux, trouve son origine dans l’approche budgétaire générale révélée par cette note. Le diagnostic proposé par France Stratégie est le suivant
« Plus d’un tiers du surcroît de dépenses sociales (hors retraites) en France par rapport aux autres pays provient des prestations liées au chômage, qui représentent 1,7 point de PIB[5]. Cela n’a rien de surprenant dans un contexte où le taux de chômage en France est plus élevé que dans les pays considérés (10,1 % en 2016, contre une moyenne de 8,5 % et même 7,4 % en excluant l’Espagne). »
Cette présentation du poids de la dépense d’« indemnisation chômage » justifie le choix d’une diminution de l’indemnisation sans évoquer le fait que la baisse du taux de chômage serait une meilleure solution !
L’IMPACT DE CES MESURES TOUCHE D’AUTRES EMPLOIS
Sans détailler une lecture « emploi » de l’ensemble des mesures évoquées dans cette note, on peut remarquer que la baisse des aides relatives aux activités à domicile (aide aux personnes) conduira mécaniquement à des diminutions du nombre des emplois, comme cela est déjà engagé et parallèlement à renvoyer des travailleurs à des emplois non déclarés… D’autres mesures auront un impact, comme la baisse des investissements locaux.
Ce propos ne veut pas dire qu’il ne faille pas prendre telle ou telle décision, mais qu’il apparait indispensable de juger leur impact sur l’emploi et le chômage.
[1] Janvier 2019 – N°74 – https://bit.ly/2FFJrWv
« France Stratégie est un organisme d’études et de prospective, d’évaluation des politiques publiques et de propositions, placé auprès du Premier ministre. Lieu de débat et de concertation, France Stratégie s’attache à dialoguer avec les partenaires sociaux et la société civile pour enrichir ses analyses et affiner ses propositions. Elle donne à ses travaux une perspective européenne et internationale et prend en compte leur dimension territoriale. France Stratégie mise sur la transversalité en animant un réseau de sept organismes aux compétences spécialisées. »
[2] « Les scénarios bâtis (…) ne doivent pas être interprétés comme des scénarios « souhaitables » ni comme des recommandations. Ils ont une vocation illustrative, donnant à voir des combinaisons de mesures permettant d’atteindre l’objectif fixé, selon les contraintes supplémentaires que l’on s’impose. » Note France Stratégie n°74.
[3] COE : « lieu permanent de débat entre les principaux acteurs du marché du travail. Il a pour objectif d’établir des diagnostics partagés et de formuler des propositions de réforme ». Le COE réalise, par ailleurs, des travaux très pertinents. http://www.coe.gouv.fr/
[4] Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), crédit d’impôt recherche (plus de 5 milliards), soutien aux énergies renouvelables (plus de 5 milliards), crédits d’impôts pour l’emploi à domicile.
[5] Commentaire détaillé : « Outre les dépenses liées directement à la fourniture d’un revenu de remplacement pendant une période d’inactivité liée à la perte d’emploi, les dépenses liées au risque « chômage » au sens de la nomenclature CFAP intègrent aussi les éventuelles pré-retraites consécutives à la perte d’emploi pour motif économique, ainsi que les allocations versées à des personnes en formation. Cet agrégat n’étant constitué que des prestations sociales en espèces au sens de la comptabilité nationale (D62), il n’intègre pas les dépenses liées au fonctionnement des organismes de placement et à l’accompagnement (Pôle emploi, etc.), que l’on retrouve en « dépenses d’administration générale », ni les autres dispositifs de soutien à l’emploi (emplois aidés, etc.), que l’on retrouve en « subventions et transferts à l’économie ». »
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