L’OCDE A MIS A JOUR SA NOUVELLE ORIENTATION IDÉOLOGIQUE QUANT AUX POLITIQUES DE L’EMPLOI
La « nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l’emploi »[1] vient d’être rendue publique. Elle définit la mise à jour de l’orientation idéologique des politiques de l’emploi pour les pays occidentaux[2].
« Elle recommande aux pouvoirs publics de redoubler d’efforts pour aider les travailleurs et les entreprises à s’adapter aux mutations rapides du monde du travail et soutenir la croissance inclusive. »
Sur cet objectif de principe, il n’y a pas de commentaire à faire : on ne peut qu’approuver les bonnes intentions. La politique menée par la France apparait s’inspirer, en bonne partie au moins, des objectifs affichées par cette stratégie de l’OCDE.
Le résumé du document présente également un objectif consensuel : « Des emplois de qualité pour tous dans un monde du travail en mutation »[3]. Les « Grands principes d’action » consistent à :
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Favoriser l’instauration d’un environnement propice à des emplois de qualité,
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Prévenir l’exclusion du marché du travail et protéger les individus contre les risques liés à ce dernier,
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Se préparer aux possibilités et aux défis futurs d’une économie et d’un marché du travail en mutation rapide.
D’une manière générale, la « stratégie » consiste à accompagner toutes les mutations, MAIS en y apportant toutes les dispositions de précaution utiles.
Cela apparait de bon sens, mais, selon la manière dont on envisage la prévention des risques, on tolère ou on freine les évolutions négatives engagées dans le monde du travail. En résumé, le texte peut paraitre à double sens, selon la manière dont on le lit. Il est sans doute le fruit de compromis.
Pour illustrer mon propos, je cite les deux paragraphes suivants :
« La flexibilité des marchés du travail et de produits est indispensable pour créer des emplois de qualité dans un environnement toujours plus dynamique, mais les avantages et les coûts associés à cette flexibilité doivent être partagés équitablement entre les entreprises et les travailleurs. »
« Les politiques publiques doivent parvenir à instaurer un juste équilibre entre flexibilité de l’emploi et stabilité. La difficulté consiste à redéployer les ressources vers des usages plus productifs tout en assurant un degré de stabilité de l’emploi qui stimule l’apprentissage et l’innovation sur le lieu de travail. »
DES POLITIQUES PRÉVENTIVES POUR ANTICIPER LE CHANGEMENT DES MÉTIERS ET L’APPARITION DE MÉTIERS ATYPIQUES SONT CONSEILLÉES
L’OCDE prône, face aux évolutions en cours, « des politiques préventives pour anticiper le changement des métiers ». Il s’agit d’investir dans un système d’enseignement et de formation efficace « qui dote les travailleurs des compétences requises par les employeurs ».
Le Plan d’investissement compétences (PIC), engagé en France, répond en théorie à cette recommandation ; reste à connaitre les résultats de son application concrète tant quantitative que qualitative.
La Stratégie constate « la progression des différentes formes d’emplois atypiques, y compris des emplois temporaires et du travail indépendant »[4]. La difficulté consiste à :
« accompagner l’innovation en matière de création et d’utilisation de modalités d’emploi atypiques tout en évitant les abus, en instaurant des conditions de concurrence équitables pour les entreprises, et en offrant une protection adéquate à tous les travailleurs ».
L’OCDE estime, à tort ou à raison, que « les formes d’emplois atypiques » sont « appelées à se développer[5] ».
Mais la mise en place de l’environnement proposé pour ces emplois (social et respect de la concurrence) semble devoir plomber en partie leur développement ! Des mesures sont attendues.
L’OCDE en appelle à « une protection sociale minimale universelle[6] » qui rappelle étrangement le projet d’élargissement de l’indemnisation chômage aux salariés démissionnaires et aux indépendant, proposé par le gouvernement ; mais on sait que ces mesures ont été mises en place de manière marginale pour des raisons de cout.
Des éléments classiques sont aussi rappelés concernant le renforcement de l’égalité des chances, la conciliation entre vie professionnelle, familiale et sociale, etc.
L’OCDE DÉFEND LA NÉCESSAIRE QUALITÉ DU DIALOGUE SOCIAL[7].
« Les partenaires sociaux ont aussi un rôle déterminant à jouer en favorisant l’inclusivité, en protégeant les travailleurs et en mettant en place des systèmes efficaces de négociation collective. »
La dernière période n’aura pas été porteuse en France pour le dialogue social. Reste à voir si la crise civique et sociale actuelle conduira à une relance du dialogue entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Cela ne semble pas acquis.
ET DISPENSE DES CONSEILS POUR LA MISE EN ŒUVRE DES RÉFORMES.
Enfin, l’OCDE donne aux États un « cours de réforme »[8] assez précis.
La présence d’un tel développement sur le mode d’emploi « de la réforme » atteste du constat des difficultés que certains pays rencontrent pour mener des réformes concernant les politiques de l’emploi, de la formation, de l’accompagnement des chômeurs, etc. Ces conseils pourraient être utilement suivis par le gouvernement pour poursuivre la démarche engagée.
[1] OCDE – « Une nouvelle stratégie pour l’emploi s’impose face aux mutations du monde du travail » – https://bit.ly/2T7ru75
“Good Jobs for All in a Changing World of Work” – The OECD Jobs Strategy – Published on December 04, 2018
[2] « L’OCDE est née en 1960 lorsque 18 pays européens, les États-Unis et le Canada ont uni leurs forces pour fonder une organisation vouée au développement économique. Aujourd’hui, l’OCDE compte 36 pays Membres à travers le monde, de l’Amérique du Nord (Canada et Etats-Unis) et du Sud à l’Europe et l’Asie-Pacifique (Australie, Corée du sud, Japon, Nouvelle-Zélande). En font partie beaucoup des pays les plus avancés, mais aussi des pays émergents comme le Mexique, le Chili et la Turquie. »
[3] La stratégie de l’OCDE pour l’emploi – Résumé en français – https://bit.ly/2FPs2uP
[4] « Même s’il ne représente actuellement qu’un faible pourcentage des emplois, le travail à la demande (« gig work ») progresse lui aussi et pourrait se développer considérablement dans un avenir proche. »
[5] « Les responsables publics doivent veiller à ce que chacun ait accès à la protection sociale et soit couvert par les principales réglementations du marché du travail, indépendamment de son contrat de travail ou du type d’emploi qu’il occupe. »
[6] « L’efficacité de la protection sociale peut être renforcée en élargissant sa couverture, et en adaptant les régimes existants ou en créant de nouveaux dispositifs spécifiques, conformément au principe d’une protection sociale minimale universelle, tout en encourageant la portabilité des prestations. »
[7] « L’action des pouvoirs publics doit s’inscrire dans une démarche prospective, afin d’identifier par avance les problèmes et débouchés éventuels. Les employeurs, les travailleurs et leurs représentants doivent travailler en étroite collaboration avec les pouvoirs publics dans un esprit de coopération et de confiance mutuelle. »
[8] « Pour aider les pays à bâtir des marchés du travail plus robustes et plus inclusifs, la nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l’emploi dispense des conseils pour la mise en œuvre des réformes. » (…) « Les stratégies de réforme doivent être adaptées aux caractéristiques propres à chaque pays. » (…) « Les politiques publiques sont plus efficaces lorsqu’elles sont intégrées à des programmes d’action cohérents. » (…) « Le regroupement et l’ordonnancement efficaces des réformes limitent les arbitrages nécessaires entre les différentes mesures et peuvent mobiliser un plus grand soutien de l’électorat. » « Il est indispensable de susciter l’adhésion aux réformes pour qu’elles aboutissent[8]. » (…) « Une fois les réformes adoptées, il convient de veiller à leur mise en œuvre complète, à leur pleine application et à leur évaluation rigoureuse. »
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