LA PERSPECTIVE D’UNE RÉDUCTION DES COTISATIONS PATRONALES, SUITE À LA FIN DU CICE, SE PROFILE
Le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), mis en place en 2013, a été calculé en pourcentage des rémunérations n’excédant pas 2,5 fois le SMIC[1]. Le CICE a été supprimé depuis le 1er janvier 2019. L’entreprise détenant des créances de CICE pourra les utiliser par rapport au paiement de ses impôts de 2019 à 2021[2].
Le remplacement du CICE par une réduction pérenne des cotisations patronales devrait prendre la suite du CICE. Mais pour des raisons budgétaires[3], le gouvernement a reporté au mois d’octobre 2019 l’intégration des cotisations patronales d’assurance chômage dans le champ de la réduction générale de cotisations patronales initialement prévue au 1er janvier 2019[4].
Les différents travaux d’évaluation du CICE ont conclu à sa très faible efficacité en termes d’emplois créés ; au mieux il aurait permis la sauvegarde d’emplois.
La question porte aujourd’hui sur la mesure d’un éventuel impact de la baisse des cotisations patronales sur l’emploi, qui va conduire à diminuer, plus ou moins, la masse salariale des entreprises.
LE CAE ESTIME LA POSSIBILITÉ DE 80 000 À 200 000 CRÉATIONS D’EMPLOI
Une récente note du Conseil d’analyse économique (CAE)[5], « Baisses de charges : stop ou encore ? », rappelle les évaluations existantes sur l’efficacité de la baisse pratiquée, depuis des années, sur les cotisations sociales sur les créations d’emploi (ou sauvegarde de l’emploi) et cite des travaux récents.
La note conclut à l’impact positif sur l’emploi des baisses de charges quand celles-ci sont ciblées sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC.
Ce seuil correspond au fait que le taux de chômage apparait plus élevé pour les personnes les moins qualifiées (chiffres DARES – Pôle Emploi).
Les conclusions de la note :
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sur le ciblage des niveaux de salaires, dont les cotisations sont réduites (1,6 ou 2,5 SMIC voire davantage), et
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sur l’intérêt même de la baisse des cotisations sociales en terme d’impact sur l’emploi,
sont contestées par d’autres économistes. Le débat est ouvert ; mais il n’est pas possible sur ce blog de le détailler en seulement quelques lignes …
Les exonérations de cotisations patronales doivent être compensées par Bercy par d’autres ressources, c’est-à-dire une hausse de taxes ou d’impôts. Ce qui a été le cas pour le CICE.
Enfin, la baisse des cotisations sur les bas salaires contribue à la polarisation du marché du travail en deux pôles « qualifiés » / « non qualifiés » et une tendance à la disparition d’une part au moins des fonctions intermédiaires, mais il s’agit là d’un autre débat.
La conclusion de la Note du CAE porte sur une prévision de 80 000 à 200 000 créations d’emploi, suite à cette réduction des charges.
« À partir de ces estimations, nous pouvons quantifier l’impact attendu a priori sur l’emploi de l’allégement supplémentaire de 4 points de cotisations sociales à compter du 1er octobre 2019 (entre 1 et 1,6 SMIC) : entre 80 000 et 200 000 emplois créés ou sauvegardés selon l’élasticité retenue.
En dépit des incertitudes liées à ces estimations, il nous semble légitime de les comparer à l’ordre de grandeur résultant de l’évaluation a posteriori du CICE : 100 000 emplois créés ou sauvegardés pour un coût pour les finances publiques près de six fois supérieur. »
Le passage à des réductions de cotisations patronales permettra aux entreprises de l’économie sociale (associations, mutuelles et coopératives) de diminuer leur masse salariale et/ou d’embaucher, alors qu’elles ne bénéficiaient pas du CICE, faute d’impôts sur les bénéfices. De nombreux acteurs de ce secteur ont déjà fait leurs calculs et projettent des créations de postes ou des passages de CDD en CDI.
DEUX RECOMMANDATIONS VISENT À CENTRER LES EFFORTS SUR LES BAS SALAIRES
La note du CAE se conclut par deux recommandations ? pour que la baisse des charges patronales soit la plus efficace pour l’emploi.
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« Au regard du seul objectif de soutien à l’emploi et de lutte contre le chômage, privilégier des exonérations ciblées sur les bas salaires et éliminer toutes les charges au niveau du SMIC. »
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« Stabiliser durablement les dispositifs de réduction du coût du travail sur les bas salaires pour mettre fin à l’empilement des réformes.[6]»
Le CAE déplore, à juste titre, que :
« L’instabilité des dispositifs ne contribue pas à leur lisibilité par les employeurs s’agissant de mesures structurelles destinées à modifier des choix de long terme. Or on a assisté depuis 2012 à une succession de réformes à un rythme élevé. (…) »
« La politique de réduction du coût du travail de 2012 à 2018 a été caractérisée par l’empilement des dispositifs et la modification permanente des barèmes », ce qui n’est pas un gage d’efficacité.
Il reste à espérer que cet avis sera pris en compte. En effet, l’instabilité des politiques publiques, qui connaissent des revirements annuels, ne pousse pas à prendre des risques en embauchant en CDI ! Cette notion de stabilité devrait être prise en compte par les décideurs politiques dans de nombreux domaines.
Le ciblage limitatif de la réduction de cotisations sur les bas salaires privilégie dans les faits certains types d’entreprise par rapport à d’autres. A priori les secteurs de la production (agriculture, construction et industrie) sont plus concernés que le tertiaire. Elle va peu concerner le secteur bancaire pour ne citer qu’un exemple.
Cette orientation à une signification vis-à-vis de l’emploi et de la réduction du chômage mais également par rapport aux types d’activités.
[1] 4 % en 2013, 6 % de 2014 à 2016, 7 % en 2017 et enfin 8 % en 2018
[2] Elle pourra ensuite demander le remboursement de la fraction non utilisée.
[3] Le CICE, lié aux exercices antérieurs, reste à financer, simultanément à la baisse des recettes de ces cotisations patronales, d’où une charge budgétaire exceptionnelle.
[4] Loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, puis Décret n° 2018-1356 du 28 décembre 2018 relatif à la mise en œuvre de la réduction générale des cotisations et contributions sociales à la charge des employeurs. https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2018/12/28/CPAS1835058D/jo/texte
[5] Source : « Baisses de charges : stop ou encore ? » – Les notes du Conseil d’Analyse Economique, n° 49 – janvier 2019 – Yannick L’Horty, Philippe Martin et Thierry Mayer – http://www.cae-eco.fr/IMG/pdf/cae-note049v4.pdf
[6] « Après la suppression prévue en octobre 2019 des derniers 4 points de cotisations au niveau du SMIC, il sera difficile de compenser les augmentations futures du SMIC par des baisses de charges supplémentaires. Cela pose la question de la mise en cohérence de la politique de revalorisation du SMIC, de la politique d’emploi pour les personnes à bas salaires ainsi que des leviers d’action (tels que la Prime d’activité), qui permettent d’augmenter le pouvoir d’achat de ces personnes et de lutter contre la pauvreté. Nous considérons qu’une hausse de la Prime d’activité est de ce point de vue préférable à une augmentation du SMIC. »
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