UN RAPPORT PARLEMENTAIRE PROPOSE DE FAVORISER L’ACCESSIBILITÉ AU PERMIS DE CONDUIRE
Un rapport, commandé par le Premier ministre, vient d’être rendu sur le thème « favoriser l’accessibilité du permis de conduire ». Il vise à renforcer la qualité de la formation du permis de conduire et à garantir son accessibilité en termes de délais et de prix [1] . Il porte sur l’un des sujets du futur « projet de Loi d’orientation sur les mobilités » qui devait être présenté courant mars 2019. Il propose par exemple le passage du permis, et de la conduite, dès 17 ans.
Mais surtout, il formule plusieurs recommandations dont plusieurs dispositions censées favoriser l’émergence des auto-écoles en ligne : généralisation des inscriptions à l’examen en candidature libre grâce à un « calendrier en ligne pour l’intégralité du territoire », agréement national et non plus départemental pour les auto-écoles (modifiant l’article R 213-1 du Code de la route)[2], etc.
Le modèle des plateformes numériques, « auto-écoles en ligne », faisant appel à des travailleurs indépendants, ayant leur propre véhicule, pour assurer les leçons de conduite existe déjà. Leurs élèves se présentent en candidat libre à l’examen du permis. Mais le développement des plateformes est encore bridé par des dispositions réglementaires, et leur situation parfois mise en cause faute d’agrément.
Les propositions du Rapport leur seraient favorables par rapport aux auto-écoles traditionnelles ayant des locaux, des gérants, des salariés et un parc automobile cohérent.
Si la préparation de l’examen du code se prête bien à une préparation en ligne, elle est désormais proposée par l’ensemble des acteurs, l’apprentissage de la conduite nécessite d’autres conditions et qualités.
Les organisations des représentants des auto-écoles (patronaux et salariés) dénoncent une réforme qui provoquerait la fermeture de nombreuses auto-écoles. Ils ont entamé une négociation à ce propos[3]. Ils défendent la qualité de leurs entreprises et des services rendus. Ils demandent une baisse de la TVA de 20% à 5,5%. Ils évoquent également « des conséquences prévisibles pour la sécurité routière » de moniteurs peu formés.
IL Y A BIEN LIEU D’AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DU SYSTÈME ACTUEL ET DE BAISSER LE PRIX DU PERMIS DE CONDUIRE
A lire ce billet, chacun pense à sa propre expérience et à celle de ses proches.
Nul n’ignore que les auto-écoles traditionnelles font l’objet de nombreuses critiques ponctuelles ou générales (prix, nombre d’heures, calendrier d’inscription à l’examen, etc.) ; les autos-écoles en ligne en attirent d’autres d’après la presse spécialisée (véhicules disparates, disponibilité et sérieux des moniteurs, etc.). Il y a bien lieu d’améliorer tout cela.
MAIS EST-IL NÉCESSAIRE DE PROMOUVOIR UNE UBÉRISATION QUI METTRA EN CAUSE : 10 000 ENTREPRISES ET 40 000 EMPLOIS SALARIÉS ?
L’ENCOURAGEMENT PUBLIC D’UNE UBÉRISATION SECTORIELLE SEMBLE PRÉSENTER DIVERS RISQUES
Dans tous les cas, pour respecter les règles de la concurrence, il faudrait au minimum que les deux secteurs paient des taxes identiques[4] et proposent bien des services de la même qualité professionnelle, ce qui reste à prouver par un contrôle effectif.
Il faut préciser que les auto-écoles traditionnelles sont tenues d’avoir recours à des salariés et non à des indépendants par les Urssaf[5] ; contrairement aux plateformes en ligne qui emploient des moniteurs indépendants…
Le « permis pas cher », appelé de ses vœux par Emmanuel Macron[6], nécessite que l’État renonce à certaines taxes et impôts sur les auto-écoles. D’autres pistes sont évoquées[7]. La reprise des certaines conclusions de ce rapport devrait être annoncée à l’issue du « grand débat ».
NE SERAIT-CE PAS UN PREMIER PAS AVANT D’ABORDER L’UBÉRISATION DE L’ÉDUCATION NATIONALE ?
Pour sourire un instant, imaginons que ce modèle soit étendu demain au champ de l’Éducation nationale et que les élèves[8] devenus libres de leur choix désignent la plateforme numérique d’enseignement avec des indépendants, qualifiés ou pas, pour leur faire cours !
Ils s’inscriraient en candidats libres, par exemple, au bac que l’on pourrait passer chaque mois dans des centres d’examen universitaires…
Le prix de ces plateformes numérique, avec des enseignants payés à l’heure de cours, pourrait alors prétendre être inférieur à celui d’une classe de terminale en Lycée…
Pour éviter toute confusion, je tiens à préciser que je ne rêve pas d’une telle évolution. Mais je la présente comme un sérieux avertissement, quant aux limites des politiques d’accompagnement, ou d’incitation, à l’ubérisation qui est actuellement choisie…
[1] Aux députés de La République en Marche (LREM) Françoise Dumas et Stanislas Guerini.
[2] La fin de l’agrément départemental, au profit d’un agrément national, mènerait à abandonner l’obligation d’avoir un local. Ce qui favoriserait les plateformes en ligne, qui emploient des moniteurs indépendants. Les auto-écoles sont soumises au contrôle du préfet, qui encadre les activités, le niveau de compétences des auto-écoles et leur implantation sur le territoire.
[3] » Un rapport à charge contre la profession et le système formation/examen » avec « un système de destruction sociale ».
- « Destruction du salariat par le développement des autoentrepreneurs.
- Destruction du système de protection sociale en cas de chômage, un autoentrepreneur n’y ayant pas droit.
- Destruction du système de retraite un autoentrepreneur n’y cotisant que très peu.«
Délégué du syndicat UNIC (union nationale des indépendants de la conduite)
[4] Les auto-écoles traditionnelles paient les charges de leurs salariés et la TVA à 20%.
[5] « Nous avons des lettres très claires de l’URSAFF qui disent que les auto-écoles n’ont pas le droit d’utiliser des travailleurs indépendants, des auto-entrepreneurs. Si vous le faites, vous serez sanctionnés et ils peuvent être requalifiés en salariés. » – Philippe Colombani, président fondateur du syndicat l’UNIC (Union Nationale des Indépendants de la Conduite).
[6] Le chef de l’État s’est engagé sur une « baisse drastique » du coût du permis de conduire et une aide à l’acquisition du premier véhicule.
[7] Pour faire baisser le prix du permis sont proposés : une baisse de la TVA, le développement de cours collectifs et des simulateurs de conduite, une orientation vers les dispositifs d’aide (Compte Personnel de Formation, permis à un euro…), etc.
[8] Les élèves ou leur famille disposeraient d’un « chèque éducation » annuel, qu’ils dépenseraient comme ils le veulent. C’est un vieux projet ultra libéral. Ainsi, Alain Madelin a longtemps défendu le principe du « chèque éducation », mais c’était dans le cadre du choix entre enseignement public ou privé ; ce qui est différent.
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