LA QUESTION DU RELÈVEMENT DE L’AGE LÉGAL DE LA RETRAITE RESURGIT.
En matière de retraites, un certain nombre de politiques, de droite comme de gauche, déclarent qu’il faudrait « travailler plus et cotiser plus ». Le débat a gagné à nouveau le gouvernement[1]. À tel point que le Haut-commissaire chargé de mener la réforme des retraites[2] vient d’annoncer qu’il quitterait son poste en cas de report de l’âge légal minimum de départ à la retraite.
Les solutions évoquées pour équilibrer le régime les retraites passent par :
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Soit un relèvement de l’âge légal de la retraite,
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Soit une augmentation des prélèvements sur les pensions et les cotisations de retraite,
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soit un gel (comme cela a été décidé le cas en 2018) ou une suspension de l’indexation
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Soit une réduction de pensions de retraite versées (pensions de réversion, etc.).
Ces propos viennent à l’appui des discours récurrents, en particulier celui concernant le relèvement de l’âge de la retraite à 63, 65, 67 voire 70 ans.
Une fois de plus, on constate que la question de l’emploi, qui est directement touchée par une prolongation des carrières, est abordée par quelqu’un dont ce n’est visiblement pas la compétence. Ce n’est pas la première fois que ce problème émerge (voir la réforme de Fillon).
Les prévisions chiffrées reposent sur des constats démographiques : le rapport entre le nombre des actifs et celui des retraités. L’augmentation du nombre annuel des départs en retraite et l’élévation régulière de l’espérance de vie conduisent à verser des montants plus importants.
Dans l’immédiat le nombre des actifs, en emploi ou pas, continue à croitre. La ministre des Solidarités et de la Santé a déclaré « que le nombre d’actifs diminue »[3], alors que le récent document de la ministre du Travail évoque seulement un ralentissement de la croissance[4] et estime la progression du nombre des actifs à 100 000 en 2018. De même, elle voit la durée de vie augmenter contrairement aux derniers chiffres publiés par son propre ministère.
Le maintien des systèmes actuels de retraites pose assurément problème, mais il ne peut être traité indépendamment des questions de formation initiale, d’emploi, de santé, etc.
L’ÉLÉVATION DE L’AGE DE LA RETRAITE POUR LES PERSONNES DE 60 A 62 ANS A EU DES CONSÉQUENCES DIRECTES SUR LES BUDGETS DE LA SOLIDARITÉ ET DE L’ASSURANCE CHÔMAGE.
Le passage de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans a permis de réduire les dépenses de la Caisse nationale d’assurance vieillesse puisque qu’il n’y avait plus de pension à verser entre 60 et 62 ans égal économies, sauf à de rares exceptions liées à la pénibilité et à la durée de cotisation.
L’élévation de l’âge de la retraite pour les personnes de 60 à 62 ans a eu des conséquences financières directes sur d’autres dispositifs.
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Des personnes sans emploi se sont trouvées au chômage indemnisé avec une allocation chômage d’un montant supérieur à celui de leur future pension (tant mieux pour eux) et ils ont continué à acquérir des trimestres supplémentaires. Il y a eu de fait un transfert de charges de la Caisse de retraite vers l’assurance chômage sans élévation des cotisations chômage.
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D’autres personnes entre 60 et 62 ans se trouvant « sans emploi et sans indemnités chômage » sont venues grossir les rangs des bénéficiaires des aides de solidarité comme le RSA, etc., ce qui explique en partie la croissance du nombre de bénéficiaires et celle des dépenses de la CNAF. Il y a eu un transfert de charges de la Caisse de retraite vers la CNAF.
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Des actifs ont prolongé leur carrière de deux ans ou plus freinant le recrutement des plus jeunes qu’eux, compte tenu de la diminution du nombre net d’emplois en France durant toute cette période. Les personnes qui n’ont pas pris ces postes, ou leurs équivalents, ont, pour une part au moins, bénéficié de l’allocation chômage.
L’augmentation du nombre de chômeurs et bénéficiaires du RSA est en grande partie liée au relèvement de l’âge de la retraite lors de la précédente réforme[5].
CES TRANSFERTS DE CHARGES ÉTAIENT PRÉVISIBLES, MAIS N’ONT VOLONTAIREMENT PAS ÉTÉ PRIS EN COMPTE LORS DE LA REFORME DES RETRAITES.
La question des retraites fait partie d’un ensemble complexe et ne peut être traitée sans prendre en compte les conséquences de chaque élément en tenant compte du contexte de crise, marqué par un chômage de masse et les destructions d’emploi.
Je témoigne, car j’eu l’occasion de poser la question aux conseillers en charge de la dernière réforme, à l’époque, et qu’ils m’ont répondu que cette question du transfert des charges n’a pas même donné lieu à une estimation chiffrée des coûts induits.
Le raisonnement et les décisions à prendre seraient différents dans un autre contexte ; il n’y a pas une solution type au problème posé. Que veut dire « travailler plus » quand il n’y a pas suffisamment d’activités pour tous, avec une population de plus de 6 millions de personnes qui recherchent un travail[6]. Dans un contexte de plein emploi, le raisonnement pourrait être différent.
Bien entendu, il est facile de constater les solutions déjà engagées pour équilibrer les régimes de retraite : la hausse du nombre des trimestres requis pour une pension pleine sera la clé de la diminution des pensions pour des personnes n’ayant pas tous leurs trimestres et qui donc toucheront une pension réduite. La manœuvre a déjà été engagée. Mais, on peut convenir que cela n’est pas une solution satisfaisante ; pas plus que le gel des retraites, etc.
LA SEULE SOLUTION POUR PAYER LES RETRAITES EST LE « PLEIN EMPLOI » AVEC UN TRAVAIL POUR DES JEUNES ET DES CHÔMEURS.
Le « plein emploi » constitue la seule clé du retour à un équilibre durable du système des retraites, comme des autres régimes sociaux.
Il faut atteindre deux à trois millions de cotisants supplémentaires, c’est-à-dire d’emploi, à court ou moyen terme. Il n’y a pas vraiment d’autre solution acceptable.
Il faut aussi réfléchir sur l’âge d’entrée dans la vie active, qui recule progressivement. Il ne s’agit pas de stopper les études, mais d’offrir des opportunités professionnelles aux décrocheurs de tous niveaux ou aux jeunes « en attente » d’une situation stable.
NE SEMBLE-T-IL PAS PLUS JUDICIEUX DE TRAVAILLER JEUNE, QU’APRÈS 62 OU 67 ANS ?
Pour être clair, un début de carrière à 25 ans avec 42,5 ans de cotisation retraite mène à 67,5 ans pour une retraite à taux plein sans interruption de carrière. Cette addition calcul a-t-elle jamais été prise en compte ?
Exemple, un diplôme bac+5 obtenu à 23 ans (sans redoublement) conduit à une fin de carrière à 65,5 ans, au plus tôt en cas d’embauche immédiate et sans incident de carrière. Notons que ce jeune aura fait 20 ans d’études de, 3 à 23 ans, et que l’on peut attendre qu’il soit à même de travailler !
Pour cela, il faut changer de politique puisque celle menée ne conduit pas à des résultats significatifs de hausse du nombre de salariés et d’indépendants.
LA CLÉ DE LA QUESTION DES RETRAITES REPOSE AVANT TOUT SUR LA POLITIQUE DE L’EMPLOI.
LIRE : « L’impact sur l’emploi de la réforme des retraites sera-t-il débattu ? » https://bit.ly/2JkOv6g
[1] Le ministre de l’action et des comptes publics a même déclaré que le recul du curseur irait jusqu’à 65 ans. Pour lui, le changement de la borne d’âge pourrait être décidé « indépendamment de la réforme Delevoye », qui porte sur un système universel en discussion avec les partenaires sociaux depuis un peu plus d’un an.
La ministre des solidarités et de la santé s’est déclarée favorable à « un allongement de la durée de travail », qui serait présenté lors des discussions avec les partenaires sociaux « dans le cadre de la réforme générale » des retraites. Cette proposition va à l’encontre de l’engagement de 2019 du président de la République de ne pas toucher à l’âge de départ à la retraite.
[2] Jean-Paul Delevoye prépare un projet de réforme s’appliquant à tous les Français qui semble judicieuse, au moins sur le principe. L’inégalité entre les régimes est flagrante.
[3] « Est-ce que, alors que le nombre d’actifs diminue, nous allons pouvoir maintenir sur les actifs le poids des retraites qui vont augmenter en nombre et en durée ? Nous savons que cet équilibre-là va être de plus en plus difficile à tenir » – La ministre des solidarités et de la santé
[4] Précisément, l’estimation évoque le passage de + 150 000 actifs par an à + 62 000, dans quelques années. (DARES – Marché du travail 2018)
[5] Lors du passage de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans et l’augmentation du nombre des trimestres, ce calcul de transfert des charges n’a jamais été fait (séparation ministérielle oblige). Cet « oubli » est à l’origine d’une part de l’augmentation du niveau de l’indemnisation chômage et de celui du nombre des bénéficiaires du RSA. Il suffit de comparer les dates…
[6] Les comparaisons successives de l’OCDE, entre pays, occultent les différences de systèmes sociaux, de situation de l’emploi, de démographie, etc. dans chacun des pays concernés, pour ne parler que de retraite de manière isolée et comparer l’incomparable.
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