LA COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT SUR L’EMPLOI, L’ÉCOLOGIE ET LE NUMÉRIQUE EST RELANCÉE
Dans une période de forte tension politique et dans le contexte d’une campagne électorale en cours, le gouvernement tente de prouver qu’il fait quelque chose. Un nouveau plan de communication du gouvernement a été défini. Son objectif est annoncé franchement par le Premier ministre :
« Mon objectif c’est de faire en sorte que les changements se voient, que les Français voient la différence, c’est pour ça que nous avons mis, d’une certaine façon, beaucoup de pression sur le calendrier. »
Mais les mesures sont renvoyées en septembre 2019, donc, a priori, après la présentation du Projet de loi de finances 2020 qui aura été concocté auparavant.
La communication mise en œuvre semble essentiellement destinée à présenter une démarche gouvernementale reprenant le dialogue avec les corps intermédiaire de toute nature pour sortir de l’isolement actuel.
UN MÉLANGE DES ACTEURS
Le Premier ministre vient de recevoir à Matignon une soixantaine de responsables d’associations élus locaux, de responsables syndicaux et patronaux, de dirigeants d’associations environnementales ou de lutte contre la pauvreté, etc.[1]
Il s’agit là de structures déjà toutes représentées, par principe, au sein du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE). Mais il est vrai que le président de la République vient d’annoncer son intention de pourvoir le CESE avec des citoyens tirés au sort, donc il vaut mieux recevoir les membres du CESE ailleurs !
UNE CONFUSION DE L’APPROCHE
Cette réunion « sociale » ciblait à la fois l’emploi, l’écologie et le numérique[2]. Ce sont des sujets différents même s’il est toujours possible de trouver à les croiser. S’ajoutait une approche par territoire.
Or beaucoup de ces questions (emploi, écologie et numérique) ont une dimension évidemment nationale européenne ou internationale.
Ce ciblage indique que la démarche se situe au niveau de la mise en œuvre de solutions concrètes, dans chaque territoire pour répondre à des problèmes particuliers.
Une approche de terrain n’est sans doute pas inutile, mais elle ne peut aboutir sans un grand projet politique.
Certains seraient tentés de penser que le gouvernement s’apprête à renvoyer les problèmes aux collectivités locales pour se défausser de ses problèmes non résolus.
LA REPRISE DE SUJETS DÉJÀ TRAITÉS OU EN COURS
La surprise vient des thèmes proposés par le Premier ministre, car il semblait que ceux-ci avaient déjà été traités récemment au travers de lois et de règlementations.
Trois d’entre eux concernent l’emploi : l’apprentissage, les offres d’emploi non pourvues et les freins à la reprise d’une activité (garde d’enfant, transport, logement),
Ces trois sujets ont été traités par des textes très récents. Donc, soit ceux-ci sont déjà jugés inefficaces, soit le gouvernement a un gros trou de mémoire, quant aux dispositions sur l’apprentissage en cours de mise en œuvre (loi « avenir professionnel »), la formation professionnelle ou le Plan d’investissement sur les compétences (PIC).
Les autres sujets évoqués concernent :
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L’accompagnement des collectivités locales sur les dossiers touchant à l’environnement et aux nouvelles technologies,
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Les gestes écologiques du quotidien: menus dans les cantines, gestion des déchets…
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La rénovation thermique et énergétique des bâtiments. Ce dernier sujet (rénovation thermique) a été rajouté à la demande de la CFDT[3]; mais il faut savoir que des mesures existent dans ce domaine, donc l’enjeu politique est de savoir s’il faut changer les dispositifs et y consacrer un budget plus important.
UNE AMBITION SIMPLEMENT LIMITÉE À LA DÉFINITION DE MESURES D’AJUSTEMENT LOCAL[4], CIBLÉES SUR DES PUBLICS EN DIFFICULTÉ, DES POLITIQUES GÉNÉRALES.
Les sujets traités devraient être limités à la création d’une prime mobilité défiscalisée versée par les entreprises pour les allers-retours domicile-travail de leurs salariés[5], la garde d’enfants pour les familles[6], le logement et les déplacements des apprentis pour une période limitée, une prime pour le déménagement lié à un emploi et la recherche d’un logement sur un nouveau site, etc.
Ces questions ne sont pas à négliger, mais elles se limitent à un ajustement autour de mesures déjà prises et renvoient à des financements des entreprises ou des collectivités locales.
L’opération du gouvernement ne semble pas vraiment renouer le dialogue avec les organisations syndicales, car rien de concret n’apparait en ce sens.
Dans ces conditions, le satisfecit du MEDEF[7], de la CFDT[8] ou de CCI France[9] par rapport aux démarches évoquées par le Premier ministre ne peuvent s’expliquer que par des motifs purement politiques[10], dans un contexte général assez difficile pour le gouvernement.
[1] Solidaires et la CGT ont boycotté la « réunion » sociale de Matignon.
[2] Le 6 mai 2019, Edouard Philippe a engagé une « mobilisation en faveur de l’emploi et des transitions écologique et numérique ».
[3] On peut se demander de quelle la compétence dispose une organisation syndicale de salariés, en l’occurrence la CFDT, pour traiter de la rénovation thermique des logements.
[4] « En juin, un prochain rendez-vous interviendra après que le travail territorial aura commencé et puis, en septembre, l’agenda des solutions définitives, qui devra se traduire par des engagements précis, territorialisés et assumés par l’ensemble des acteurs » (…) « C’est une façon de régler des problèmes pratiques et concrets » (…) « Tous les acteurs qui étaient là ce matin ont parfaitement conscience que seul, personne n’est capable de les régler (…) il faut que tout le monde se mette ensemble. » Le Premier ministre.
[5] Une « prime mobilité » inscrite dans la loi d’orientation des mobilités devrait être adoptée e, juin. Elle devrait être défiscalisée et plafonnée à 400 euros par an et par salarié.
[6] Pôle emploi propose une participation aux frais de garde d’enfants de moins de 10 ans, en cas de reprise d’emploi ou d’entrée en formation, mais le dispositif est insuffisamment connu
[7] « C’était une grand-messe, mais si elle donne le coup d’envoi à des réunions opérationnelles pour répondre à des questions qui préoccupent les chefs d’entreprise d’un côté et les salariés de l’autre, on est prêts à s’inscrire dans cette démarche » – le président du Medef.
[8] « Il y a un changement de méthode, il est net » (…) « La porte est entrouverte, il faut mettre le pied dans la porte pour essayer de pousser nos idées, c’est ce que va faire la CFDT. » – le secrétaire général de la CFDT.
[9] La promotion de CCI France, par rapport à la forte réduction de budget des CCI, explique probablement son soutien au gouvernement.
[10] Réunir ces acteurs à Matignon « était un acte politique, tout simplement » – le président de la CPME. « Suite à l’intervention du président de la République il était important pour l’exécutif de renouer contact avec l’ensemble des parties prenantes. » « C’est simplement un lancement et, maintenant, l’efficacité se jouera avec les partenaires sociaux au niveau des territoires ».
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