L’EMPLOI NE CONSTITUE PAS VRAIMENT UN SOUCI.
Pour la principale organisation patronale[1], l’emploi ne constitue pas vraiment un souci, mais sert d’argument politique pour défendre telle ou telle revendication[2] :
« Telle mesure permettra de créer des emplois, telle autre décision reviendra à en supprimer un grand nombre ».
La question de l’emploi a été, et est, mise en avant par le Medef pour obtenir la politique fiscale qu’elle souhaite. Ce fut le cas avec la promesse d’un million d’emplois en échange du CICE. On est loin d’avoir atteint ce résultat à ce jour alors que le cout de la mesure a été très lourd. Certaines entreprises en ont bénéficié, avec décalage dans le temps. L’avantage fiscal a permis une hausse des marges qui semble avoir été mobilisée autrement que pour l’emploi pour la trésorerie, les investissements, le résultat, etc. Ces éléments de contexte ont probablement été indirectement favorables au marché du travail[3], mais dans une mesure difficile à apprécier[4].
Cette appréciation sur les choix de cette organisation patronale est certes un peu abrupte et sans doute réductrice, mais elle semble assez réaliste.
LES COMPORTEMENTS DES RESPONSABLES D’ENTREPRISES DIFFÈRENT QUANT À L’EMPLOI
Les choix concrets des millions d’employeurs : particuliers, TPE, PME ou Entreprise de Taille intermédiaire (ETI)[5] sont divers et changeants.
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Des employeurs cherchent à créer des emplois (par exemple, pour participer à la vie ou la survie d’un territoire) ou s’attachent à sauvegarder les emplois dans leur entreprise, parfois au détriment des résultats.
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D’autres décideurs sont, à tort ou à raison, obsédés par la réduction de la masse salariale de leur entreprise. Ils externalisent des activités, sous-traitent ou font de plus en plus appel à des prestations d’indépendants (salariés devenus autoentrepreneurs par la force des choses).
Dans le cas du Medef, le paradoxe repose sur le fait que, depuis des années, les patronnes ou patrons du mouvement font leur gamme sur la responsabilité sociale de l’entreprise, interne et externe, et laissent parallèlement de côté la question de l’emploi et du chômage.
Pire, au travers de son argumentaire, le Medef dégage aujourd’hui d’une quelconque responsabilité des entreprises sur les questions d’emploi au prétexte que seule la pénurie des compétences empêcherait les entreprises d’embaucher.
La « pénurie de compétences » est devenue le « bouclier » du Medef pour se défendre du fait que les entreprises ne créent pas d’emplois.
Il est vrai, que par proximité, le Premier ministre et de la ministre du Travail interviennent publiquement pour défendre ce point de vue réducteur.
Mais pour eux, l’argument participe à l’explication des faibles résultats obtenus par le gouvernement en matière de chômage (taux de chômage ou nombre d’inscrits à Pôle emploi).
LA CRÉATION DE NOUVEAUX EMPLOIS DÉPEND À LA FOIS DES MARCHÉS ET DE LA FORMATION
Il faut prendre les choses par le bon bout.
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D’une part, si les entreprises créent peu d’emplois, c’est que la croissance est trop faible (officiellement 1,4% ou moins en 2019), que les investissements sont trop nombreux à cause d’une situation générale incertaine et que les affaires tournent globalement au ralenti (voir le fort déficit de la balance commerciale). Les indicateurs internationaux ne sont pas bons.
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D’autre part, cette affirmation du manque des compétences ne peut être généralisée, car il existe d’une manière générale des compétences (il suffit de consulter les profils des chômeurs). Il est vrai, néanmoins, que quelques fonctions et/ou métiers connaissent effectivement des pénuries de candidats. C’est, par exemple, le cas pour pourvoir des fonctions précises dans le « numérique » (besoin structurel) ou pour exercer certains métiers du Bâtiment, car le secteur qui a connu une embellie qui malheureusement va s’achever (besoin conjoncturel).
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Enfin, sur ces profils manquants, l’entreprise, les branches professionnelles et les OPCO ont tout leur rôle à jouer pour former, en interne et en externe, les personnels qui leur manquent.
Il faut bien reconnaitre que dans la pratique, l’effort de formation qui aurait dû être mis en place ne l’a pas été par les entreprises (même si certaines s’y emploient), par les branches professionnelles (certaines sont actives) sous l’impulsion de l’organisation patronale
Le complément à la formation professionnelle des salariés provient des efforts de l’État, via le Plan d’Initiative Compétence (PIC), concerne des publics sans emploi (chômeurs) ou en amont de l’emploi (jeunes). Le PIC apparait, à ce jour, encore bien modeste dans sa traduction concrète.
LES PÉNURIES PONCTUELLES EN PERSONNELS QUALIFIENT PEUVENT ÊTRE RÉSOLUE PAR LES ENTREPRISES, AVEC LE CONCOURS DE L’ÉTAT.
CAR LA POLITIQUE DE L’EMPLOI DEMEURE UN CHOIX POLITIQUE NATIONAL.
L’acteur de la politique de l’emploi est le gouvernement.
Les questions de l’emploi et du chômage restent secondaires pour les organisations syndicales de salariés, qui s’intéressent prioritairement aux salariés en emploi (même si elles interviennent un peu auprès des chômeurs).
Il en est de même des organisations patronales qui les personnels relèvent principalement d’une problématique de cout pour les entreprises adhérentes (cotisations[6], fiscalité, etc.).
Mais, la décision de créer de nouveaux emplosi revient bien aux entreprises et aux particuliers, dans un contexte où les effectifs de la fonction publique sont stables ou décroissants.
Les acteurs considérant, comme un objectif majeur, de mener une politique en faveur du plein emploi sont à chercher ailleurs.
Ils sont présents dans les milieux politiques et associatifs.
Et, évidemment, parmi l’ensemble des professionnels de l’emploi dans le public (Pôle emploi), dans l’économie sociale (missions locales, APEC, Cap emploi, etc.) comme dans le privé marchand (intérim, cabinets de recrutement, etc.).
C’est par eux que l’emploi du plus grand nombre possible des actifs est défendu, plus ou moins vigoureusement, comme un objectif !
[1] Le choix d’interpeller le Medef plutôt que la CEPME ou U2P provient de la situation dominante du Medef dans le monde patronal, ou du moins de son discours.
[2] « Oui, il est possible de créer un million d’emplois. Il n’y a pas de fatalité au chômage de masse. Quand on dit que tout a déjà été tenté, c’est faux. On peut revenir au plein-emploi. Nous parlons d’en créer 690 000 à 1,6 million en cinq ans. » Entretien avec Pierre Gattaz- LE MONDE -24 septembre 2014
[3] « Les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain et les emplois d’après-demain ». Helmut Schmidt, ancien chancelier allemand.
[4] France Stratégie estime l’impact du CICE entre zéro et 330 000 emplois.
[5] Les grands groupes et les multinationales visent la masse salariale la plus basse possible quitte à courir des risques de pénuries de compétences et d’en assurer le cout.
[6] Le chômage est considéré au travers du poids des cotisations sociales patronales du régime de l’assurance chômage et du cout des licenciements économiques.
2 commentaires to “Qui s’intéresse vraiment à la question de l’emploi ?”
26 mai 2019
Laurent MarchéNos jeunes diplômés de niveau 3 (BTS CIM) peinent à trouver des maîtres d’apprentissage en licence professionnelle alors même que ces derniers se plaignent de manques de compétences dans le domaine de la mécatronique. Les PMI et ETI ne peuvent raisonnement pas se reposer uniquement sur l’état et les formations qu’il met en place. La montée en compétences et leur adéquation à l’évolution des métiers (ici la robotique et et plus globalement usine du futur) pour ce qui nous concerne) est l’affaire de tous. A bons entendeurs!
10 juin 2019
tonyl’amélioration des conditions de travail dans le BTP (Le taux de sinistralité professionnelle du bâtiment par exemple est supérieur à la moyenne) susciterait plus de candidats ! : http://www.officiel-prevention.com/formation/securite-btp/detail_dossier_CHSCT.php?rub=89&ssrub=94&dossid=530