LES SUPPRESSIONS MASSIVES DE POSTES DANS L’INDUSTRIE INQUIÈTE.
L’annonce le 3 juin 2019 de la suppression de près de 1 040 emplois sur 4 000, à Belfort, par General Electric (GE) est venue concrétiser le désengagement attendu de la société mère de France[1]. Le groupe américain envisage 792 suppressions de postes dans l’entité gaz et 252 dans celle dédiée aux fonctions supports, réparties sur plusieurs sites.
L’impact local induit, au niveau des activités locales et des sous-traitants, est estimé à 3 000 emplois menacés.
Les manifestations mobilisent largement et de manière consensuelle. Le 22 juin, syndicats, élus locaux et nationaux, chambre de commerce et d’industrie (CCI), patrons locaux, etc. ont participé à la manifestation. Des appels en faveur d’une intervention politique de l’État en faveur d’un recul, d’une diminution du nombre de postes supprimés ou d’un ralentissement du processus voire à l’extrême de la nationalisation de l’usine ont été émis.
La déception est accrue par le fait que General Electric s’était engagé sur la création de 1 000 emplois sur le site, lors du rachat de la « branche énergie » d’Alstom en 2015. Cette promesse n’a pas été tenue.
LA DIVERSIFICATION INDUSTRIELLE EST UN PARI DIFFICILE.
En février 2019, GE a accepté de verser une pénalité de 50 millions d’euros, sous la pression de l’exécutif. La réunion du comité de pilotage de ce fonds de développement économique, mis en place par General Electric, vient de se tenir au ministère de l’Économie et des Finances. Il est destiné à soutenir des projets contribuant à la création d’emplois industriels pérennes dans la région. Cette démarche devrait prendre « un certain temps ». Bercy commente la situation :
« La première réunion de ce comité a permis de définir les modalités de son fonctionnement et d’organiser les travaux à venir, a précisé Bercy dans un communiqué. Il se donne l’objectif d’examiner des premiers projets dès la rentrée » [2]. (…) « Une attention particulière sera accordée à l’écosystème local du secteur de l’énergie, notamment les sous-traitants de General Electric. »
La diversification industrielle est probablement envisageable, mais, même au mieux, elle va prendre du temps. Le montant de 50 millions d’euros apparait dérisoire pour réaliser des investissements sur des productions industrielles de pointe : l’aéronautique, le démantèlement des centrales nucléaires ainsi que l’hydrogène. Sur l’aire urbaine, comprenant Belfort et Montbéliard, la perspective inquiète évidemment.
LE RÔLE JOUE PAR L’ÉTAT LORS DU RACHAT D’ENTREPRISES FRANÇAISES PAR DES GROUPES ÉTRANGERS RESTE UN SUJET DE DÉBAT.
À l’occasion de cette crise importante, les interrogations sur la responsabilité de l’État reviennent au premier plan[3]. Et les critiques abondent[4] sur cette affaire.
Emmanuel Macron avait donné sa position, expliquant un choix par défaut :
« … le gouvernement a été mis devant le fait accompli. Mais que la fine analyse qui a été faite, a été que le statu quo n’était pas une solution viable. » – Emmanuel Macron – 11 mars 2015 – Audition à l’Assemblée nationale.
Le Décret du 14 mai 2014 « relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable[5] » avait été pris par Manuel Valls et Arnaud Montebourg pour protéger cette entreprise française. Même si les secteurs ajoutés à la liste initiale sont divers (eau, santé, énergie, transports et télécommunications), le calendrier semble bien correspondre à l’opportunité d’une intervention sur l’opération GE – Alstom.
Mais force est de constater que le Décret n’a pas été utilisé pour bloquer ce rachat.
General Electric a ainsi racheté « l’essentiel des activités énergétiques » d’Alstom pour 12,35 milliards d’euros. Ce montant donne une idée de l’enjeu de cette transaction.
Le ministre de l’Économie a affirmé : « Nous veillerons à ce que chacun des salariés bénéficie d’un accompagnement personnalisé. »
Sans commentaire…
UN DÉBAT S’IMPOSE SUR LE RÔLE ET LES RESPONSABILITÉS DE L’ÉTAT SUR LA SAUVEGARDE DES ACTIVITÉS ET DES EMPLOIS.
Je m’étais fixé, comme principe, de ne pas traiter les informations relatives aux fermetures d’entreprises et aux PSE, sur ce blog. Mais j’ai choisi de faire une exception sur ce dossier qui me semble un cas symbolique. J’aimerais comprendre les motifs réels sur le fond (Ascoval, Ford, General electric, etc.).
Un débat s’impose sur le rôle et les responsabilité de l’État sur la sauvegarde des activités et des emplois, pour y contribuer, je cite un point de vue récent de Xavier Bertrand à propos des aventures de l’usine Ascoval.
« J’ai compris qu’il y avait un cynisme d’État sur le dossier d’Ascoval et qu’on était prêt à le laisser mourir » – Xavier Bertrand, président de la région Hauts de France – Auditionné au Sénat – https://bit.ly/2WVWKHu
[1] Les causes évoquées à propos du désengagement de GE sont : d’une part, le choix de privilégier le site de Greenville, en Caroline du Sud, pour la fabrication des turbines à gaz ; d’autre part, l’interdiction de commercer avec l’Iran a privé d’un débouché l’activité de l’usine de Belfort.
« C’est un coup dur qui vient tout simplement de l’effondrement des commandes de turbines à gaz » selon Bruno Lemaire, c’est sans doute une assertion un peu rapide…
[2] Communiqué de presse du 21 juin 2019 – https://bit.ly/2X2pEpk
[3] Emmanuel Macron en tant que ministre de l’Économie, a autorisé, le 5 novembre 2014, la vente des activités énergie du groupe français à l’américain General Electric (GE). Il avait eu précédemment la charge du dossier comme secrétaire général de l’Elysée.
[4] « Je n’oublie pas que lorsqu’il était secrétaire général adjoint de l’Élysée et ministre de l’Industrie, il a présidé à la destruction de fleurons de notre industrie française. Par exemple sur le dépeçage d’Alstom. » – Pierre Lellouche – député Les Républicains – 3 mars 2017
[5] Article R153-2, Modifié par Décret n°2014-479 du 14 mai 2014 – art. 1 précise que « les investissements étrangers dans certains secteurs doivent faire l’objet d’une autorisation. Le présent décret actualise le champ des secteurs qui relèvent de la procédure d’autorisation pour prendre en compte les activités essentielles à la garantie des intérêts du pays en matière d’ordre public ou de sécurité publique ou de défense nationale ». Le décret complète la liste des secteurs concernés.
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