LE « REVENU UNIVERSEL D’ACTIVITÉ (RUA) » POURRAIT FUSIONNER LES PRESTATIONS SOCIALES A TERMES
Un projet de « Revenu Universel d’Activité (RUA) » pourrait fusionner « le plus grand nombre de prestations sociales », dont le RSA, pour faciliter l’accès des bénéficiaires et gagner en simplicité.
« Le revenu universel d’activité doit garantir la lisibilité et l’équité de notre système de protection sociale qui, généreux, est devenu aussi trop complexe. Il doit surtout répondre à une exigence incontournable : permettre de lutter efficacement contre la pauvreté en demeurant incitatif à une reprise d’activité par ses bénéficiaires. » – La secrétaire d’Etat auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé.
Le gouvernement[1] va engager une concertation sur cette question[2]. Elle devrait aboutir à un projet de loi en 2020 afin que le RUA entre en vigueur en 2023.
Il est envisagé de fusionner :
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Le revenu de solidarité active (RSA), revenu pour les personnes sans ressource,
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La prime d’activité[3], complément de revenu aux activités faiblement rémunérées,
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Les allocations au logement (APL).
Mais il est également question d’intégrer l’allocation aux adultes handicapés (AAH), l’allocation de solidarité spécifique (ASS), pour les chômeurs sans ressources non indemnisés, l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa).
Il devrait regrouper, au moins, le revenu de solidarité active (11 milliards d’euros), la prime d’activité (8 milliards) et les aides personnalisées au logement (18 milliards), ces aides bénéficient à 15 millions de Français.
Il est aussi envisagé d’ouvrir cette aide aux jeunes de 18 à 25 ans. Aujourd’hui exclus du bénéfice du RSA, une telle ouverture concernerait de 600 à 800 000 jeunes.
Le chantier global du RUA concerne donc l’aide apportée à plusieurs millions de personnes.
LA CRITIQUE DU RSA APPARAIT COMME L’UN DES MOTIFS DE CETTE DÉMARCHE
Le revenu minimum d’insertion (RMI) a été remplacé par le revenu de solidarité active (RSA) il y 10 ans. Les critiques concernant le RSA motivent la démarche de mise au point d’un nouveau dispositif. L’objet du RSA[4] était :
« d’assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d’existence, afin de lutter contre la pauvreté, d’encourager l’exercice ou le retour à une activité professionnelle et d’aider à l’insertion sociale des bénéficiaires ».
« Au titre de septembre 2018, près de 1,82 million de foyers, résidant en France entière, bénéficient du revenu de solidarité active (Rsa) versé par les caisses d’Allocations familiales (Caf). Le nombre de bénéficiaires progresse ainsi de 0,7 % entre septembre 2017 et septembre 2018, poursuivant la légère croissance des effectifs observée depuis deux trimestres en glissement annuel[5] ».
LE BUDGET ANNUEL DES SOMMES VERSÉES AU TITRE DU RSA EST DE L’ORDRE DE 11 MILLIARDS D’EUROS[6].
Le RSA participe effectivement à la lutte contre la pauvreté, mais il ne favorise globalement pas le retour à l’emploi. Une bonne part des bénéficiaires du RSA n’est pas inscrits à Pôle emploi (Il suffit de comparer les chiffres de la DARES au nombre de RSA). Pôle emploi ne fait pas de promotion de ses services auprès des allocataires !
Les volets « insertion sociale » et « accès à l’emploi » n’ont pas été globalement soutenus par un accompagnement suffisant faute de la mise en œuvre des moyens par l’État et, par suite, par les Conseils départementaux. Bilan : les bénéficiaires s’installent et l’aide seule ne suffit pas à réduire la pauvreté.
L’IDÉE D’UN ÉLARGISSEMENT DU CHAMP DES BÉNÉFICIAIRES SE HEURTE AUX CONTRAINTES BUDGÉTAIRES
La ministre de la Santé et des Solidarité déclare que l’enjeu est de mettre fin au « non-recours » aux prestations.
Près de 30% des personnes éligibles au RSA ne le réclameraient pas par méconnaissance du système ou pour éviter toute stigmatisation, de même que 25% des personnes éligibles à la prime d’activité.
Dans la mesure où le gouvernement vise une réforme de l’aide sociale à cadre budgétaire constant, l’objectif d’une ouverture à 20 ou 30% de nouveaux bénéficiaires semble poser un problème budgétaire majeur.
Les « arbitrages budgétaires » porteraient sur des milliards d’euros…
LA « RESPONSABILISATION » DES BÉNÉFICIAIRES DES AIDES SOCIALES ET LA RÉALITÉ DE LA POLITIQUE D’INSERTION POSENT PROBLÈMES
Le projet est que cette réforme s’accompagnera par ailleurs de nouvelles « responsabilités » pour les bénéficiaires. Lors de la présentation de sa stratégie de lutte contre la pauvreté, Emmanuel Macron avait déclaré vouloir rendre obligatoire l’inscription dans un parcours d’insertion[7].
La simplification des dispositifs apparait séduisante pour l’opinion, mais, dans la pratique, elle se heurte à une diversité de politiques qui ont chacune leur logique propre et qui ne sont pas forcément compatible.
La simplification peut cacher la disparition de dispositifs ad hoc.
Deux questions se posent alors vis-à-vis dans le contexte d’engagements budgétaires très importants si on les cumule.
Y a-t-il, d’une manière ou d’une autre, un projet d’économie sous-jacent, derrière la fusion des aides, qui se concrétiserait en fin de compte ? On peut l’envisager ?
Quels acteurs de l’insertion et de l’emploi pourraient être mobilisés pour suivre les parcours d’insertion de plusieurs millions de personnes (Pole emploi, les départements, des prestataires, etc.) ?
La mise en place d’un Revenu Universel d’Activité, par le ministère en charge de la Solidarité, devrait impacter à termes la politique de l’emploi de manière importante, en raison de la dimension accès à l’emploi.
L’articulation concrète entre le ministère de la solidarité et le ministère du travail semble indispensable. Espérons qu’elle aura lieu !
[1] Cette nouvelle prestation annoncée dans le plan de lutte contre la pauvreté devrait faire l’objet d’un projet de loi en 2020.
[2] Concertation ouverte aux partenaires sociaux, à des associations, des collectivités territoriales, des représentants de jeunes, des citoyens, etc.
[3] La « prime d’activité » a remplacé le « RSA activité » et la « prime pour l’emploi (PPE) », elle bénéficie d’un recours beaucoup plus important. Il a été augmenté au 1er janvier 2019 et promu par une communication adaptée.
[4] Le montant du RSA pour une personne seule est aujourd’hui de 559,74 euros.
[5] « Les foyers bénéficiaires du Rsa à fin décembre 2018 » CNAF – RSA Conjocture – n° 25 – Avril 2019
[6] « Selon les données semi-définitives, qui ont servi jusqu’à présent de support à l’analyse de la conjoncture du revenu de solidarité active (Rsa), les caisses d’Allocations familiales (Caf) ont versé la prestation à 1,84 million de foyers résidant en France entière fin décembre2018, pour un montant moyen de 496 euros par mois. Depuis le début de l’année 2018, les Caf ont versé 10,96 milliards d’euros au titre du Rsa, contre 10,64 milliards d’euros un an auparavant (selon les données comptables). Les masses financières correspondant à cette prestation connaissent ainsi une hausse de 3,0 % entre ces deux années. » RSA Conjocture – n° 25 – Avril 2019
[7] « Le Revenu universel d’Activité a été annoncée par le Président de la République lors de la présentation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, le 13 septembre 2018. Il en est un pilier essentiel. Son objectif est de rénover en profondeur le système des prestations monétaires versées aux ménages modestes, à travers la création d’un revenu universel d’activité. » – Communiqué du 14 mars 2019 – https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/190314_-_cp_-_rua.pdf
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