UN ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE A ÉTÉ CONCLU ENTRE L’UNION EUROPÉENNE (UE) ET LE MERCOSUR
Un accord de libre-échange a été trouvé le 28 juin 2019 entre l’Union européenne (UE) et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) ; juste après l’élection européenne.
Il a pour objet de permettre l’accroissement des échanges entre les deux régions. Il contient aussi des garanties pour contrer ses potentiels effets négatifs[1]. Ces garanties sont à examiner dans le détail[2]. L’efficacité possible et concrètes des références au « principe de précaution » ou au « développement durable » qui figurent méritent d’être examinée.
Cet accord vise à éliminer des droits de douanes de manière presque symétrique sur les échanges entre les deux zones économiques[3]. Il permettrait l’accès des entreprises européennes aux marchés publics de ces pays.
Mais les échanges visés ne portent pas sur les mêmes produits. Le Mercosur baisserait progressivement les droits de douanes sur des produits industriels : voitures, pièces détachées, équipements industriels, produits chimiques, ou produits pharmaceutiques. Également concernés des produits agricoles comme : vin, spiritueux, boissons gazeuses, etc. seront supprimées ainsi que partiellement sur les fromages et aux produits laitiers de l’UE. L’UE ouvrirait son marché aux produits agricoles du Mercosur sur la base de quotas tels que 99 000 tonnes de bœuf par an[4], un quota supplémentaire de 180 000 tonnes pour le sucre et un autre de 100 000 tonnes pour les volailles.
MAIS LA MISE EN ŒUVRE DE CET ACCORD NÉCESSITE UNE LONGUE PROCÉDURE DE RATIFICATION
Le gouvernement déclare ne pas être prêt à ratifier cet accord de libre-échange trouvé entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, pour répondre aux critiques émises à l’encontre de cet accord. Mais, en fait, tout reste ouvert[5].
L’accord formulé de manière juridique sera soumis à l’approbation des Etats membres[6] dans le cadre du Conseil de l’UE. L’unanimité est normalement nécessaire. L’UE pourrait le signer. Mais seul le vote du Parlement européen déclencherait l’entrée en vigueur provisoire de l’accord.
LES CRITIQUES PORTENT PRINCIPALEMENT SUR L’IMPORTATION DE PRODUITS AGRICOLES D’AMÉRIQUE LATINE
Les écologistes d’EELV, le Rassemblement National, La France Insoumise, le Parti Socialiste, les Républicains, le Parti communiste et certains membres de LREM formulent des critiques assez proches. Elles portent sur le volet agricole de l’accord de libre-échange. Elles portent sur des aspects sanitaires, économique et environnementaux
Les quotas d’importation de viande précisés sont élevés. Par exemple, celui concernant les poulets accordés au Mercosur représentent en volume 35% de la production européenne donc menace le marché et la production européenne. De plus la viande ne bénéficie ni des qualités sanitaires et ni de traçabilité.
LA RÉALITÉ QUI APPARAIT EST CELLE DE L’OPPOSITION ENTRE DES INTÉRÊTS INDUSTRIELS ET AGRICOLES.
Schématiquement l’application de cet accord pourrait, a priori, faciliter l’exportation de l’UE vers l’Amérique du sud de produits industriels, et inversement l’importation de produits agricoles américains.
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Il met en cause des emplois dans l’agriculture, alors que le secteur est réputé fragile et en mutation.
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L’activité induites et les emplois créés en France par des exportations industrielles reste à démontrer.
Il y a, en arrière-plan, une opposition entre deux secteurs économiques. Cette opposition touche davantage la France au sein de l’UE que d’autres pays en raison de l’importance de l’agriculture et de l’agroalimentaire (l’un des seuls secteurs exportateurs).
En résumé, tous les pays membres n’ont pas les mêmes intérêts à défendre en fonction de leurs activités.
TOUTES LES ORGANISATIONS AGRICOLES S’OPPOSENT A L’ACCORD.
Les organisations agricoles : FNSEA, Jeunes agriculteurs, Confédération paysanne[7] et Coordination rurale[8], sont en accord pour formuler une même opposition à l’application de l’accord.
La présidente de la FNSEA a déclaré :
« Quelques semaines après l’élection européenne, inacceptable signature d’un accord Mercosur-UE qui va exposer les agriculteurs européens à une concurrence déloyale et les consommateurs à une tromperie totale. N’importons pas l’agriculture et l’alimentation que nous ne voulons pas chez nous !»
De manière consensuelle, les traités internationaux englobant l’agriculture, apparaissent « néfastes pour l’environnement, le climat, la souveraineté alimentaire ». Ils vont à l’encontre des efforts décidés en France en faveur de la qualité de l’alimentation.
En matière agricole, la concurrence ouverte en cas d’application de cet accord apparait à la fois déloyale (différence de normes de production) et contradictoire aux sens des politiques menées sur le secteur et l’alimentation.
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DÉFEND CET ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE
Le président de la République a défendu à Bruxelles l’accord de libre-échange trouvé entre l’UE et les pays du Mercosur. Il s’attaque aux attitudes « néo protectionnistes » qui refuseraient la réciprocité des échanges.
Il a néanmoins annoncé le lancement « dans les prochains jours » d’une évaluation « indépendante, complète et transparente » du texte de l’accord UE Mercosur. Cela apparait bien tardif dans la mesure, où ce sujet est suivi, depuis une vingtaine d’années, et doit être bien connu dans le détail, sauf faute grave.
Le recours à la création d’une commission ad hoc ressemble à une plaisanterie …
Les motivations d’Emmanuel Macron mériterait d’être détaillées précisément, au delà d’un discours libéral incantatoire, dans la mesure où la contradiction avec des politiques qu’il conduit dans le domaine agricole et alimentaire apparait flagrante.
En France, la question des accords de libre échange est en pleine actualité puisque l’Assemblée nationale débute l’examen du traité de libre-échange entre l’UE et le Canada (CETA) le 9 juillet. Il fait l’objet de nombreuses critiques.
LA MONDIALISATION ARRIVE A UN TOURNANT.
Cet accord entre l’UE et le Mercosur conduit à une convergence des critiques. Elles illustrent la contestation des principes et des conséquences d’une mondialisation, sans grand contrôle. Elles proviennent à la fois par une large part de l’opinion et par de nombreux responsables politiques de tendances bien différentes.
Une récente déclaration de Nicolas Hulot traduit en quelques mots le tournant, qui est attendu, par des personnalités d’opinions très diverses :
« Le libre-échange est à l’origine de toutes les problématiques écologiques. L’amplifier ne fait qu’aggraver la situation. Il faudra d’ailleurs comprendre un jour qu’une des premières obligations va être de relocaliser tout ou partie de nos économies. » (Le Monde).
Cette mise en cause implique évidemment aussi une dimension « emploi » majeure : contrôle des modes de production, recherche de la qualité, prise en compte de la santé, relocalisation d’activités, économies énergétique, prise en compte des conséquences écologiques de la logistique mondiale des échanges, etc.
[1] Possibilité d’imposer des mesures temporaires pour réglementer les importations en cas d’augmentation inattendue et significative susceptible de porter un préjudice grave à leur industrie.
[2] Le Mercosur s’engagerait à protéger des appellations européennes comme le jambon de Parme, le champagne, le porto, etc. Inversement, l’UE protégerait également certaines appellations d’Amérique du Sud.
[3] L’accord, s’il était appliqué, éliminerait 91% des droits de douane imposés par le Mercosur aux produits européens. La Commission chiffre à hauteur de 4 milliards d’euros. A l’inverse, l’UE supprimerait de son côté 92 % des taxes appliquées aux biens sud-américains qui dans l’Union.
[4] L’UE produit chaque année quelque 7,8 millions de tonnes de bœuf.
[5] « Moi, je ne peux pas vous dire que nous allons aujourd’hui ratifier le Mercosur. On va le regarder dans le détail et en fonction de ce détail, nous allons décider. La France pour l’instant n’est pas prête à ratifier » – La porte-parole du gouvernement.
« La nouvelle majorité au Parlement européen aura à décortiquer cet accord avant de le ratifier » – le ministre de la transition écologique.
« Il faudra plusieurs étapes, dont une validation du Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement (européens), puis une validation du Parlement (européen) puis des Parlements (nationaux) » le ministre des affaires étrangères.
[6] Le texte devrait être approuvé dans chaque État membre. Ceci implique des débats politiques porteurs d’enjeux divers bien au-delà de l’accord proprement dit.
[7] « Nous ne sommes pas, par principe, opposés aux échanges internationaux, mais pas lorsque cela englobe ce que nous pouvons produire et n’avons pas besoin d’importer. » – le porte-parole de la Confédération paysanne, syndicat proche des Verts.
[8] « Nous ne souhaitons pas du tout que l’Europe ferme ses frontières mais nous voulons que l’alimentation soit traitée comme un sujet à part et non comme une monnaie d’échange pour promouvoir des exportations industrielles. Pour vendre des voitures en Amérique du sud, devons-nous accepter de confier notre alimentation à des pays qui produisent à bas coût sans respecter les normes auxquelles nous sommes soumis ? » – Le président de la Coordination rurale
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