LA RÉFORME DE L’ORGANISATION TERRITORIALE DE L’ÉTAT EST ENGAGÉE
Le 12 juin 2019, le Premier ministre a publié une circulaire relative à la mise en œuvre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État, qui fait suite à celle publiée le 24 juillet 2018.
Elle concerne la « clarification des compétences » dans les domaines non régaliens[1] dont l’emploi et le travail.
Par exemple, dans le domaine « Emploi et travail », la gestion de la main d’œuvre étrangère (MOE) sera confiée aux services de la Préfecture, « en allégeant la procédure ».
Elle demande aux préfets de région de préparer pour fin octobre 2019 un projet d’organisation conforme à ces orientations[2].
La circulaire du 12 juin cite ses 4 objectifs.
« Désenchevêtrer les compétences de l’état avec les collectivités, les opérateurs ou les acteurs hors de la sphère publique. Réorganiser le réseau déconcentré de l’État pour mieux répondre aux priorités affichées par le Gouvernement. Gagner en efficience par la mutualisation des moyens et la coopération interdépartementale. Conférer aux responsables déconcentrés et notamment départementaux des pouvoirs de gestion accrus et garantir la cohérence de l’action de l‘Etat au profit des territoires ».
L’État déconcentré sera rassemblé autour du Préfet[3], il sera le
« garant de la cohérence de l’action de l’Etat au profit des territoires, qui présidera un comité interministériel régional des transformations des services publics ».
Chaque ministre doit « adresser à ses services territoriaux les instructions les plus claires pour que chacun s’inscrive dans les actions de coordination auprès du préfet de région ».
En aval, un projet de loi « décentralisation et différenciation » serait présenté au Parlement d’ici à la fin du premier semestre 2020 pour achever la manœuvre.
Sans entrer ici dans le détail de l’ensemble de la circulaire, il importe de mesurer le mouvement engagé concernant l’administration déconcentrée du Ministère du Travail et de l’Emploi.
LA CIRCULAIRE PRÉVOIT LA CRÉATION D’UN SERVICE PUBLIC DE L’INSERTION
La création d’un nouveau service public de l’insertion doit permettre de déployer la stratégie de l’État[4].
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D’une part, il s’agit, au niveau régional, de regrouper dans une entité unique les DIRECCTE et les DRJSCS.
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D’autre part, au niveau départemental, il est décidé de regrouper « les compétences en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion » des DDCS et des DRDJSCS, avec les compétences des unités départementales des DIRECCTE.
Un nouveau réseau de sirections interministérielles sera constitué par des « Directions départementales en charge de l’insertion, de la cohésion sociale, du travail et de l’emploi »[5]. L’inspection du travail conserverait son système actuel d’organisation de la ligne hiérarchique dans cette Direction.
Cette nouvelle organisation est présentée comme devant « permettre d’assurer un dialogue plus simple et plus efficace avec les acteurs du service public de l’insertion que sont les conseils départementaux, les CAF et Pôle Emploi »[6].
LES PERSONNELS PROTESTENT CONTRE LE DÉMEMBREMENT DE LEUR MINISTÈRE
Une intersyndicale, réunissant l’ensemble des organisations CGT, CFDT, SUD, SNUTEFE-CNT, FO, UNSA et CFTC, proteste « Contre le démantèlement du ministère du Travail et de l’Emploi ».
Elle dénonce la réorganisation annoncée et proteste contre les suppressions de postes, que dissimule la réforme.
« Ce ministère n’est pas une priorité pour le gouvernement, la réforme en cours vise à baisser les effectifs (les départs à la retraite ne sont pas remplacés) alors que les missions des agents n’ont cessé de se renforcer. »
Ils souhaitent le maintien d’un « service public de proximité en droit du travail et de l’emploi accessible à tous. »
Les services déconcentrés du Ministère du Travail et de l’Emploi auraient déjà connu une diminution d’effectifs de 20% entre 2009 et 2017. Et l’objectif est de -2,6% par an jusqu’en 2022[7]. C’est à dire environ -8% au final.
Par exemple, le nombre de postes à l’Inspection du Travail était de près de 1 900 agents de contrôle (inspecteurs et contrôleurs) à fin 2018, soit un recul de -15,6% en huit ans.
Pour les fonctionnaires des administrations déconcentrées, la circulaire précise que :
« Des mesures d’accompagnement sont prévues pour les agents dont la situation sera modifiée au titre de l’évolution de leurs missions ou de l’organisation au sein desquels ils exercent. »
« Un dispositif adapté à chaque situation sera mis en place à leur intention en matière de formation, de reclassement et de mobilité ou d’accompagnement dans le cadre d’une transition professionnelle. Les modalités de ce dispositif vous seront précisées prochainement par circulaire séparée. »
Ces promesses ne suffisent pas à rassurer les personnes intéressées.
La perte de secteurs (transfert de la MOE et des services supports au ministère de l’intérieur) et la fusion des autres services dans une direction interministérielle, gérée directement par le Préfet, inquiète le personnel.
Une première action de grève et manifestation a été menée le 26 juin 2019, mais il est peu probable que la réorganisation (pour le gouvernement) ou « démembrement » (pour les syndicats) en cours puisse être freinée.
L’AVENIR DU MINISTÈRE DU TRAVAIL ET DE L’EMPLOI APPARAIT FLOU
Le ministère du Travail a été fondé le 25 octobre 1906 en rassemblant « des services épars pour former une administration distincte » par Georges Clemenceau, Président du Conseil. Il va se trouver fort réduit par la perte d’une administration déconcentrée lui appartenant en propre et des diverses fonctions.
La question est de savoir quelles compétences resteront à ce ministère au terme de la réforme en cours ; et je ne me lance pas ici dans ce débat.
Par exemple, le domaine de la formation professionnelle n’est pas abordé dans la Circulaire (sauf sur des domaines précis confiés explicitement à l’Éducation nationale).
La remise en question des fonctions, prioritaires ou secondaires, des ministères se comprend.
Mais le cadre général actuellement adopté fait apparaitre une motivation budgétaire (mutualisation en matière budgétaire, en matière de fonctions support, en matière immobilière) et non une préoccupation sur les missions à conserver ou non.
Il ne répond pas à la question de savoir : « à quoi sert le ministère du Travail et de l’Emploi ? »
[1] Les domaines concernés sont les suivants : Jeunesse et vie associative, sport, cohésion sociale – formation / certification, urbanisme, emploi et travail, recherche et technologie, biodiversité, famille et enfance, handicap.
[2] Ils peuvent utiliser « pleinement les instruments de modularité existants, afin que les propositions puissent répondre aux besoins particuliers identifiés sur les territoires ». Circulaire du 12 juin 2019
[3] « Rassembler l’État déconcentré autour du préfet. » Circulaire du 12 juin 2019
[4] « Le Gouvernement souhaite réaffirmer le rôle de l’Etat en matière d’hébergement d’urgence, de logement, d’accueil des migrants, de politique de la ville, ainsi que s’agissant de l’action des départements et de l’ensemble des acteurs publics et privés pour la mise en œuvre de la stratégie de lutte contre la pauvreté. » Circulaire du 12 juin 2019
[5] « Leur nom fera l’objet d’une décision prochaine des ministres en charge, après consultation du réseau. » Circulaire du 12 juin 2019
[6] « Fondée sur la volonté de faire du retour à l’emploi l’objectif premier du chemin vers la sortie de la pauvreté, elle suppose que soient regroupées les compétences contribuant à cet objectif sans discontinuité, en se dotant des moyens d’accompagner les personnes en difficulté, de l’hébergement d’urgence à l’insertion par l’activité économique jusqu’à l’emploi. » Circulaire du 12 juin 2019
[7] Les syndicats ont eu la confirmation de ce chiffre lors de la réunion d’un comité technique ministériel (CTM) du 16 juillet 2019.
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