La société Deliveroo a comme activité la prise de commande de repas par des clients sur son application, puis la mobilisation de restaurant préparant les plats et la livraison de repas à domicile, en vélo ou en scooter, par des indépendants micro-entrepreneurs.
UNE ACTION SOCIALE A ÉTÉ ENGAGÉE PAR DES LIVREURS
Une action sociale a été engagée par des livreurs, employés par la plateforme de livraison de repas à domicile, Deliveroo[1] à Paris, Besançon, Nantes, Nice, Toulouse, Tours, etc. Elle se traduit par le blocage de livraisons de repas. Les livreurs ont bloqué des cuisines dédiées :« Deliveroo Editions ». Ces restaurants, sans clients directs, produisent pour la plateforme et ses clients.
Les livreurs dénoncent les nouvelles conditions tarifaires pour la rémunération des livreurs, qui leurs sont imposées depuis fin juillet[2], dont la suppression du tarif minimal par course. Elles conduiraient, selon eux, à des baisses de leur rémunération pouvant aller jusqu’à 30%[3].
« Par heure, les livreurs peuvent perdre entre 20 à 30% de rémunération à cause de ce nouveau mode de calcul. » – Collectif des livreurs autonomes de Paris (Clap 75).
LA BAISSE DE LA RÉMUNÉRATION DES LIVREURS APPARAIT COMME UNE OBLIGATION POUR UNE PLATEFORME QUI A UN ÉQUILIBRE FRAGILE.
Deliveroo annonce des baisses de rémunération durant l’été depuis trois ans.
« Chaque été, Deliveroo nous fait le coup. C’est plus simple pour eux, car il y a beaucoup moins de livreurs, moins de clients et moins de restaurants ouverts » – Clap 75.
Deliveroo se défend en évoquant une hausse des tarifs pour les courses longues ou la prise en compte le temps d’attente des livreurs devant les restaurants[4].
Pour illustrer cette fragilité de la plateforme Deliveroo, on peut noter qu’elle a décidé de quitter l’Allemagne à partir du 16 aout 2019, pays où elle était présente depuis avril 2015. La forte concurrence avec d’autres fournisseurs explique cette décision.
LA BAISSE PROGRESSIVE DE RÉMUNÉRATION AURAIT CONDUIT A UNE ÉVOLUTION DU PROFIL DES LIVREURS.
Selon certaines sources, la baisse progressive de la rémunération des livreurs aurait conduit à une évolution du profil des livreurs. Les étudiants travailleurs occasionnels auraient été remplacés par des travailleurs précaires en marge de la société avec des pratiques illégales.
Certains livreurs disposeraient de réseau de sous-traitants, dont des étrangers en situation irrégulière et des mineurs. Ils loueraient leur compte en prenant une commission pouvant atteindre 50 % du montant de la course.
Le discours des plateformes sur des livreurs, cherchant un complément de revenu, avec des horaires flexibles, et non un salaire ne semble plus tenir du tout.
LES PLATEFORMES ONT OUVERT DE NOUVEAUX CHAMPS D’ACTIVITÉS, MAIS QUI NE SONT PAS STABILISÉES.
Les plateformes ont ouvert de nouveaux champs d’activités en développant une gestion de l’information (partenariats, algorithmes, intervenants) qui en font aujourd’hui des intermédiaires incontournables entre clients et fournisseurs de service.
Mais, plusieurs problèmes importants sont apparus.
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D’une part, il existe une concurrence entre diverses plateformes (pas de monopole) et elle est destinée à croitre avec les progrès technologiques de chacun. Les progrès dans la gestion des données vont tendre vers un plafond commun de services offerts à quelques détails prêts.
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D’autre part, le statut des travailleurs économiquement dépendants (chauffeurs, livreurs, etc.) doit être protégé par le Code du travail pour éviter une dérive structurelle du système vers l’illégalité.
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Enfin, l’équilibre économique des plateformes pose question, c’est d’ailleurs pourquoi au-delà du métier de base la recherche de diversification est prégnante. Son résultat reste aléatoire.
LE MINISTÈRE DU TRAVAIL N’A PAS PRIS DE DÉCISION PAR RAPPORT AUX « TRAVAILLEURS ÉCONOMIQUEMENT DÉPENDANTS ».
La question du statut des travailleurs des plateformes reste en suspens, alors qu’il semble urgent d’apporter une réponse.
Il ne parait pas raisonnable d’attendre une réponse judiciaire, suite aux recours, et une jurisprudence quelle qu’elle soit.
A la question de la dépendance des travailleurs concernés par rapport aux plateformes (subordination, tarifs, etc.), vient s’ajouter la question d’un niveau de rémunération structurellement en diminution, pour cause de concurrence, qui conduit à des situations inacceptables sur le plan du travail et des droits.
Chercher à améliorer la situation sociale de ces « indépendants »[5], sans mettre à mal le développement du modèle économique est une illusion, dans la mesure où la contradiction est structurelle.
Le développement de « nouvelles formes de travail » est une remise en cause des statuts de salarié et d’indépendant, s’inscrivant dans une optique libérale pervertie.
L’ambition politique à un régime universel de protection sociale (programme présidentiel) a été abandonné et l’absence de décision vient aggraver encore la situation.
Le silence politique actuel sur cette question apparait comme une déclaration d’impuissance du ministère du Travail.
[1] Slogan sur Deliveroo : « Champion du monde de la précarité »
[2] Le 30 juillet 2019, Deliveroo a annoncé la baisse de ses rémunérations pour les courses les plus courtes, avec la suppression du tarif minimal de 4,70 euros par course à Paris (tarif variable selon les villes).
[3] Les coursiers demandent une rémunération minimale de 20 euros de l’heure, qui prendrait en compte les charges supplémentaires souvent liées à leurs moyens de locomotion et qui, après capitalisation, leur permettrait de s’octroyer des jours de repos.
[4] « À chaque commande, le livreur reçoit sur son téléphone une offre de travail comportant la zone de livraison, l’adresse du restaurant et le prix de la commande. Il a ensuite la possibilité d’accepter ou de rejeter la commande. » Deliveroo.
[5] Les livreurs de plateformes ne bénéficient pas de la protection sociale, puisque les plateformes ne paient pas de cotisations sociales. Ils n’ont pas de congés payés, etc.
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