CERTAINS MILIEUX PATRONAUX PROPOSENT UNE AUGMENTATION DE LA DURÉE DU TRAVAIL DANS LE PRIVÉ
Plusieurs points de vue expriment, au sein du monde patronal (Président du MEDEF) et d’institutions proches de celui-ci[1] (Institut Montaigne, Fondation iFrap, …), la volonté d’une « nécessaire augmentation de la durée moyenne du travail[2]. »
Dans le détail, les diagnostics et modalités sont assez différents selon les auteurs.
La première différence repose sur le fait que, pour les uns, l’accroissement de travail n’a pas de contrepartie et que, pour les autres, il doit impliquer une rémunération, directe ou indirecte et différée[3].
La seconde différence concerne les conditions de cette augmentation de la durée de travail qui est parfois envisagée :
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De manière générale (assouplissement de « quelques verrous juridiques persistants », suppression de jours fériés[4], etc.) ou,
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De manière ponctuelle[5], entreprise par entreprise (avec accord d’entreprise), ce qui change évidemment la nature des choses ! [6]
L’AUGMENTATION CONCERNERAIT AUSSI LA FONCTION PUBLIQUE
« L’idée générale, c’est augmenter la durée de travail dans l’économie aussi bien dans le secteur public que privé, pour des raisons d’équité aussi car il ne faut pas toujours charger la barque du secteur privé » – Bertrand Martinot, ancien DGEFP.
L’institut Montaigne aborde donc également l’augmentation potentielle du temps de travail dans la fonction publique[7] avec les pistes suivantes :
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Réexaminer la question de la durée et de l’aménagement (sur le mois, sur l’année, voire sur plusieurs années) du temps de travail dans les administrations publiques, à moyen terme,
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Accroître les catégories éligibles aux forfaits jours dans la fonction publique,
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Diminuer le nombre de RTT dans la fonction publique, à titre provisoire.
La question des horaires dans les fonctions publiques a déjà fait l’objet de dispositions récentes.
Bertrand Martinot admet le caractère paradoxal de ses propositions :
« C’est un contexte où il est politiquement difficile de dire ce genre de choses puisqu’on va assister à l’explosion du chômage et c’est vrai que ça parait bizarre de demander à travailler plus pour ceux qui ont déjà un emploi » « mais en fait ce qu’il va se passer c’est que le chômage va augmenter à un moment où il va y avoir une reprise économique et cette reprise doit être la plus intensive possible. »[8]
L’AUGMENTATION DE LA DURÉE MOYENNE DU TRAVAIL SEMBLE A ECARTER DANS LE CONTEXTE POST COVID-19.
Cette proposition est contestable, car à partir d’un volume horaire de travail à la fois limité et insuffisant, faire « travailler plus » un noyau de salariés du privé déjà en emploi, écarte la perspective d’embauche d’actifs sans emploi de manière générale.
Elle ne semble que répondre qu’à une logique, celle de diminuer la masse salariale des entreprises par un non-paiement des heures travaillées (Medef) ou un paiement différé (Institut Montaigne) !
Certes, il peut y avoir des exceptions dans le cas où des entreprises se trouvent en surrégime pour une période courte (rattrapage de 2 ou 3 mois de non production) et où la multiplication de CDD ou d’intérim, peu qualifié, ne constitue pas une solution. Mais ce sont des situations ponctuelles sur lesquelles un accord d’entreprise est sans doute possible.
La formule du secrétaire général de la CFDT, concernant le temps de travail pour l’après-confinement résume une opposition claire :
« Ce dont il est question, ce n’est pas de travailler plus individuellement, mais de travailler tous ».
Cette position est partagée par les autres organisations syndicales, même si exprimé avec des nuances.
L’objectif de la politique de l’emploi devrait être de contribuer à la remontée du nombre d’heures travaillées, à partir du plancher bas, qui sera probablement connu en octobre (date à confirmer selon la conjoncture économiques).
La première priorité est la sauvegarde du maximum d’emploi en l’état.
La seconde, la reprise des embauches dans les entreprises, en mettant l’accent sur les réembauches de personnels confirmés.
[1] Le Plan de la Fondation iFRAP « pour l’emploi et la croissance et surmonter la crise » propose de « Travailler plus et plus longtemps en allongeant la durée du travail. »
[2] « Rebondir face au Covid-19 : l’enjeu du temps de travail » – Bertrand Martinot, Économiste – Note – Mai 2020 – Institut Montaigne – https://www.institutmontaigne.org/publications/rebondir-face-au-covid-19-lenjeu-du-temps-de-travail
[3] « Donner des incitations nouvelles à l’accroissement du temps de travail via des formules de rémunérations différées négociées au niveau de l’entreprise (ou à défaut par la branche professionnelle) L’idée consiste à inciter à l’accroissement du temps de travail sans pour autant que la rémunération supplémentaire correspondante ne soit versée immédiatement par les entreprises. »
[4] « Supprimer le jeudi de l’Ascension comme jour férié. »
[5] Par exemple : « Donner des incitations nouvelles à l’accroissement du temps de travail via des formules de rémunérations différées négociées au niveau de l’entreprise (ou à défaut par la branche professionnelle). »
[6] « Ça ne veut pas dire qu’il n’y aura pas des efforts, que dans un certain nombre d’entreprises, il n’y aura pas des accords pour qu’on prenne en compte les besoins de l’entreprise à un moment donné, mais à une seule condition, que ce soit dans des accords d’entreprise. » « « Dans les entreprises se discuteront un certain nombre de conditions pour assurer la production, ça s’appelle du dialogue social » ». Le secrétaire général de la CFDT
[7] « Traiter la question du temps de travail au-delà du secteur privé, autant pour des raisons évidentes d’équité que pour des questions d’efficacité économique et sociale. » « Des augmentations ciblées du temps de travail sont ainsi proposées dans la fonction publique sur la durée et l’aménagement du temps de travail, notamment dans l’Éducation nationale pour rattraper les semaines de retard scolaire. » Note Institut Montaigne
[8] Bertrand Martinot souligne au moins deux bonnes raisons pour lesquelles la durée du temps de travail devrait être allongée : « d’une part pour créer davantage de richesse et d’autre part parce qu’on va vivre pendant de nombreux mois avec le virus donc dans un environnement sanitaire très particulier qui va faire perdre énormément de productivité horaire aux entreprises. »
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