Les partenaires sociaux ont échangé avec Matignon sur les modalités de la reprise économique après le lundi 11 mai[1]. Même si le sujet n’a pas été abordé lors de son discours devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre a demandé aux partenaires sociaux de :
« mobiliser le dialogue social à tous les niveaux pour reprendre l’activité dans des conditions garantissant la santé et la sécurité des salariés. C’est une condition nécessaire au retour au travail à partir du 11 mai. »
Le président de la CFE-CGC a bien résumé la situation :
« Nous sommes dans un espace intermédiaire », « entre une crainte d’ordre sanitaire et une crainte économique et sociale » majeure.
La CFDT, le Medef et la CFTC ont publié un communiqué commun[2] sur la reprise de la vie économique Ils jugent une reprise de l’activité jugée « essentielle » si les conditions sanitaires le permettent[3].
« Les organisations signataires considèrent qu’il est essentiel que la vie économique et sociale de la Nation, durement impactée par cette crise sanitaire, puisse être progressivement restaurée » (…) « l’avenir du pays » est en jeu. »
« Ce n’est pourtant qu’en assurant une reprise progressive des activités, intégrant des mesures sanitaires irréprochables, que la Nation sortira durablement de cette crise. »
DES FREINS DIVERS EXISTENT A LA REPRISE DU TRAVAIL
La crise économique doit être enrayée, mais une double réserve s’exprime par rapport à la reprise du travail dans les entreprises :
-
Les organisations syndicales craignent pour la santé des salariés.
-
Les organisations patronales s’inquiètent de la responsabilité des entreprises dans le contexte du dispositif de déconfinement, vis-à-vis de la santé de leurs salariés.
Les questions des syndicats portent sur la concrétisation des mesures sanitaires (moyens, organisations, etc.)[4], mais aussi
-
sur le calendrier de maintien du chômage partiel,
-
sur le maintien du chômage partiel pour les parents ne souhaitant pas que leurs enfants reprennent l’école[5],
-
sur la reconnaissance du COVID-19 comme maladie professionnelle[6] dans toutes les branches,
-
quant à la remise en cause de la récente réforme de l’assurance chômage (en partie suspendue),
-
sur l’organisation du télétravail par rapport au Code du travail, Etc.
Le ministre de l’Économie aurait déclaré aux partenaires sociaux que : « Le chômage partiel ça ne peut pas durer tout le temps, le travail doit reprendre. » La critique de cette déclaration est partagée pour des raisons différentes par les organisations patronales et syndicales[7] et à des niveaux divers.
L’autre revendication repose sur la reprise d’un réel dialogue social, après trois années pour le moins décevantes pour les partenaires sociaux.
« Face au risque de propagation du Covid-19, les règles dépendent en premier lieu des pouvoirs publics. Mais le dialogue social et professionnel en période de crise est un levier essentiel pour traiter les sujets au plus près des besoins et trouver les bonnes solutions pour tous. » – CFDT, MEDEF et CFTC.
D’AUTRES ORGANISATIONS SYNDICALES DÉFENDENT L’IDÉE QU’ « IL Y A DÉSORMAIS UN MONDE A REVOIR COMPLÉTEMENT »
D’autres organisations syndicales se positionnent de manière très différente au niveau national, même si ce n’est pas forcément le cas de leurs syndicat au niveau des branches et des entreprises[8].
La CGT exprime clairement sa position :
« L’urgence du moment est évidemment d’ordre sanitaire. La priorité est la protection des travailleurs. Cependant la crise sanitaire cache une crise économique qui va être plus brutale que 2008 à court terme, et qui révèle au grand jour la grande fragilité de nos économies à plus long terme.
Il n’y aura pas de retour à la normale après cette crise ; c’est tout le système productif qu’il faut changer. »
L’organisation cégétiste ne souhaite pas la reprise économique, mais aspire à profiter de la crise pour déboucher sur un changement radical de société.
Un bloc syndical, proche de la gauche de la gauche politique, s’est constitué autour d’un manifeste intitulé « plus jamais ça ! ». Il comprend outre la CGT : la FSU, l’Union syndicale Solidaires, la Confédération paysanne, le Syndicat de la magistrature, ainsi de diverses associations spécialisées[9].
Le secrétaire général de la CGT a déclaré le 1er mai :
« Le message essentiel, que l’on partage avec plusieurs associations et ONG, c’est ‘’ plus jamais ça ‘’. Il y a désormais un monde à revoir complètement. En matière de droits, de protection sociale, de santé, d’environnement, etc. »
Une logique révolutionnaire implicite s’exprime, même s’il s’agit, en partie, d’un effet de rhétorique.
Le Covid-19 vient renforcer la fracture des syndicats. Les « révolutionnaires » de Sud et de la CGT défendent un possible un 100% sanitaire et 0% économique, contraire aux intérêts des salariés.
LA REPRISE DE L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE INDISPENSABLE ET URGENTE POUR LE PAYS ET LES CITOYENS NE REÇOIT PAS TOUT LE SOUTIEN QUE L’ON AURAIT PU ATTENDRE.
Les freins à la reprise de l’activité économique apparaissent nombreux avant le début du déconfinement progressif et la ligne politique molle qui a été adoptée risque de ne pas contribuer à accélérer las choses.
Le renvoi par le gouvernement de la responsabilité de la reprise des activités aux entreprises, sans un cadre légal sécurisant, est parallèle au renvoi de la responsabilité de la réouverture des écoles aux communes. Mais le « Protocole national de déconfinement pour les entreprises pour assurer la sécurité et la santé des salariés », qui vient d’être publié, arrive à propos pour cadrer les choses[10].
La loi de prolongation de l’état d’urgence sanitaire au 24 juillet ne traite pas de la reprise des activités. Les déclarations de l’exécutif ont laissé cet aspect des choses de côté. Ce choix entraine un flou profond et des inquiétudes parmi tous les acteurs, qui risque de conduire à un gel des situations, de réduction d’activités ou de fermetures, dans de trop nombreux cas.
La reprise de l’activité économique indispensable et urgente pour le pays et les citoyens ne reçoit pas tout le soutien que l’on aurait été en droit d’attendre.
[1] 30 avril 2020.
[2] Ce type de communiqué commun entre la première organisation patronale et la première organisation syndicale, soutenue par la CFTC, est un objet rare.
Communiqué : https://www.cfdt.fr/upload/docs/application/pdf/2020-04/declaration_commune_medef_cfdt_cftc.pdf
[3] « Nous voulions montrer une attitude constructive et prouver que les organisations patronales et syndicales pouvaient s’entendre » reconnaît le leader de la CFTC soucieuse de « mettre en avant l’importance du dialogue social. »
[4] « Sur les masques, les gants, les gels, il y a à l’évidence une disproportion entre les entreprises, suivant leurs capacités financières ou pratiques à accéder à ces protections-là, ce sont des sujets qui doivent nous préoccuper » – le président de la CFE CGC
[5] Le secrétaire général de Force ouvrière va demander au Premier ministre Édouard Philippe de prolonger le chômage partiel pour les parents qui ne pourront pas ou ne voudront pas envoyer leurs enfants à l’école après le 1er juin.
[6] Le ministre de la Santé a affirmé que le Covid-19 serait reconnue de façon « automatique » comme maladie professionnelle pour les soignants, mais pas pour d’autres professions.
[7] « Le chômage partiel devra être prolongé après le 1er juin » « Pour le tourisme, l’hôtellerie, la restauration ou l’événementiel, il faut que ça se prolonge » – Négociateur CFTC
[8] Par exemple, l’UGICT-CGT reste dans une logique revendicative classique. Exemple : « L’Ugict-CGT exige le respect du Code du travail et l’ouverture de négociations immédiates avec tous les employeurs sur les conditions d’organisation du télétravail. »
[9] « Plus jamais ça ! » : 18 responsables d’organisations syndicales, associatives et environnementales appellent à préparer « le jour d’après ». Ces organisations lancent un appel « à toutes les forces progressistes et humanistes […] pour reconstruire ensemble un futur, écologique, féministe et social, en rupture avec les politiques menées jusque-là et le désordre néolibéral ».
[10] Protocole national de déconfinement pour les entreprises pour assurer la sécurité et la santé des salariés – 03.05.20 – https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/protocole-national-de-deconfinement.pdf
Pas de commentaire sur “Comment s’annonce la reprise des activités en mai ?”