La question de l’emploi des jeunes doit faire l’objet d’une attention particulière, dans un contexte de la montée progressive de la crise économique et sociale actuelle.
Pour l’instant, le ministère du Travail est intervenu sur un seul sujet l’apprentissage avec un plan comportant des primes à l’embauche plus élevé pour une part des employeurs et des jeunes accompagnée de divers aménagements financés par le projet de loi de finances rectificatif en cours d’adoption (Voir Billet : Comment se présente le plan de relance de l’apprentissage ? – 05/06/20 – https://bit.ly/373EFht ).
Un plan en faveur de l’emploi des jeunes est en gestation. Des échanges ont lieu entre le ministère du Travail et les partenaires sociaux. Des mesures devraient être annoncées courant juillet. Elles devront trouver leur financement dans un quatrième budget rectificatif !
IL CONVIENT DE RAPPELER LES PRINCIPALES DONNÉES DU PROBLÈME.
Avant même le plein impact de la crise sociale à fin mai, sur l’année écoulée, le nombre des jeunes inscrits à Pôle emploi, immédiatement disponible et tenus à la recherche d’un emploi (catégorie A), est monté à 620 000. Cela représente une augmentation de +160 800 jeunes, soit +35%[1]. Si l’on considère les catégories A, B et C, on a atteint le seuil des 800 000 jeunes de moins de 25 ans inscrits à Pôle emploi (+10,2% sur un an).
Trois considérations sont à prendre en compte.
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D’une part, l’approche de l’emploi des jeunes ne peut être détachée de l’ensemble du marché du travail. Or, la priorité politique a été donnée à la sauvegarde de l’emploi, au travers d’un plan massif de recours au chômage partiel. Ce plan va perdurer jusqu’à fin septembre avant d’aborder un dégagement.
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D’autre part, il faut prendre en compte l’ensemble des jeunes, en sachant qu’il existe une multiplicité de situations: l’entrée sur le marché du travail (avec ou sans qualification) ou la recherche d’une installation dans un emploi stable, après une suite de CDD ou des missions d’intérim.
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Enfin, il est nécessaire d’intégrer l’effet spécifique du confinement sur la situation des les jeunes de 18 à 29 ans.
LA SITUATION DES JEUNES S’INSCRIT DANS L’ENSEMBLE DU MARCHE DU TRAVAIL.
A côté des salariés et des indépendant en emploi, se trouvent des chômeurs (indemnisés ou non), des inactifs temporaires (pour des raisons diverses) et des jeunes à la recherche d’un emploi.
La priorité politique a été donnée à la sauvegarde des emplois des salariés au travers d’un plan exceptionnel en faveur du chômage partiel.
Pour le quatrième trimestre, les mesures annoncées vont dans le même sens même si leur champ se trouve réduit (règles de chômage partiel à taux réduit et activité partielle de longue durée).
Il est acquis que vont se développer des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), de départs volontaires, de ruptures conventionnelles collectives. etc. L’inconnue est l’ampleur que connaitra ce mouvement.
Dans ce contexte, une concurrence de fait apparaitra, entre catégorie (chômeurs et jeunes), sur le marché du travail.
« L’employeur pourrait être amené à faire un autre arbitrage entre des jeunes peu onéreux et des plus vieux qui sont en outre plus vulnérables, surtout si nous devons faire face à d’autres vagues d’épidémies. » [2].
Les mesures de soutien à l’embauche de jeunes ne doivent pas porter préjudice à l’embauche de demandeurs d’emploi. L’équilibre reste à trouver.
LES JEUNES DE 18 à 29 ANS SE TROUVENT DANS DES SITUATIONS DIVERSES VIS-A-VIS DE L’EMPLOI.
Les points de vue convergent sur cette diversité.
« Tout d’abord, la jeunesse ne veut rien dire. Il n’y a rien de commun entre un jeune qualifié et un autre sorti de l’école sans diplôme. Ce n’est pas l’âge qui est un critère déterminant mais la qualification[3] » – OFCE[4].
« Les situations des jeunes sont très diverses, leurs difficultés sont multiples, et les solutions doivent nécessairement être très différenciées, avec pour objectif de ne laisser aucun jeune de 16 à 25 ans sans solution. » – 12 propositions CFDT pour l’emploi des jeunes.
Une approche globale reposant, sur une seule mesure, n’est pas appropriée.
Dans la situation exceptionnelle que nous traversons, l’accès à l’emploi des jeunes fait l’objet de discours globalisant du type : « une génération sacrifiée » avec différentes formules chocs et des propositions toutes aussi globales.
Un discours unique sur l’emploi des jeunes ne traduit pas la réalité des jeunes selon leur parcours, leur âge et leur qualification.
LE CONFINEMENT A EU DE NOMBREUSES CONSÉQUENCES SUR LA SITUATION DES JEUNES VIS-A-VIS DE L’EMPLOI.
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L’arrêt des études sur une période longue (enseignement en ligne) aura poussé davantage de jeunes à l’arrêt de leurs études. Le décrochage infra bac comme en premier cycle de l’enseignement supérieur aura augmenté, même s’il est difficile à chiffrer aujourd’hui.
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Les jeunes dont les formations comprenaient des périodes en entreprise, stage de cursus ou contrat d’apprentissage, ont été touchées. Même si tout a été et est fait pour réparer ces ruptures (en partie par la prolongation des formations). Il y aura des retards sur l’entrée sur le marché du travail au second semestre 2020, voire 2021.
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La plupart des étudiants occupant des emplois depuis début 2020 ont subi une rupture de contrats imposés par les événements. Il en est résulté des difficultés sociales.
UNE SÉRIE DE MESURES, BIEN CIBLÉES, EN FAVEUR DE L’EMPLOI DES JEUNES SEMBLE S’IMPOSER.
Compte tenu des points qui viennent d’être évoqués, il semblerait judicieux de disposer d’une série de mesures bien ciblées, dont certaines devraient avoir une durée d’au moins deux ans (jusqu’en 2022).
Le bilan des mesures prises depuis des décennies doit éclairer les choix qui vont être pris[5]. Des aides pour les entreprises embauchant des jeunes soit prime à l’embauche, soit suppression des cotisations sociales pour tous les jeunes ne constituent pas forcément de bonnes solutions.
Le débat sur les emplois aidés va forcément reprendre. On peut citer deux positions :
« Des études de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques [Dares], de l’Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE] comme de la Cour des comptes montrent trois choses : un, les contrats aidés sont extrêmement coûteux pour la nation ; deux, ils ne sont pas efficaces dans la lutte contre le chômage ; et trois, ils ne sont pas un tremplin pour l’insertion professionnelle » – La ministre du Travail – Août 2017.
« Le plus fort taux de retour à l’emploi est obtenu avec les emplois aidés dans le secteur non marchand (services publics, associations…), s’ils s’accompagnent d’une formation diplômante reconnue » – Eric Heyer, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Pour ma part, je pense que le recours aux emplois aidés pour des jeunes va s’imposer, l’important est que leurs caractéristiques soient les bonnes, car « le diable est dans les détails », d’où l’importance de prendre le soin d’écouter des professionnels de l’emploi.
Par exemple, il serait peu réaliste de cibler des mesures au 18/24 ans, sans prendre en charge les 25/29 ans !
[1] L’augmentation toutes tranches d’âge a été sur un an de +23,3%.
[2] Alternatives économiques – « Contre le chômage des jeunes on a tout essayé mais souvent au mauvais moment » – Éric Heyer, Directeur du département analyse et prévision de l’OFCE – 29/06/2020
[3] Voir enquêtes « Générations » du Céreq.
[4] « Dès lors que les entreprises devront se séparer de salariés, elles pourraient faire un tri entre les plus de 30 ans qui leur coûtent plus cher et les plus jeunes pour lesquels elles sont exonérées de cotisations. Il y aura les candidats à l’embauche qui arriveront au mauvais moment, au mauvais endroit, sur le marché de l’emploi. » – Alternatives économiques – « Contre le chômage des jeunes on a tout essayé mais souvent au mauvais moment » – Éric Heyer, Directeur du département analyse et prévision de l’OFCE – 29/06/2020
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