LE TAUX DE CHÔMAGE DEVRAIT DÉPASSER LES 10% EN 2020
La ministre du Travail a déclaré que le taux de chômage[1] allait dépasser les 10% en 2020[2]. Car « on s’attend à des défaillances d’entreprises et des licenciements »[3].
Elle a précisé que :
« Le sujet ça va être de limiter la hausse du chômage (…) c’est pour ça qu’il faut trouver des alternatives (…) l’emploi va être la boussole ».
Après une période d’attentisme, le gouvernement sort progressivement du déni pour aborder un discours sur la crise sociale qui s’annonce. Le ministre de l’Économie et des Finances vient d’évoquer une contraction du produit intérieur brut (PIB) de 11% cette année.
Le taux de chômage en France avait amorcé une décrue depuis le printemps 2015, où il était à 10,5%. Il va remonter (7,8% au premier trimestre 2020) sans que l’on puisse encore prévoir jusqu’où. L’objectif présidentiel des 7% est désormais abandonné pour ce quinquennat.
La réduction de l’activité globale des entreprises est prévue, mais le niveau et la durée de la baisse encore en suspens. La diversité de cette baisse va différer par secteur et par métier. Ses conséquences sur le nombre des emplois sont inéluctables.
Le recours massif au chômage partiel a amorcé sa décrue, les réductions des effectifs vont suivre. Plusieurs groupes ont, dès à présent, fait des annonces qui devraient se concrétiser dès l’été.
LE DIALOGUE SOCIAL SUR L’EMPLOI S’ANNONCE DÉJÀ BIEN CADRÉ
« Notre boussole est claire : la préservation de l’emploi ou la reconversion des compétences pour répondre à des offres existantes ou à venir. » La ministre du Travail.
Les propositions affluent pour tenter de minimiser la monté du chômage.
Elles viennent en particulier de la CFDT, du Medef[4] et du gouvernement (dont les mesures précises sont attendues).
Aucun accord n’existe probablement entre ces trois parties, leurs propos diffèrent sensiblement, mais leurs solutions convergent, vers :
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Une incitation à sauvegarder les emplois existants par différents biais : accord de branche pour réduire les salaires, évolution du temps de travail au travers d’accord d’entreprise[5], procédure d’activité partielle de longue durée (APLD) dans certains secteurs[6], etc. Ces mesures illustrent la poursuite du mécanisme d’amortisseur de la crise avec des mesures discutables,
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Un recours à la formation pour faire migrer des salariés en emploi de leur secteur vers d’autres secteurs supposés en tension ou vers des « emplois d’avenir » de quelques prévisionnistes[7] ; mais ceux-ci ne sont pas précisés faute d’exister à ce jour !,
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Une baisse (ou suppression) des charges sociales pour l’embauche des jeunes qui débutent[8], et de nouvelles mesures pour diminuer le coût des apprentis pour les employeurs ou développer la durée de la période de pré apprentissage,
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Un discours « moral » appelant les entreprises à des contreparties suite aux soutien de l’État, dont elles ont disposé (prêts, report de versement de cotisations, chômage partiel des salariés, etc.)[9]
Trois plans de soutien sectoriels annoncés sont déjà en préparation : tourisme, automobile et aéronautique[10], sans entrer ici dans leur détail.
Un bloc syndical se trouve lui en marge de ce mouvement (CGT, FSU, Solidaires !, etc.) avec d’autres revendications plus impératives sur le maintien des emplois (interdiction des licenciements).
NUL NE PEUT ÊTRE CONTRE DES MESURES VISANT A RALENTIR LE LA MONTÉE DU CHÔMAGE DANS L’ATTENTE D’UNE REPRISE EFFECTIVE.
Mais il convient de prendre ces décisions pour ce qu’elles sont : des ajustements limités dans le temps et d’en estimer le contrôle et le cout pour l’État, afin qu’il soit juste et supportable.
Les perspectives de créations d’emploi évoquées restent encore incertaines, dans l’attente d’éventuels investissements publics pour l’année prochaine (grands travaux, etc.).
Des solutions comme la croissance de l’emploi à domicile (dans un contexte de recul avant la crise), le développement des travaux d’isolation thermique des logements ou l’accroissement des effectifs des métiers du grand âge, etc. dépendront étroitement des dispositions fiscales qui seront adoptées dans la loi de finances 2021.
Enfin, la mise en avant de la « transition écologique » comme moyen de créer de l’emploi apparait comme une figure de style, dont l’usage s’impose en 2020 dans le discours public.
Mais il ne semble pas correspondre pas à une réalité. L’évolution de nombreux métiers, pour répondre à une démarche environnementale, est certes nécessaire, mais la création nette d’emploi dédiée à l’« écologie » reste tout à fait marginale.
[1] Le taux de chômage est défini par les règles du BIT et calculé à partir d’enquêtes de l’Insee.
[2] « Il y a trois mois, j’annonçais un taux de chômage à 8,1% » (…) «On avait les clignotants verts pour aller vers les 7%», mais « là ce n’est plus possible ».
[3] Le président du Medef estime qu’avec « un recul du PIB de -10% cette année, il faut qu’on arrive à se projeter pour déterminer combien de chômeurs on risque d’avoir, comment on les indemnise, comment on les forme, comment on les fait passer d’un métier à l’autre dans certaines filières durablement touchées. Cette discussion sur l’assurance chômage ne peut pas se faire de manière isolée. Il faut en rediscuter globalement, à l’horizon des 12 prochains mois ».
[4] Le MEDEF, la CFDT et la CFTC ont d’ailleurs signé, le 30 avril 2020, une déclaration commune affirmant que la vie économique et sociale doit être progressivement restaurée, dans des conditions de sécurité optimales pour les salariés.
[5] Le président du Medef considère : « qu’on n’est plus au temps des 35 heures, c’est-à-dire d’une loi nationale prise depuis Paris, et qui s’applique unilatéralement à tous les secteurs. Chaque secteur, chaque entreprise a son organisation propre et il faut qu’on soit suffisamment intelligents avec les partenaires sociaux pour élaborer les solutions ».
[6] « Ce type de dispositif pourrait permettre, en échange du maintien de l’emploi, d’adapter le temps de travail et les rémunérations pendant un certain temps, avec un soutien financier de l’État. Les salariés, qui travailleraient moins, pourraient en profiter pour se former vers de nouveaux métiers liés à la transition écologique et numérique ». La ministre du Travail.
[7] « Pour les entreprises, dont l’activité ne repartira pas, il faudra sans doute renforcer la dimension formations et reconversion des salariés, en cas de reclassement pour aller vers d’autres secteurs qui recrutent. » La ministre du Travail.
[8] Le président du Medef a ainsi déclaré : « Le marché du travail au mois de septembre risque d’être très faible. Il ne faut pas qu’il y ait une génération pénalisée par le covid-19 » (…) « L’emploi des jeunes passera obligatoirement par « une baisse des charges. Il faut qu’il y ait une incitation financière, les entreprises sont face à une baisse de la demande et à une angoisse de l’avenir. »
[9] « Mon message aux entreprises c’est « on vous a aidé, aidez le pays en formant des jeunes » ». La ministre du Travail.
« Pour beaucoup d’entreprises, dont l’activité et la rentabilité vont être dégradées, la question du maintien de l’emploi va se poser et chacun devra prendre ses responsabilités. Le fait que l’Etat ait autant soutenu l’économie (…) donne à chacun des obligations » – La ministre du Travail.
Le secrétaire général de la CFDT a évoqué la possibilité de « conditionner un certain nombre d’aides aux entreprises à la qualité du dialogue social, à la capacité de trouver des compromis ».
[10] Hormis le cas de Renault qui annonce des suppressions de 4 500 postes sans licenciement parallèlement à un soutien financier massif de l’État.
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