Trois économistes[1] ont transmis au président de la République une note du Conseil d’analyse économique (CAE). Ils y présentent, entre autres, des orientations pour le plan de relance, à hauteur de 48 milliards d’euro[2].
Ils avertissent la gravité de l’urgence économique de la montée des faillites et des menaces sur les emplois.
DES ÉCONOMISTES PLAIDENT EUX POUR UN MÉLANGE DE MESURES A LA FOIS DE SOUTIEN A L’OFFRE ET A LA DEMANDE, POUR RELANCER LA CONSOMMATION, LA PRODUCTION ET L’INVESTISSEMENT[3].
Ce plan de 48 milliards d’euros prévoit, sur dix-huit mois (c’est-à-dire sur fin 2020 et 2021)[4] :
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24 milliards d’euros de dépenses « pour gérer l’urgence économique et sociale »,
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24 milliards de mesures visant la « réorientation de la croissance » à plus long terme, en 2021, vers la transition écologique (7 milliards d’euros), l’université, la formation et la recherche (3 milliards), la santé (plus de 10 milliards) et l baisse de impôts de production (4 milliards).
Les mesures d’urgence concerneraient :
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Le soutien aux entreprises viables mais surendettées (bouclier anti-faillite de 10 milliards d’euros[5]),
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Une aide aux ménages « les plus fragiles », avec des bons d’achat de biens et de services liés à la transition écologique pourraient leur être distribués pour soutenir la demande (6 milliards d’euros).
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Des mesures visant à préserver l’emploi de tous, avec un volet concernant des jeunes (8 milliards).
Ces dernières mesures concernant l’emploi et l’accompagnement reposent sur deux points.
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Le versement d’une prime à l’embauche ou au retour du chômage partiel de 200 euros par mois pour tous, jusqu’à 1,5 Smic, pendant un an. Cette prime serait de 300 euros pour les moins de 25 ans. Son budget serait de 5 milliards d’euros.
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Un tutorat pour les élèves qui auraient décroché durant la période du confinement. Il serait proposé par l’Éducation nationale et assuré par des jeunes ayant validé un Bac +3 (3 milliards d’euros). Les conditions de rémunération des tuteurs restent à préciser.
LES PROFESSIONNELS DE L’EMPLOI PEUVENT DOUTER DE L’EFFICACITÉ DES MESURES D’URGENCE PROPOSÉES.
Le montant de la prime est trop faible pour entrainer une décision d’embauche, le salaire maximum affiché est trop bas, la limitation au moins de 25 ans n’est pas en phase avec la réalité de l’âge d’insertion des jeunes.
Si cette mesure devait voir le jour, seul l’effet d’aubaine serait au rendez-vous sans beaucoup d’embauches supplémentaires.
Pour 5 milliards, un rapide calcul permet de constater que de l’ordre de 1,8 millions de embauches de salarié seraient concernés, dont 600 000 embauches de jeunes (2,1 milliards).
Cette mesure apparait couteuse et trop générale, son seul avantage réside sans la possible communication politique.
Le tutorat des jeunes est aujourd’hui assuré par les missions locales et les réseaux de parrainage vers l’emploi (avec l’engagement de milliers de professionnels confirmés bénévoles), qui ont certes besoin de moyens pour se développer davantage.
Transférer le tutorat à des étudiants ayant une licence (selon de modalités à préciser) ne disposant ni de la formation nécessaire, ni connaissance sur l’orientation apparait illusoire. Une telle mesure mettrait implicitement en cause les réseaux existants comme ceux de l’information jeunesse (CIDJ) ou des Missions locales pour l’emploi des jeunes.
Les propositions de ces éminents économistes apparaissent, sur ce volet au moins, peu sérieuses. Pour un tel budget, il semble possible d’imaginer d’autres mesures.
[1] Philippe Martin, président délégué du CAE, Jean Pisani-Ferry, professeur à Sciences Po et Xavier Ragot, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et membre du CAE. Ils ont participé au programme présidentiel de 2017.
[2] « Le seul risque à prendre, c’est d’en faire trop. Les conséquences négatives d’en faire trop ne seront jamais aussi graves que de n’en faire pas assez. » – Jean Pisani-Ferry.
« Le moment n’est pas de réfléchir aux 30 milliards de déficit des retraites, mais de se concentrer sur le soutien à l’économie. »
[3] L’objectif est « de retrouver à horizon un an le niveau d’activité de la fin 2019 et de résorber le déficit d’emploi d’ici la fin 2021 ».
[4] Ce budget ne comprend pas les aides européennes éventuelles.
[5] Il s’agirait d’indemniser pour les coûts fixes encourus pendant la période de confinement (loyers, électricité, etc.) ou bien de restructurer les dettes (par rééchelonnement, abandon de créances ou transformation en fonds propres) des entreprises viables, avec la participation des banques.
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