Le Conseil d’Orientation des politiques de Jeunesse (COJ) a été saisi[1] en décembre 2019 pour proposer des scénarios d’organisation précis et opérationnels du futur service public de l’insertion (SPI) applicable aux jeunes. Il a produit un rapport intitulé : « Les jeunes au cœur du service public de l’insertion ».
Cette consultation du COJ participe à la concertation nationale sur le service public de l’insertion (SPI) qui représente le second grand chantier, après celui du Revenu universel d’activité (RUA).
Arrivé à ce jour, la concrétisation du RUA et la mise en place du SPI semblent peu probables d’ici la fin du quinquennat.
LA SPÉCIFICITÉ DE L’« INSERTION » DES JEUNES APPARAIT CLAIREMENT.
Dans la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, l’engagement numéro 5 concerne le futur Service public de l’insertion (SPI) qui propose « d’investir pour l’accompagnement de tous vers l’emploi ».
Le futur SPI doit, principalement, accompagner le public des bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA)[2].
La situation des jeunes de moins de moins de 25 ans apparait donc spécifique pour deux raisons :
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D’une part,ces jeunes ne peuvent bénéficier du RSA, à de très rares exceptions près ;
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D’autre part, ils disposent déjà d’un « service public de l’insertion des jeunes en difficulté », constitué par les Missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes (depuis les années 1980[3]), doté d’outils confirmés : PACEA et Garantie jeunes[4].
« Présentes sur l’ensemble du territoire national avec plus de 6 800 sites, les 436 missions locales exercent une mission de service public de proximité afin de permettre à tous les jeunes de 16 à 25 ans de surmonter les difficultés qui font obstacle à leur insertion professionnelle et sociale. » 16/07/2020[5]
LE RATTACHEMENT ÉVENTUEL DU SPI JEUNES AU SPI GÉNÉRAL POSE QUESTION.
Pour sa part, le COJ propose que le SPI Jeunes soit rattaché au futur SPI général au prétexte que « l’ambition du COJ est de donner aux jeunes les mêmes droits. »
Mais il émet aussi des réserves :
« Néanmoins, le COJ insiste sur le fait que ce futur SPI jeunes rattaché au futur SPI général devrait impérativement prendre en compte l’accompagnement des jeunes au regard de l’expertise et de l’approche des acteurs depuis 30 ans. » (..)
« Si ces conditions ne sont pas réunies, le COJ propose alors un SPI totalement autonome dédié aux jeunes en exigeant d’élargir la tranche d’âge aux 18/30 ans. »
LE CAHIER DES CHARGES DU « SPI JEUNES » RAPPELLE FURIEUSEMENT CELUI DES MISSIONS LOCALES
Le rapport évoque un cahier des charges déjà en place pour l’essentiel avec le réseau des Missions locales. Il rappelle des principes déjà évoqués, même si tous ne sont pas forcément observés partout actuellement.
Le Rapport du COJ énonce ainsi les principes du futur SPI jeunes qui devrait :
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S’adresser à tous les jeunes en demande d’insertion (Ambition d’universalité), mais exprime de possibles réserves[6] ;
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Être accessible (Ambition de proximité) et l’offre de service devrait être territorialisée[7] et proche du domicile du jeune pour faciliter le recours ;
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Proposer des délais raisonnables pour des entretiens et des actions de terrain ;
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Prôner une approche globale (Ambition emploi/activité d’abord)[8] de l’accompagnement du jeune qui nécessite une véritable coordination des acteurs, en vue d’une meilleure insertion du jeune (Ambition d’efficacité).
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Ouvrir le champ des possibilités (Ambition emploi/activité d’abord)[9].
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Permettre au jeune d’être acteur de son parcours (Ambition d’adaptabilité) et être engagé, ce qui nécessite une personnalisation de l’accompagnement, une certaine lisibilité des dispositifs et un réel suivi de parcours pour permettre au jeune de faire ses propres choix.
Toutes ces propositions correspondent aux actions actuelles du réseau des Missions locales.
Il semble inutile de réinventer ce qui existe déjà, même s’il est toujours possible d’apporter des améliorations, en accordant des moyens supplémentaires aux Missions locales.
Enfin, l’approche de ce rapport ne résout pas franchement le rapport du SPI, avec le Service Public de l’Emploi (SPE), et avec Pôle emploi en particulier.
LES TERRITOIRES D’INTERVENTION POUR LE SPI JEUNES RESTE EN SUSPENS.
Le COJ a recensé deux approches géographique possibles du SPI jeune organisé :
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Soit avec une animation au niveau du bassin de vie,
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Soit avec une animation départementale, avec une déclinaison dans les bassins de vie selon les territoires.
Une mise en œuvre opérationnelle pour chacune des solutions est détaillée.
A noter, enfin, que le COJ n’exclut pas un pilotage régional…
La diversité des territoires des Missions locales allant du département à la commune en passant par les intercommunalités, ne semble pas avoir besoin urgent d’être revu…
Ce réseau a besoin de moyens supplémentaires pour mieux fonctionner et assurer toutes les fonctions en dehors du seul volet d’accès à l’emploi.
On peut s’interroger sur la pertinence de la démarche du COJ.
[1] Saisi par la ministre du Travail, le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, la secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé. Lettre de saisine du 12 décembre 2019.
[2] D’autres publics peuvent être ciblés en fonction des problématiques locales.
[3] Ordonnance de mars 1982 et loi 19 décembre 1989 favorisant le retour à l’emploi et la lutte contre l’exclusion professionnelle.
[4] Celles-ci ont constitué dès lors un service public de proximité pour les jeunes en demande d’insertion en associant l’Etat, les collectivités locales et les acteurs du territoire. En s’appuyant sur les acteurs reconnus aujourd’hui, les missions locales et leurs partenaires ont développé des initiatives qui ont pallié à l’absence des droits sociaux pour les jeunes à partir de 18 ans. Le futur SPI devra prendre en compte la question de la garantie de ressources pour les jeunes dès 18 ans et l’obligation de formation pour les 16/18 ans qui figure dans loi n°2019791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance et entrera en vigueur en septembre 2020.
[5] https://travail-emploi.gouv.fr/ministere/service-public-de-l-emploi/article/missions-locales
[6] « Néanmoins, chaque SPI établira ses priorités locales pour des actions de repérage et de mobilisation : la gouvernance locale ciblera les publics les plus en difficulté sur son territoire. »
[7] Cette proximité serait variable et adaptée aux spécificités des territoires.
[8] Pour cela, il faudrait « partager en temps réel, les informations entre les acteurs ; Désigner un référent unique qui garantisse un parcours sans rupture et la complémentarité des offres de services ; Prendre en compte toutes les actions favorisant la levée des freins sanitaires et sociaux (santé, logement, mobilité…) et celles qui favorisent l’accès des jeunes à la formation, à la qualification et à l’emploi de qualité ; Assurer un pilotage qui soit garant de la coordination des acteurs et de la mise en œuvre de l’approche globale de l’accompagnement ; Mettre en place une évaluation des résultats des actions (Indicateurs communs et partagés), assurée par un évaluateur externe au SPI. »
[9] Proposer des actions préparatoires à l’emploi portant notamment sur le développement de l’intelligence émotionnelle qui favorise l’estime et la confiance en soi, indispensables aux jeunes très éloignés de l’emploi et/ou vulnérables ; Donner l’opportunité aux jeunes de découvrir et tester de nouveaux emplois en associant les entreprises, les acteurs de l’économie sociale et solidaire.
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