Une opposition est en train de se confirmer entre, d’un côté, une croissance responsable et contrôlée, et, de l’autre, ce qu’il convient d’appeler une idéologie de la décroissance.
Plusieurs études ont déjà émis des critiques sérieuses sur l’impact économique des propositions de la « Convention citoyenne pour le climat (CCC) ».
Le cas du secteur aéronautique, pris par ailleurs dans les tourbillons de la crise économique issue de la crise sanitaire, est révélateur de cette opposition que l’on peut qualifier de frontale.
La Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) met en garde sur l’impact des mesures proposée par la « Convention citoyenne pour le climat (CCC) » sur le secteur de l’aéronautique.
LA CCC PROPOSE DE LIMITER LE TRANSPORT AÉRIEN.
En effet, sept mesures figurent parmi les 149 propositions du CCC concernent le transport aérien et sont réunies sous l’intitulé : « Limiter les effets néfastes du transport aérien[1] ».
Le constat initial de la CCC apparait modéré et de bon sens, puisqu’il affirme : « Impact gaz à effet de serre : le secteur aérien représente aujourd’hui une part modérée des émissions[2] ». Il ne représente que 1,4 % des émissions de CO2 françaises[3]…
Mais certaines propositions de la CCC semblent assez brutales[4]. Citons en trois en particulier.
ADOPTER UNE ÉCOCONTRIBUTION KILOMÉTRIQUE RENFORCE CONDUIRAIT A 120 000 à 150 000 SUPPRESSIONS D’EMPLOI
Pour tous les vols de plus de 2 000 km, l’écocontribution passerait à 60 euros et 400 euros en classe affaires, par trajet[5].
La DGAC estime que la mise en place d’une écotaxe de 4,2 milliards d’euros sur l’aviation provoquerait 120 000 à 150 000 suppressions d’emplois directs dans le secteur.
Les compagnies seront tentées de fermer leurs lignes surtaxées en France pour les rouvrir dans un pays voisin. Le problème de pollution serait juste déplacé.
ORGANISER PROGRESSIVEMENT LA FIN DU TRAFIC AÉRIEN SUR LES VOLS INTÉRIEURS D’ICI 2025 PROVOQUERAIT UNE PERTE DE 70 000 EMPLOIS DIRECTS
Cette fin de trafic concernerait : « les lignes où il existe une alternative bas carbone satisfaisante en prix et en temps (sur un trajet de moins de 4h) ».
Une telle interdiction provoquerait la suppression de 30 liaisons aériennes intérieures de plus de 10 000 passagers annuels, y compris certaines liaisons d’aménagement du territoire actuellement en service.
La DGAC estime qu’une telle mesure provoquerait une perte de 3 milliards d’euros de PIB et 70 000 emplois[6].
La CCC elle-même reconnait d’ailleurs :
« Nous pensons que cette suppression de ligne aura des conséquences sociales qu’il conviendra d’accompagner pour l’ensemble de la filière. »
Reste juste à la CCC de préciser de quel accompagnement il s’agirait.
INTERDIRE LA CONSTRUCTION DE NOUVEAUX AÉROPORTS ET L’EXTENSION DES AÉROPORTS EXISTANTS GÈLERAIT LE TRAFIC AÉRIEN.
La proposition visant à « Interdire la construction de nouveaux aéroports et l’extension des aéroports existants » illustre clairement une politique de décroissance qui relève de l’« écologie punitive ».
Elle n’est nullement réaliste, car les infrastructures aéroportuaires ont vocation à évoluer en fonction de la demande (circulation aérienne) et des nouvelles technologies.
Limiter la croissance du trafic aérien par la réduction des infrastructures serait dangereux pour la sécurité des vols.
UN PROJET DE LOI DEVRAIT CONFIRMER OU NON CES POINTS.
Le projet de loi sur les propositions de « Convention citoyenne pour le climat » est en préparation pour fin septembre. La ministre de la Transition écologique, et le ministre délégué aux Transports préparent un volet « aviation » de ce texte.
Le sujet et son impact sur l’emploi sera à suivre…
[1] Propositions de la convention citoyenne pour le climat – Se déplacer – https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/pdf/pr/ccc-sedeplacer-limiter-les-effets-nefastes-du-transport-aerien.pdf
[2] « A court terme, l’impact sur les émissions sera donc relativement modéré ; mais à moyen terme et long terme, ces mesures contribueront à éviter que les émissions du secteur aérien n’augmentent trop rapidement, avec un effet significatif sur les émissions. »
[3] « Cette évaluation ne tient pas compte des émissions qui résulteraient du report modal sur le trafic intérieur, ni de celles induites par le choix de destinations alternatives par les touristes internationaux, ni des déplacements routiers ou ferroviaires des touristes français vers un hub extranational pour ensuite prendre l’avion. » DGAC,
[4] PRÉSENTATION SYNTHÉTIQUE DES PROPOSITIONS DE LA CCC :
Proposition SD-E1 : Adopter une écocontribution kilométrique renforcé
Proposition SD-E2 : Organiser progressivement la fin du trafic aérien sur les vols intérieurs d’ici 2025, uniquement sur les lignes où il existe une alternative bas carbone satisfaisante en prix et en temps (sur un trajet de moins de 4h)
Proposition SD-E3 : Interdire la construction de nouveaux aéroports et l’extension des aéroports existants
PROPOSITION SD-E4 : Taxer davantage le carburant pour l’aviation de loisir
PROPOSITION SD-E5 : Promouvoir l’idée d’une écocontribution européenne
PROPOSITION SD-E6 : Garantir que l’ensemble des émissions qui ne pourraient être éliminées soient intégralement compensées par des puits de carbone
PROPOSITION SD-E7 : Soutenir, à moyen terme, la R&D dans le développement d’une filière biocarburants pour les avions.
[5] « L’écocontribution prévue dans le projet de Loi de Finance 2020 se situe entre 1,50 € par billet sur un vol intérieur ou intra-européen en classe économique et 18 € pour un vol hors UE en classe affaire. »
« Cette proposition vise à adopter une écocontribution kilométrique renforcée, (…) et à la reverser pour rendre les transports « bas carbone » plus attractifs et accessibles. » CCC
[6] La CCC note : « Nous pensons que cette suppression de ligne aura des conséquences sociales qu’il conviendra d’accompagner pour l’ensemble de la filière (compagnies, aéroports de province, sous-traitants, collectivités), en développant également les possibilités de transferts par le train vers les aéroports internationaux, mais que la croissance actuelle globale des vols internationaux devrait permettre de compenser la baisse des vols nationaux sans réduction trop importante des emplois. »
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