La réforme de la formation professionnelle, portée par la loi « avenir professionnel » de 2018, se trouve actuellement remise en cause, progressivement, à l’occasion des mesures prises, ou à venir, pour tenter de répondre à la crise économique et sociale causée par la politique de prévention sanitaire de 2020.
La formation pro est mise en avant par le gouvernement, comme le second outil de lutte contre le chômage, à côté du dispositif exceptionnel de chômage partiel qui devrait prendre fin octobre sous sa forme actuelle (hors secteur du tourisme et activités annexes).
L’articulation entre chômage partiel et formation apparait défaillante :
« Le recours à la formation est assez faible pour les salariés en chômage partiel (13% en aout, après 16% en juillet), notamment dans les plus petites entreprises. Il est cependant assez important dans les secteurs de la fabrication de matériel de transport et dans l’hébergement restauration. » selon la Dares.
Les annonces du Plan de relance en termes d’actions de formation professionnelle et d’alternance restent à détailler en termes d’objet, de montant et de calendrier, par rapport aux dispositifs déjà programmés, dont on ne connait pas précisément l’avancement.
LE MEDEF PLAIDE POUR FACILITER LES « TRANSITIONS-RECONVERSIONS PROFESSIONNELLES ».
Le Medef a publié un projet de « Plan de soutien aux compétences, aux transitions-reconversions professionnelles[1] » qui comprend 20 propositions[2] assez détaillées.
Le Medef déclare vouloir faciliter les transitions vers des métiers épargnés par la crise. Il a la volonté de revenir en partie sur la réforme de 2018.
L’organisation patronale part de l’idée que « la crise agit comme un accélérateur de transitions », une manière de positiver dans le cadre de la crise actuelle !
Le marché du travail serait bouleversé avec :
« 1 million d’emplois menacés et 200 000 non pourvus ». « Des territoires et des secteurs d’activité inégaux face aux mutations, quelle que soit leur nature. »
L’estimation du million d’emplois menacés et de 200 000 emplois à pourvoir apparait réaliste.
La conclusion porte donc sur la formation et la mobilité des salariés.
Le Medef juge les « transitions-reconversions professionnelles » comme un « angle mort de la loi de 2018 ». Car « Les dispositifs pour les faciliter sont sous-dimensionnés et trop complexes à mobiliser » et les financements insuffisants par rapport aux enjeux[3].
Le Medef demande en particulier :
« des moyens supplémentaires du Plan d’investissement dans les compétences (PIC) à affecter au budget de France compétences, a minima pour doubler ceux affectés aux Transitions Pro (soit une augmentation de 400 millions €) ».
Pour résumer, le Medef veut reprendre la main[4] par rapport aux dispositions de 2018 en organisant « les passerelles entre secteurs d’activité » et en replaçant « les entreprises et leurs besoins au cœur de la politique de formation professionnelle. ».
LA REMISE EN CAUSE DE LA LOI de 2018 SEMBLE S’ENGAGER.
A son initiative, les partenaires sociaux se réunissent à propos de la formation[5] et la ministre du Travail organise une concertation avec des groupes de travail consacrée au « suivi des réformes » : fonctionnement de France Compétences, où les partenaires sociaux ont une place secondaire[6], Plan d’investissement dans les Compétences (PIC), CPF transition, CPF, ProA (dispositif de reconversion par alternance), etc.
Le résultat de ces échanges est encore incertain, mais tout pourrait être remis en cause en termes de priorités et de financements.
En arrière-plan, sera pris en compte les conclusions du récent audit de l’IGF (Inspection générale des finances) et de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) qui fait apparaitre le défaut de soutenabilité financière du dispositif issu de la loi de 2018…
[1] MEDEF – Plan de soutien aux compétences, aux transitions-reconversions professionnelles – 16 septembre 2020
[2] https://www.medef.com/uploads/media/default/0019/96/13229-20-propositions-du-medef-pour-soutenir-les-transtions-reconversions.pdf
[3] « Si 10% des salariés concernés par des emplois menacés par la crise décidaient de se former pour changer de métier, le système actuel ne permettrait pas de financer cet effort. »
[4] « L’ambition politique du MEDEF : Anticiper ce changement d’échelle et faire monter en gamme les acteurs pour répondre aux besoins en compétences des entreprises, accompagner et sécuriser les projets de transition et reconversion professionnelle. »
[5] Le Medef a invité les organisations patronales et syndicales à deux réunions du « groupe de suivi paritaire Formation », les 25 septembre et 2 octobre.
[6] « Il n’y a pas assez de poids accordé aux partenaires sociaux dans la gouvernance de France compétence et le fléchage des fonds est insuffisant » – le président délégué du Medef.
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