LES DONNÉES SUR LES CANDIDATS SONT STRUCTURELLEMENT INCERTAINES
Une approche revient sur l’idée déjà ancienne une mise en relation « automatique » entre offres d’emploi et candidats. Cette idée n’est pas nouvelle et les outils numériques développés ne semblent pas à même de résoudre tous les problèmes.
POLE EMPLOI SEMBLE TENTÉ PAR UN PROCESSUS DE SIMPLE GESTION DE DONNÉES POUR LE RECRUTEMENT.
Pôle emploi IO est une plateforme institutionnelle dédiée à l’Open Innovation chez Pôle emploi. Elle présente une offre de services avec divers partenaires privés[1].
Un responsable de Pôle emploi propose aux demandeurs d’emploi de constituer un ensemble de données très lourdement chargé :
« Diplômes, certifications professionnelles, formations, CV… tous ces documents susceptibles de nous valoriser auprès des entreprises seront numérisés et stockés dans un dispositif de passeport numérique unique et sécurisé, dont nous pourrons choisir de donner l’accès aux recruteurs. »[2]. Le responsable du département « open innovation » chez Pôle emploi.
Il serait ouvert de manière variable aux différents outils (c’est-à-dire à des algorithmes d’intelligence artificielle) des recruteurs, d’une manière à préciser.
L’idée est que la recherche d’emploi deviendrait « radicalement différente » avec une recherche des recruteurs dans un panier de candidats.
Le mode de rapprochement entre offre et demande se reformulerait de la sorte selon cette approche de Pôle emploi.
L’établissement public rêve d’une automatisation du rapprochement entre offres et demandes pour réduire les effectifs de Pôle emploi à termes[3].
L’idée de cette branche de Pôle emploi est que les demandeurs d’emploi alimentent une base d’information très fournies pour que les recruteurs puissent y faire leur pêche via des outils de tri sophistiqué…
Cela implique des demandeurs d’emploi passifs et des recruteurs actifs[4]. Ce choix de procédé apparait très contestable[5]. Or la promotion d’une démarche active des chercheurs d’emploi reste de mise.
L’APPROCHE PAR LES DONNÉES STOCKÉES NE SEMBLE PAS TENIR COMPTE DE L’EXPÉRIENCE ACQUISE.
La mise en relation des données des candidats et des recruteurs par un quelconque algorithme parait une illusion pour des raisons concrètes.
Chacun candidat reste légitimement maître de l’ensemble de ses données. Les données concernant un candidat ne sont pas fixes. Elles varient en nombre et en mode de formulation.
Sans développer trop précisément, il est possible de distinguer :
- D’un côté, un petit noyau de données stables : identité et âge, diplômes validés, avec copie des diplômes, etc.
- D’un autre, des données changeantes comme le domicile ou la mobilité, les coordonnées, les références, les souhaits, etc.
- Ensuite, des données dont l’exposé peut être variable : c’est le cas des stages et des emplois occupés. Le candidat présente une version synthétique, partielle ou complète, selon les cas. La formulation change en fonction des circonstances. Il en est de même pour les parcours avec un enchainement excluent les passages vides.
- Des données floues qui répondent à la mode de la valorisation de « compétences personnelles » ou du savoir-être (dénommés inopportunément « soft skills ») qui concerne : la résolution de problèmes ; la confiance ; l’intelligence émotionnelle ; l’empathie ; la communication ; la gestion du temps ; la gestion du stress ; la créativité ; l’esprit d’entreprendre ; l’audace ; la motivation ; la vision ou visualisation ; la présence ; le sens du collectif ; la curiosité ; etc.
- Des données sur la vie personnelle et les loisirs, dont le contenu est souvent surprenant en allant du sport à l’aquariophilie ! Les unes sont significatives d’autres moins et d’autres pas.
A cela, il convient d’ajouter la part des fausses informations ou affirmations émises par le candidat[6] : ce qui nécessite un contrôle de fiabilité de la part d’un recruteur…
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Le simple tri des données émises par un candidat ne semble pas pouvoir apporter une réponse au rapprochement automatique entre candidats et recruteurs. Il peut au mieux contribuer à un pré tri, suivi par des méthodes classiques de recrutement passant par des entretiens d’embauche.
[1] « Depuis 5 ans, l’opérateur public s’est doté d’une offre de service complète, à l’aide de partenaires innovants, pour faciliter la rencontre entre acteurs de l’écosystème, offrir des espaces de discussions et mettre à disposition des API qui peuvent améliorer des services digitaux à destination des demandeurs d’emploi. » Pôle emploi.
[2] Antoine Bayle, Responsable du département open innovation chez Pôle emploi.
[3] Autant de coups de pouces bienvenus pour dynamiser une recherche de poste en parallèle des traditionnels conseillers Pôle Emploi.
[4] « La recherche d’emploi sera ainsi plus passive : nous pourrons nous contenter d’ouvrir l’accès à une partie de nos données et laisser ainsi les recruteurs (et leurs algorithmes) venir à nous. »
[5] Enrichis par nos données numériques, les algorithmes d’apprentissage machine vont occuper un rôle de plus en plus important dans la mise en relation des demandeurs d’emploi et des employeurs. Ils apprendront ainsi à connaître le profil du demandeur, ses goûts et ses préférences pour lui recommander des opportunités susceptibles de lui correspondre. « En tenant compte de mon âge, du fait que je suis sportif, plutôt sédentaire et que j’aime le calme et la nature plutôt que la ville, l’algorithme sera capable de m’aiguiller vers une offre plutôt qu’une autre » Antoine Bayle, Responsable du département open innovation chez Pôle emploi.
[6] « Webinaires, Moocs, toutes les ressources qui se trouvent à notre disposition en ligne… Ces outils vont nous permettre d’être en apprentissage permanent, brouillant la frontière entre période de formation et d’activité », Responsable du département open innovation chez Pôle emploi
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