Un plan du ministère du Travail, pour les demandeurs d’emploi de longue durée, a été annoncé le 27 septembre 2021, pour ramener des demandeurs d’emploi de longue durée (DELD) et de très longue durée (DELTD) vers le monde du travail.
Le contexte était alors à la reprise économique, au sortir de la crise sanitaire.
« Pour ce faire, l’approche retenue misait sur la simplicité : un ciblage du public reposant sur un seul paramètre (la durée d’inscription à Pôle emploi), un opérateur principal (Pôle emploi, chargé de presque toute la mise en œuvre du plan) et l’absence d’objectif de résultat en termes de retour à l’emploi des DELD, jugé difficile à établir compte tenu des effets de la conjoncture économique. »
Le nombre des DELD inscrits à Pôle emploi étaient environ 1,3 million en octobre 2021.
PÔLE EMPLOI DEVAIT PRODUIRE DES RÉSULTATS A LA FIN 2022[1].
Le plan comportait quelques innovations, toutefois : un « parcours emploi-santé » pour mieux prendre en compte les difficultés de santé dans la recherche d’emploi des DELD, le versement d’une prime de 1 000 € aux demandeurs d’emploi entrant dans les formations préalables au recrutement, le versement d’une aide à l’embauche de 8 000 € pour les employeurs recrutant un DELD en contrat de professionnalisation et « la mise en place d’un « challenge national » permettant aux agences de Pôle emploi de proposer des initiatives de terrain prometteuses et d’en financer les meilleures. »
Pôle emploi disposait d’un budget de 400 millions d’euros, et de 700 agents supplémentaires, pour déployer ces aides, ces prestations et ces formations.
Les objectifs n’ont pas été atteints.
Seuls 133 millions d’euros ont été consommés sur l’enveloppe budgétaire totale.
Le cap des 35 000 actions, fixé par le plan, n’a pas été atteint, même si le nombre d’actions de mobilisation à destination des DELD a augmenté par rapport à 2019.
LA COUR DES COMPTES DRESSE UN BILAN TRÈS CRITIQUE DU PLAN DELD
La Cour des comptes dresse un bilan très critique de l’exécution et des résultats de ce plan[2].
« Le plan DELD ne s’est pas pleinement inscrit dans la logique de réduction des tensions de recrutements, les demandeurs d’emploi les plus en difficulté n’étant pas tous en capacité de reprendre un emploi à court terme dans les métiers en tension qui peinent à recruter. »
Une imprécision des objectifs de ce plan est directement mise en cause par la Cour :
« Bien qu’il ait été doté de ressources importantes, le plan n’a été assorti d’aucun objectif mesurable en matière de retour à l’emploi, ni de baisse du chômage ou des tensions de recrutement dans les secteurs particulièrement concernés. »
Faute d’objectif de résultats et d’une définition de la méthodologie d’évaluation, « il sera difficile de mesurer l’efficacité des actions menées au regard des moyens budgétaires et humains supplémentaires dont Pôle emploi a bénéficié ».
La CDC critique une mobilisation insuffisante des outils existants (« les mesures indifférenciées ») comme les contrats de professionnalisation[3].
La Cour considère que tous les outils n’ont pas été mobilisés à la hauteur prévue[4].
« Malgré la forte implication du réseau des agences de Pôle emploi pour déployer les actions du plan, la mobilisation des différents leviers n’a pas été à la hauteur des moyens qui avaient été mis à disposition de l’opérateur, notamment en ce qui concerne les dispositifs visant directement le retour à l’emploi, comme les contrats de professionnalisation. »
LE MAINTIEN DES 700 ETP SUPPLÉMENTAIRES A PÔLE EMPLOI EST JUGÉ DISCUTABLE
Le maintien des 700 équivalents temps plein supplémentaires, accordés temporairement à Pôle emploi[5], au bénéfice de ce plan est jugé très discutable par la Cour, quant à l’atteinte des « objectifs de baisse du nombre de DELD assignés à l’opérateur dans le cadre de la convention tripartite entre l’État, l’Unédic et Pôle emploi ».
La Cour des comptes recommande de « réexaminer la question du maintien de ces effectifs supplémentaires » accordés à Pôle emploi[6].
LA REMISE EN CAUSE DE FOND, QUI ÉMERGE, VA FAIRE DÉBAT
La Cour des Comptes met en cause ce projet sur le fond et sa critique porte de manière plus générale sur d’autres opérations.
En effet, la Cour s’interroge « plus largement sur la pertinence de recourir à des plans conjoncturels pour améliorer le retour à l’emploi des demandeurs d’emploi les plus éloignés du marché du travail ».
La recommandation formulée par la Cour des Comptes résume bien les attentes de son « audit flash » :
« Lors de la conception des plans conjoncturels de lutte contre le chômage, particulièrement ceux dotés d’effectifs supplémentaires, prévoir : des objectifs de résultats concernant les populations ciblées, plutôt que de seuls objectifs de moyens ; ainsi que les modalités de leur évaluation par le ministère chargé du travail. »
[1] « Ce plan comprenait des actions spécifiques en faveur des demandeurs d’emploi de longue (DELD) et de très longue durée (DETLD) , dont certaines devaient être mises en œuvre avant la fin de l’année 2021 et d’autres, avant la fin de l’année 2022, qui se prolongent en pratique au début de l’année 2023. »
[2] « Audit Flash » de la Cour des Comptes, consacré aux dispositifs déployés en direction de cette catégorie d’actifs, dans le cadre du plan de réduction des tensions sur le marché du travail annoncé par le gouvernement en septembre 2021. 28 mars 2023. https://www.ccomptes.fr/fr/documents/63845
[3] Quant aux contrats de professionnalisation destinés aux chômeurs de longue durée, Pôle emploi affichait fin 2022 environ 4 500 embauches en contrat de professionnalisation, pour une cible de près de 30 000.
[4] A la fin 2022, seuls 23,2 millions d’euros ont été effectivement utilisés sur la cagnotte des 42,2 millions d’euros budgétés pour les ateliers de remobilisation mis en œuvre par Pôle emploi.
[5] « Le lancement du plan DELD en septembre 2021 a été l’occasion pour l’opérateur de négocier le maintien d’une partie de ces effectifs supplémentaires. S’appuyant sur la phase test des « packs de remobilisation », Pôle emploi a produit une évaluation de la charge nécessaire à la généralisation du dispositif qui concluait à un besoin de 1 076 ETP (pour 52 300 séances, représentant 22,5 heures par conseiller). Sur cette base, l’opérateur a obtenu, dès la loi de finances rectificative du 1er décembre 2021, le maintien de 700 ETP – dont 500 CDI et 200 CDD – et n’a finalement restitué que 800 ETP sur les 1 500 prévus. Les 700 ETP ont par la suite été maintenus à l’opérateur par la loi de finances initiale pour 2022. »
[6] « Il importe toutefois de réexaminer la question du maintien de ces effectifs supplémentaires en fonction des résultats de l’évaluation plus approfondie de la mise en œuvre du plan, prévue en 2023, et au regard d’un contexte favorable à l’emploi. »
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