LES PAIEMENTS DU FSE A LA FRANCE SERAIENT SUSPENDUS SUR L’ENSEMBLE DU PROGRAMME OPÉRATIONNEL NATIONAL « EMPLOI ET INCLUSION » 2014-2020 A CAUSE DE DÉFICIENCES DANS LE FONCTIONNEMENT DU SYSTÈME DE GESTION ET DE CONTRÔLE
La programmation FSE 2014-2020[1] touche à sa fin. Mais un courrier de la Commission européenne à la France, en date du 26 mai 2020, semble faire peser une grave menace sur les règlements à venir.
Cette information doit évidemment être confirmée par la DGEFP.
La commission aurait adressé à la France une « Lettre d’interruption du délai de paiement pour le FSE[2] » en réponse à la demande de paiement intermédiaire FSE du 27 mars 2020[3], concernant le Programme Opérationnel National FSE Emploi et Inclusion 2014-2020.
Le courrier consulté pointe des « Déficiences dans le fonctionnement du système de gestion et de contrôle[4] » de la part de la DGEFP.
« La Commission a pris note du non-achèvement de la campagne d’audit relative à l’exercice comptable 2018-2019. » (…) « Le non achèvement de la campagne d’audit d’opérations semble être lié à l’insuffisance des effectifs dédiés à cette activité. »
« La Commission prend note des résultats provisoires des audits d’opérations, qui font état de déficiences liées aux vérifications de gestion, notamment des aspects suivants : Aides d’état et application d’un régime d’aide erroné ; Non-respect des modalités de mise en œuvre des fonds de participation d’un instrument financier ; Renseignements ou documents à l’appui manquants et piste d’audit insuffisante ou absente ; Bénéficiaire inéligible ; Dépenses non payées par le bénéficiaire ; Dépenses non rattachables au projet ; Présence d’autres dépenses inéligibles ; Mauvaise application de la méthodologie de coûts simplifiés ; Non-respect du principe de bonne gestion financière ; Non-respect des règles de la commande publique. »
Les paiements se trouveraient donc interrompus sur l’ensemble du PON Emploi et Inclusion 2014-2020[5]. De plus, des menaces de plusieurs types pèseraient sur la suite du programme[6].
Si cette information est confirmée, le délai de règlement s’avère aujourd’hui difficile à déterminer.
La commission attendrait de la DGEFP FSE l’assurance que des :
« mesures préventives et correctives nécessaires ont été prises afin de garantir le bon fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle, de manière à pouvoir donner l’assurance que les dépenses liées au FSE sont légales et régulières. » (…) « les autorités françaises sont invitées à communiquer ces mesures ainsi que leur efficacité à la Commission dans le meilleur délai. »
Dans cette attente, la Commission appelle, dans ce courrier, le ministère du Travail à informer « tous les bénéficiaires et tout tiers pour qui une interruption du versement du FSE serait susceptible d’avoir des conséquences négatives ».
Cette information doit évidemment être confirmée et commentée par la DGEFP, tout comme la réponse qu’elle compte y apporter et les mesures qu’elle envisage de prendre vis-à-vis des opérateurs bénéficiaires de financements FSE.
DANS LA NOUVELLE PROGRAMMATION POUR 2021-2027, LE FONDS SOCIAL EUROPEEN (FSE) VA DEVENIR LE « FSE+ ».
Le « FSE+ » résulte de la fusion du Fonds social européen (FSE[7]), de l’Initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ)[8], du Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD), du programme de l’Union européenne pour l’emploi et l’innovation sociale (EaSI) et du programme pour la modernisation des systèmes de santé.
Le FSE+ devrait poursuivre les actions du FSE dans les domaines de l’emploi, de la formation professionnelle et de l’inclusion sociale.
En France, c’est la DGEFP[9] gèrera le FSE+. Elle a présenté en janvier un projet de plan pour fixer les priorités nationales[10] pour la déclinaison française du programme, dont « développer l’accès à l’emploi des jeunes ».
Un processus de concertation a été engagé pour préciser la gouvernance des fonds.
Le ministère du Travail et les Régions souhaitent obtenir une réelle simplification de l’accès aux fonds européens, au contrôle des actions menées et au versement des fonds[11].
Le projet de programme opérationnel national a dû être envoyé à la Commission européenne pour être validé au 2nd semestre[12].
Le budget du FSE+, pour cette période de 7 ans, reste encore à préciser au niveau européen, dont, en particulier, la part attribuée à la France[13].
La crise économique qui frappe les pays de l’Union européenne (UE) pour 2020-2022 pourrait induire des décisions qui viendraient bousculer, ou renforcer, les politiques traditionnelles de l’UE, dont le FSE.
Les choix devraient être connus au second semestre. Le financement des premiers projets de cette nouvelle période de programmation devrait débuter dès le 1er janvier 2021.
IL CONVIENT DE BIEN RAPPELER LE POSITIONNEMENT DU FSE
« Au sein de l’Union européenne, l’emploi est une compétence propre à chacun des États membres.
Toutefois, le dialogue constant entre la Commission et les pays a entraîné des interactions et des influences perceptibles dans l’évolution des paradigmes de l’action publique.
Le Fonds social européen est alors à la fois un instrument financier au service de la stratégie européenne et des acteurs des politiques publiques en France. » – Site du FSE
Il existe au final une imbrication assez étroite entre les politiques nationales et la mobilisation des fonds européens.
[1] Sur 2014-2020, le FSE en France a été doté d’une enveloppe de 6 milliards d’euros. L’enveloppe du FSE a été répartie entre 33 Programmes Opérationnels (PO). 2,9 Mds€ sont consacrés au PO national FSE Emploi-Inclusion (48% de l’enveloppe). 310 millions d’euros ont été dédiés à l’IEJ (adossés à 310 M€ de fonds IEJ).
« Entre 2014 et 2020, plus de 920 millions d’€ de crédits européens, par an, sont destinés à ces politiques, en majorité sur des actions de renforcement de l’employabilité des personnes les plus éloignés de l’emploi. »
[2] Article 83 du règlement (UE) n° 1303/2013.
[3] Réf.: Demande de paiement intermédiaire FSE du 27 mars 2020 [Ares(2020)1792583] Rapport annuel de contrôle du 27 février 2020 [Ares(2020)1239638] Avis d’audit pour l’exercice comptable 2018-2019 du 27 février 2020 [Ares(2020)1240427] Examen des comptes du 21 avril 2020 [Ares(2020)2149310]
Demande de report de la date de transmission des documents révisés du compte annuel du 12 mai 2020 [Ares(2020)2510353] et son acceptation du 12 mai 2020 [Ares(2020)2510853]
[4] « Il ressort du RAC 2020 qu’il existe des preuves manifestes suggérant un dysfonctionnement important du système de gestion et contrôle du programme en question conformément à l’article 83, paragraphe 1, point a) du règlement (UE) No 1303/2013. »
[5] « Sur la base de ce qui précède (…), je vous informe qu’en qualité d’ordonnateur délégué, j’ai décidé d’interrompre le délai de paiement de la demande transmise le 27 mars 2020, à partir de la date de réception de la présente lettre. Les déficiences susmentionnées concernent l’ensemble du Programme Opérationnel National FSE Emploi et Inclusion 2014-2020 et, par conséquent, le délai de paiement de toutes les dépenses incluses dans cette demande est interrompu. »
[6] « Les dépenses dont il convient de réévaluer la légalité et la régularité devraient être vérifiées. Si cet examen n’était pas conclu avant la transmission des prochains comptes annuels, ces dépenses devraient être exclues des comptes. »
« La Commission se réserve le droit d’engager, si cela s’avère nécessaire, une procédure de suspension, dans le cadre de laquelle les autorités françaises auront la possibilité d’exposer leur point de vue concernant les lacunes relevées par la Commission. »
[7] Créé en 1957 par le traité de Rome, le Fonds Social Européen est le principal levier financier de l’Union européenne pour la promotion de l’emploi. Le FSE est géré selon des programmes cycliques de 7 ans. 4 grands opérateurs (Pôle emploi, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, France active et l’AVISE) sont également Organismes intermédiaires au plan national.
[8] L’Initiative pour l’emploi des jeunes finance les actions en faveur des jeunes de moins de 30 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formations (NEET). Ce fonds, abondé par le FSE, a pour objectif de renforcer et proposer à tous les jeunes une modalité renouvelée d’insertion socioprofessionnelle.
[9] Ministère du Travail – Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DEGFP)
[10] Cinq priorités sont ciblées : favoriser l’insertion professionnelle et l’inclusion sociale des personnes les plus éloignées du marché du travail ; renforcer le système éducatif, la réussite scolaire et universitaire ; développer l’accès à l’emploi des jeunes ; améliorer les compétences des salariés et les conditions de travail ; accompagner l’innovation sociale.
[11] « L’État et les Régions s’engagent pour la simplification des fonds européens » – Communiqué du 18/02/200. L’État et les Régions ont décidé de lancer un travail conjoint avec pour objectif de simplifier les procédures, faciliter les démarches des porteurs de projets, de raccourcir les délais d’octroi et de paiement des aides.
« Régions de France et l’État négocient le futur cadre du programme 2021-2027, et donc mettent au point cette simplification. (…) L’objectif étant que le partage entre État, Région et Département se fasse correctement, sans recentralisation des fonds par l’État, notamment en matière des lois sur la proximité comme la loi 3D « Décentralisation, différenciation et déconcentration » » – Yannick Neuder, président de la Commission Europe et contractualisations de Régions de France. Il succède à Renaud Muselier qui occupait cette fonction depuis 2016.
[12] Le gouvernement a proposé que 35 % de l’enveloppe dévolue à la France soit gérée par les régions comme aujourd’hui, 65 % restant gérés par l’État. Celui-ci finançant les actions des départements. Cette répartition a été contestée par les Régions.
[13] « On ne peut pas encore communiquer sur ce montant car il doit être validé par le Conseil européen. Les 27 chefs d’État doivent valider à l’unanimité l’enveloppe qu’ils consacreront aux politiques de cohésion. Son montant est actuellement en discussion et il devrait varier de l’ordre de 5 à 10 % par rapport à la précédente enveloppe. Mais le contexte est devenu plus compliqué avec le Brexit (soit une perte de 15 Md€ net) ainsi que trois nouvelles thématiques : le Green deal, la politique d’immigration et la défense/sureté. » Yannick Neuder, président de la Commission Europe et contractualisations de Régions de France.
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