Les prévisions de la Banque de France (BdF) sur l’évolution économique se veulent globalement rassurantes[1]. Le PIB en France ne se contracterait que de 8,7% en 2020[2], avant de remonter de 7,4 % en 2021 et de 3 % en 2022.
Elles ne rassurent pas vraiment quant à l’emploi, d’abord, sur le plan des chiffres évoqués[3], d’autre part, par les réserves formulées concernant ces prévisions.
LE TAUX DE CHÔMAGE POURRAIT ATTEINDRE 11% AU PREMIER SEMESTRE 2021.
La BdF estime les suppressions d’emploi en 2020 à 800 000 et les créations à 700 000 d’ici à fin 2022.
« Fin 2020-début 2021, l’emploi continuerait à se contracter, avec retard par rapport à l’activité, avec des pertes d’emplois plus pérennes dans les entreprises en difficulté. Les pertes nettes d’emplois dans l’ensemble de l’économie s’élèveraient au total à un peu plus de 800 000 fin 2020 par rapport à fin 2019. »
« L’emploi total commencerait à se redresser dans le courant de l’année 2021 et augmenterait d’un peu plus de 700 000 sur les deux années 2021-2022. »
Le taux de chômage grimperait « autour de 11% » au 1er semestre 2021[4], pour redescendre sous le seuil de 10% dans le courant de 2022.
MAIS LA PRUDENCE DEMEURE SUR CES PRÉVISIONS.
Des incertitudes sur les prévisions demeurent dans des circonstances exceptionnelles actuelles.
« La projection du taux de chômage reste toutefois très incertaine du fait des difficultés de mesures dans les circonstances actuelles et de comportements d’activité difficiles à prévoir. Son profil devrait cependant redevenir plus cohérent avec celui de l’emploi. »
On constate que la permanence de la menace sanitaire[5] va avoir une influence matérielle (règles à respecter, utilisation des locaux, absences, réduction des contacts, etc.), mais également psychologique sur les embauches. Au mieux, les programmes auront lieu, mais sans précipitation.
Des incertitudes existent à l’international au niveau de la chute des exportations, notamment dans certains secteurs (tourisme, aéronautique, etc.) et des nouvelles relations à venir avec la Grande-Bretagne[6].
UN RISQUE DE FORTES TENSIONS SOCIALES EXISTE POUR 2021.
Le risque de tensions sociales est désormais évoqué par de nombreux responsables politiques, économique et sociaux.
Par exemple, le président d’Alixio[7] constate que :
« Beaucoup d’entreprises ont des emplois en surnombre. Car jusqu’ici la cloche du chômage partiel masquait la réalité.[8] »
Le chômage va grimper en raison de la diminution du nombre des emplois (-712 000 au 1er semestre), de l’arrivée de jeunes sur le marché, de la sortie du noyau salarié restant au chômage partiel en octobre, des licenciements suite à des faillites, etc.
L’aide de l’État va être progressivement ciblée sur des entreprises économiquement viables[9] et les autres devront réduire leurs effectifs ou fermer.
Par ailleurs, des réserves sont formulées sur le Plan de relance sur son rythme incertain et les mesures déjà engagées.
Certaines mesures apparaissent déjà comme peu productive : c’est le cas de la prime à l’apprentissage[10] ou du recours à l’Activité partielle de longue durée (APLD), en raison des contraintes prévue à sa mise en œuvre.
Ces éléments annoncent une situation sociale tendue, dont les principales inconnues restent le calendrier et le mode d’expression : syndical, politique ou original (type « gilets jaunes » 2021).
Le président d’Alixio, un expert, avertit ainsi :
« Nous ne sommes pas à l’abri de troubles : cela peut très mal tourner[11]. » (…) « Nous sommes dans une société très inflammable.[12] »
[1] Banque de France – Projections macroéconomiques France – Septembre 2020 – https://www.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/projections-macroeconomiques_2020-09.pdf
[2] « Pour l’ensemble de 2020, la récession serait donc de − 8,7%, une amélioration par rapport à la prévision de − 10,3% que nous avions faite en juin. » – BdF
[3] « Les entreprises ayant largement fait appel au dispositif d’activité partielle, l’ajustement de l’emploi au choc d’activité est resté relativement contenu au premier semestre, avec des destructions d’emplois liées principalement à l’ajustement de l’emploi intérimaire et au non-renouvellement de contrats courts. » – BdF
[4] « Sous l’hypothèse que la population active retrouve un niveau habituel », c’est-à-dire sans que se poursuive un retrait volontaire d’une part des actif, retrait lié à la crise économique et/ou sanitaire.
[5] « On ne peut encore exclure la possibilité qu’une résurgence plus forte du virus et l’aggravation de l’incertitude sanitaire et économique puisse infléchir la trajectoire de l’activité vers le scénario sévère. » – BdF
[6] « L’environnement international est aussi l’objet de nombreux aléas, avec notamment un risque de « no deal Brexit». »
[7] Le Président d’Alixio conseille nombre de grandes entreprises et a une appréciation de la situation. Il a été le Conseiller social de Nicolas Sarkozy à l’Elysée.
[8] « Le cri d’alarme de Raymond Soubie sur l’arrivée d’un chômage de masse » Challenges – Vincent Beaufils – 13/09/2020
[9] Il s’agit désormais d’aider en fonds propres des entreprises fragilisées financièrement par la crise mais qui sont viables économiquement, sinon cela n’aurait pas de sens. » (…) « Nous passons aujourd’hui d’une phase d’urgence à une phase de reconstruction plus sélective. Le « quoi qu’il en coûte » doit progresser laisser la place à un « quand cela vaut le coup » ». – Le gouverneur de la Banque de France. Interview Le Monde – 14/09/2020
[10] « Les mesures sur l’apprentissage sont excellentes, le rendant quasiment gratuit pour les entreprises, et pourtant il y a peu d’offres. » – Raymond Soubie.
[11] « Je suis très, très inquiet car nous allons vers un taux de chômage jamais connu en France. Nous avons perdu au premier semestre 700 000 emplois, alors que la France avait pris l’habitude donc d’en créer entre 100 et 200 000 chaque année. Cet écart est colossal, alors que par ailleurs nous devons accueillir plus de 500 000 jeunes sur le marché de l’emploi. L’addition de ces phénomènes est unique dans l’histoire, et nous ne sommes pas à l’abri de troubles, : cela peut très mal tourner. »
[12] Propos tenus le 12 septembre, à Aix-en-Provence, lors des Rencontres du Cercle des économistes.
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