La réduction des dépenses de politique familiale, prévue pour 2015, aura un impact important sur l’emploi des femmes.
Dans le cadre de la réduction des dépenses publiques, la politique familiale se trouve durement remise en cause. Pour 2015, il s’agit d’économiser 700 millions d’euros sur la branche famille. Ce choix est très contestable[1]. Après deux séries de mesures d’économie sur la politique familiale[2], les mesures prévues pour 2015 laissent prévoir des conséquences importantes sur l’économie, la natalité et l’emploi des femmes. L’Union Nationale des Associations Familiales (UNAF)[3] en fait le constat.
Pour sa part, le Conseil d’Administration de la Caisse Nationale d’Allocation Familiale (CNAF) s’est prononcé contre l’avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 à la quasi-unanimité avec un vote défavorable de la CGT, de la CGT-FO, de la CFTC, de la CFE-CGC, de l’UNAF, de l’UPA, de la CGPME, du MEDEF et du CNPL-UNAPL.
Les nouvelles mesures concernent les familles avec de jeunes enfants. Elles ne sont pas encore adoptées et un vrai débat se livre à l’Assemblée nationale sur l’opportunité de telles mesures.
La mesure est de nature législative initiale était présentée dans un article du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2015 prévoyant de diviser par trois la prime de naissance à partir du deuxième enfant(250 millions d’économie). Cette mesure semble être abandonné pour une modulation des allocations familiales selon le revenu à partir de 2015. Cette mesure, si elle est adoptée, porterait atteinte au principe d’universalité des allocations familiales, toujours unanimement défendu par les associations familiales et syndicales comme un pivot du système.
Les autres mesures sont de nature réglementaire et concernent :
- une nouvelle réduction de la durée du congé parental, qui serait ramené pour la mère à 24 mois, au lieu des 36 mois,
- le report de la majoration des allocations familiales de 14 à 16 ans : avec ce report de 2 ans, les familles vont perdre 1 500 euros par enfant et par an [5],
- La création d’une tranche supplémentaire au complément de mode de garde proposée initialement semble abandonnée. Elle concernait les mêmes familles qui viennent déjà de subir la baisse du quotient familial et la réduction de l’allocation de base de la Prestation d’Accueil du Jeune Enfant (PAJE), qui comprend : la prime à la naissance, la prime à l’adoption, l’allocation de base, un complément de libre choix d’activité, un complément de libre choix du mode de garde. L’UNAF estimait que « cette sanction des couples biactifs (2 000 euros de revenu par personne) risque de décourager les femmes de travailler ». « Elle est en contradiction avec l’objectif de retour à l’emploi et d’augmentation des salaires féminins. ».[4]
Quelque soit la version définitive de ces mesures, la réduction du budget de la politique familiale de l’ordre de 700 à 800 millions d’euros est un fait acquis.
Elle semble totalement contradictoire aux discours des décideurs portant sur « la relance par l’augmentation du pouvoir d’achat » ou « la promotion de l’égalité professionnelle entre femmes et hommes ».
La réduction de la durée du congé parental devrait avoir une influence directe sur l’emploi des femmes.
Après le vote cet été du principe d’un partage mère-père du congé parental, le décret d’application, encore en attente, pourrait allonger l’obligation de partage et ce qui conduirait à réduire encore davantage le congé parental dans la mesure où l’on sait que la proportion des pères qui en profitent est faible. Dans le contexte actuel, la diminution du congé parental à 24 mois, au lieu de 36 mois pour la mère, risque de se traduire, non par un retour des femmes dans l’emploi mais par un retour au foyer. La pénurie du nombre de places d’accueil ne facilitera pas la garde des enfants et incitera les mères aux interruptions d’activités professionnelles. Les engagements sur la création de nouvelles places de crèches n’ont pas été tenus et ne le seront sans doute pas en période de réduction budgétaire..
En conclusion citons l’UNAF qui estime que ces nouvelles annonces font douter les familles de la politique familiale : « Depuis le milieu des années 90, la France avait redressé sa situation en réussissant progressivement à concilier un fort taux d‘activité féminine avec une bonne natalité. Ces mesures ciblées sur les parents de jeunes enfants risquent de nous ramener 20 ans en arrière. »
La conciliation vie familiale-vie professionnelle en cause
La politique familiale comprend trois volets principaux :
- le volet fiscal avec le quotient conjugal et le quotient familial, rendant rentable le travail des deux membres d’un couple sans sanction fiscale,
- les prestations familiales permettant la conciliation vie familiale-vie professionnelle,
- les services que constituent les crèches et les structures d’accueil des jeunes enfants rendant possible un maintien dans l’emploi.
C’est le cumul de ces trois éléments qui apporte à la politique familiale son efficacité avec un indice de fécondité proche de deux et un taux de travail des femmes élevé.
Un nombre suffisant de naissances est une des conditions de l’équilibre entre les générations permettant un niveau d’emploi suffisant pour assurer un équilibre économique et social à long terme.
[1] Le déficit de la branche famille (3,17 milliards d’euros en 2015) est principalement dû à des charges venant de la branche vieillesse (plus de 9 Milliards d’euros-moitié sur Assurance vieillesse des parents au foyer, moitié sur majorations de pension). En 2013, il a été décidé de maintenir le déficit de la branche famille en la privant des recettes de la fiscalisation des majorations de pension (1,2 milliard). Parmi les trois branches de la sécurité sociale, la branche famille est la seule branche structurellement saine.
[2] Les mesures prises depuis 2012 sont les suivantes :
- Une première baisse du quotient familial de 2 330 € à 2 000 € sur les revenus de 2012 pour 554 millions d’euros en compensation de l’augmentation de l’Allocation de Rentrée Scolaire (ARS) de 25% dont le montant, qui y a été consacré n’est pas connu.
- Une seconde baisse du quotient familial de 2 000 € à 1 500 € en juillet 2013 pour un montant prévisionnel de 1,1 Milliard d’euros.
- Les 1,2 Milliard d’€ pour la fiscalisation des majorations de pension des retraités ayant eu 3 enfants ou plus, décidée aussi en 2013. Cette dernière mesure n’a pas bénéficié pas à la branche Famille alors même qu’elle finance intégralement ces majorations de pensions.
- Le gel de l’allocation de base de la PAJE ainsi que les primes de naissance et d‘adoption dès 2014, jusqu’en 2020.
- L’allocation de base de la PAJE pour les jeunes enfants jusqu’à trois ans est désormais modulée : elle est divisée par deux pour les ménages dépassant un certain seuil de revenus. Parallèlement, une mesure dite « technique » sur le plafond de l’allocation de base de la PAJE conduit à exclure plusieurs dizaines de milliers de familles du bénéfice de cette prestation.
- La majoration du complément de libre choix d’activité pour les familles ne percevant pas l’allocation de base de la PAJE est désormais supprimée.
- Les économies sur les prestations sont évaluées par la CNAF à 400 millions d’€ dès 2014 et à 800 millions d’€ d’ici 2020.
Rappelons que la PAJE, Prestation d’Accueil du Jeune Enfant, comprend : la prime à la naissance, la prime à l’adoption, l’allocation de base, un complément de libre choix d’activité, un complément de libre choix du mode de garde.
[3] UNAF : L’Union Nationale des Associations Familiales est l’institution nationale chargée de promouvoir, défendre et représenter les intérêts de l’ensemble des familles vivant sur le territoire français, quelles que soient leurs croyances ou leur appartenance politique : http://www.unaf.fr/
[4] UNAF : « Politique familiale : 20 ans de construction remis en cause » – Communiqué de presse N°20 – 29 septembre 2014
[5] « C’est pourtant à l’adolescence que la charge d’enfant s’alourdit, cette annonce est donc en total décalage avec la réalité de la vie des familles. »
Pas de commentaire sur “La réduction de la politique familiale impacte l’emploi des femmes”