Le projet de loi cible l’extension du travail du dimanche sur les gares et les zones accueillant des touristes étrangers.
QUI TRAVAILLE LE DIMANCHE ?
Le travail du dimanche est un thème de débat ancien et polémique. Il est encadré par le code du travail qui impose le repos hebdomadaire et précise que : « Dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche. » (Article L. 3132-3 du Code du travail). Le travail du dimanche existe déjà dans de nombreux secteurs (tourisme, restauration, commerce alimentaire, commerce non alimentaire, transport) à titre dérogatoire :
- Dans des « zones d’intérêt touristiques ou thermales »et des « zones touristiques d’affluence exceptionnelle »,
- Dans les magasins de bricolage ont récemment été officiellement et définitivement ajoutés à cette liste des dérogations[1],
- Dans les « périmètres d’usage de consommation » dans les grandes agglomérations : Paris, Lille ou Aix-Marseille,
- Dans d’autres commerces, lorsque la fermeture du dimanche est considérée comme « préjudiciable au public » ou compromet son « fonctionnement normal »,
- Dans les industries contraintes d’assurer une production continue (usines de produits laitiers, etc.).
- Dans les hôpitaux,
- Etc.
Une étude de la DARES de 2011[2] conclut que 13 % des salariés (3 millions) travaillaient habituellement le dimanche, et 15 % de façon occasionnelle, soit au total 6,5 millions de personnes concernées. Le travail dominical concernait également 54 % des non-salariés, soit 54% dont la moitié travaillant le dimanche de façon habituelle.
L’EXTENSION DU TRAVAIL DU DIMANCHE
Le projet de loi « pour l’activité et l’égalité des chances économiques » en préparation prévoit de nouvelles dérogations concernant les commerces dans les gares et les « zones touristiques à fort potentiel économique ». Dans ces zones, les commerces auraient une autorisation d’office à ouvrir cinq dimanches dans l’année, et jusqu’à douze en cas d’autorisation des maires.
Ces dispositions répondent aux propositions du MEDEF demandant « d’autoriser les commerces à ouvrir le soir et le dimanche permettrait d’engendrer à terme entre 50 000 et 200 000 emplois nouveaux dans le tourisme, et entre 40 000 et 100 000 dans le commerce et la distribution. »[3] Ces chiffrages concernant les créations d’emploi sont à considérer avec circonspection. En effet, en ce qui concerne le marché national, l’ouverture le dimanche constitue principalement une évolution des périodes de consommations et une réponse à la vente en ligne ou e-commerce. Les budgets dépensés resteront sensiblement les mêmes. L’ouverture le dimanche aura pour effet un transfert de la consommation dans les centres commerciaux et la grande distribution au détriment des petits commerces.
Reste le créneau réel mais assez limité du tourisme commercial qui peut inciter davantage d’européens à venir faire des courses dans les grandes villes françaises, en particulier Paris, lors des week-ends. Ce créneau existe mais il est ciblé sur certains types de commerce, de restaurants et d’hôtellerie.
Le travail le dimanche peut accroitre les salaires des personnels concernés : le travail étant mieux rémunéré le dimanche selon les cas.
Il ne semble pas pouvoir conduire à créer un grand nombre d’emplois, en dehors de niches dans le tourisme et le commerce de luxe.
LES PERSPECTIVES D’ELARGISSEMENT DU TRAVAIL DU DIMANCHE
Sans vouloir faire de procès d’intention, certains arguments des récents discours tenus semblent faire du projet de loi une étape acceptable pour l’Assemblée nationale dans le cadre d’une évolution plus large ayant comme objectif, à termes, une autorisation générale du travail le dimanche.
D’autres entreprises françaises pourraient alors rester ouvertes 7 jours sur 7 pour répondre à la concurrence européenne, notamment via Internet pousserait à une ouverture.
[1] Décret publié le 8 mars 2014.
[2] 2012-075 – En 2011, 29 % des salariés ont travaillé le dimanche de manière habituelle ou occasionnelle – DARES – 29 octobre 2012 – http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2012-075-2.pdf
[3] Pierre GATAZ : « L’enjeu, c’est de profiter du tourisme et de s’adapter aux nouveaux modes de vie. La France est la première destination touristique au monde. Mais elle se situe au cinquième ou au sixième rang en termes de dépenses par personne, notamment parce que les touristes vont à Londres faire leurs courses le dimanche. Ce jour-là, il faut ouvrir les magasins dans certaines zones, sur la base du volontariat et de façon négociée. Même chose pour le travail après 21 heures ». LE MONDE | 24.09.2014 |Propos recueillis par Denis Cosnard et Claire Guélaud
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