LE CODE DU TRAVAIL PEUT ÊTRE MODIFIÉ RAPIDEMENT PAR QUELQUES MESURES PRAGMATIQUES EN FAVEUR DE L’EMPLOI
Contre toute l’effervescence autour de la « révolution » du Code du travail, il est permis de dire « non ».
Un tir groupe a été organisé pour aboutir à une annonce officielle du premier ministre visant à « revoir en profondeur » la réglementation du travail, avec sur une période de quelques mois : la parution d’un opuscule, un rapport public de commande[1], une publication d’une fondation patronale et un think tank proche du parti au pouvoir.
Bien entendu, il existe des mesures à prendre pour faciliter la création de postes : revoir les horaires des emplois à temps partiel, allonger la durée des CDD, etc. et quelques décisions politiques suffisent en la matière sans plus de consultation sans fin.
Des mesures pragmatiques pourraient être adoptées très rapidement pour faire sauter les verrous qui doivent disparaitre sans plus attendre.
Le Code du travail est riche, une telle richesse doit être considérée comme un plus. Même si un toilettage s’impose sur certains points. Le livre est lourd et comporte plusieurs pages dit-on, mais chacun sait qu’il est bien léger en ligne et que l’on trouve ce que l’on souhaite d’un seul clic. Tout entrepreneur le sait.
Le Code du travail est le résultat de l’expérience et il tient compte des multiples cas rencontrés. Repartir à zéro n’est pas sérieux.
Le Code du travail permet déjà beaucoup d’accords d’entreprises (voir accord chez SMART) et beaucoup de possibilités à condition de le connaître ou de se faire conseiller. La question qui de pose serait davantage de former chacun à le consulter et à en user, comme d’ailleurs l’ensemble des lois pour améliorer l’accès aux droits des citoyens. Pourquoi ne pas donner de notion de droit à tous les lycéens, par exemple ? Mais là n’est pas vraiment la question.
CONTOURNER LE CODE DU TRAVAIL PAR DES ACCORDS DÉROGATOIRES D’ENTREPRISE N’EST PAS UNE BONNE PISTE
Le Code du travail a le mérite de tendre à donner à peu près les mêmes règles du travail à tous les salariés auxquels il s’applique. Déjà que l’égalité vis-à-vis du travail n’est pas acquise aujourd’hui entre les salariés du public, du privé ou des entreprises nationales aux régimes spéciaux… Si demain, les règles du travail dérogatoires au Code du travail devaient se définir, entreprise par entreprise, dans tous les domaines cela serait la fin définitive d’une aspiration légitime à aller vers une égalité de traitement entre les gens qui travaillent.
La proposition à l’ordre du jour est qu’« un accord collectif au niveau d’une branche ou d’une entreprise, soutenue par une majorité de syndicats, pourrait déroger à la loi et au règlement ».
L’association des « tueurs » du Code du travail réunit aujourd’hui une organisation patronale, une confédération syndicale et le gouvernement. Mais, chacune des parties a une vision différente de l’objet et du résultat à atteindre, ce qui classe cette convergence dans le registre des « liaisons dangereuses ».
Si l’effacement du Code du travail devait avoir lieu, mais cela n’est pas encore le cas[2], cela irait contre les évolutions du monde du travail et les progrès de ces dernières années dans la protection des parcours.
Creuser des fossés trop profonds (exigences moindres que celles du droit du travail) entre les statuts par entreprise ou par branche, c’est aller dans le sens des inégalités. Cette inégalité actuelle des statuts saute aux yeux quand on voit l’attractivité que conservent, quoiqu’on en lise, des emplois dans les fonctions publiques ou à la SNCF.
Il ne faut certes pas de moule unique, mais il est négatif d’encourager le creusement des écarts entre des secteurs en difficulté (bâtiment à ce jour) et des secteurs en expansion (aéronautique ou numérique aujourd’hui).
LA PRIORITÉ QUI DOIT ÊTRE DONNÉE À LA MOBILITÉ EST PAR NATURE NATIONALE.
Les salariés du privé ont aujourd’hui une perspective, souhaitée ou subie, de mobilité d’entreprise à entreprise et de secteur à secteur tout au long de leur carrière. L’emploi à vie dans la même entreprise n’est plus un modèle, c’est un fait.
Comment l’écart accentué entre les conditions de travail et règles selon les employeurs irait-il en ce sens ?
Au contraire, il semble plus qu’indispensable de se fixer comme priorité la mobilité des salariés du privé, comme dans le public ; et mieux du public vers le privé et l’inverse.
Il est sans doute plus urgent de faire évoluer les statuts des fonctions publiques que le Code du travail. Les rapports de la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction publique comportent déjà toutes les pistes à suivre.
Surmontons la courte vue et privilégions une vision d’avenir qui prenne en compte l’ensemble de ceux qui travaillent et qui demain doivent être plus nombreux à le faire. C’est ce qui va dans le sens de l’intérêt général.
Si une évolution est à mener, c’est celle de l’égalité des salariés et de leur mobilité au sein du monde du travail afin de pouvoir évoluer suite à une formation, un déménagement, une aspiration à changer complètement de profession, tout au long d’une carrière.
Pour marcher vers l’égalité, il faut abroger les régimes spéciaux, mettre en œuvre une mobilité interne aux fonctions publiques, permettre la circulation entre le secteur public et le secteur privé marchand, celui de l’économie sociale ou des statuts d’indépendants et de salariés… et sécuriser les parcours.
Le renoncement à des règles nationales en termes de droit du travail, ou leur réduction progressive, constituerait une grossière erreur.
La priorité qui doit être donnée à la mobilité est par nature nationale. La multiplication des accords dérogatoires au niveau des entreprises ou des branches irait contre cette nécessité.
[1] Rapport présenté au premier ministre, en septembre 2015 par Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail.
[2] La réforme du Code du travail n’a pas été mise à l’ordre du jour de la Conférence Sociale 2015 de cet automne…
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