La méthode choisie risque d’entraîner une incertitude durable sur les évolutions du Code du travail et contribuera à freiner les initiatives et les embauches.
UNE COMPOSITION DE COMITÉ DES « SAGES » CONTESTABLE
La ministre du Travail, de l’Emploi, du dialogue social et de la Formation professionnelle a installé le 24 novembre un « comité des sages », présidé par Robert BADINTER, chargé de réfléchir aux grands principes qui régissent ce droit du travail d’ici à la mi-janvier 2015.
Ce comité est composé, outre l’ancien Garde des Sceaux et ex-président du Conseil Constitutionnel, de trois conseillers d’État, trois magistrats et deux universitaires.
Le caractère « incontestable » de ce comité semble très relatif :
- Le choix de nommer exclusivement des hauts fonctionnaires, dont deux d’entre eux ont déjà émis des avis précis sur cette question dans un opuscule paru au printemps dernier[1], ne peut que surprendre.
- Aucun représentant des employeurs, des salariés, des services de l’emploi ou du travail, ou des avocats et experts en droit social, c’est-à-dire des praticiens du droit du travail, ne participent à ce comité…
UNE RÉÉCRITURE COMPLÈTE DU CODE DU TRAVAIL POUR 2018
Ce comité a pour mission de donner une impulsion à la future réécriture du Code du travail, par une commission spécifique, dans un délai de deux ans. Il doit rechercher des « principes fondamentaux, forcément en nombre limité, consensuels et capables de résister aux alternances politiques », sans que « ces principes ne soient pas tellement généraux et éthérés qu’ils apparaissent comme purement déclaratoires », selon la ministre. Une mission que beaucoup de professionnels qualifient de « mission impossible ».
Le chantier est programmé pour s’achever en 2018 sous un autre quinquennat, avec tous les aléas politiques possibles.
Le cahier des charges de cette réécriture comprend deux axes :
- D’une part : une architecture nouvelle du code comprenant trois « niveaux» :
- L’affirmation « des choses auxquelles l’accord ne pourra pas déroger ».
- Les questions relevant du domaine de la négociation en entreprise ;
- « les dispositions supplétives qui s’appliquent en l’absence d’accord » dans l’entreprise.
- D’autre part, une « philosophie claire consistant à donner beaucoup plus de place à la négociation collective, de branche et d’entreprise ».
Le gouvernement et le président de la République choisissent de renvoyer à la base la négociation sur quelques points, « pour permettre les adaptations souhaitées par les acteurs ».
Il s’agit en clair de s’appuyer sur le rapport de force interne dans chaque entreprise entre directions et salariés, ou leurs représentants, pour surmonter les freins que peuvent constituer les partenaires sociaux représentés au niveau national (partenaires patronaux comme syndicaux).
La question de la possibilité de négociation de ces accords en fonction des secteurs et de la situation économique des entreprises est occultée.
UN PROJET DE LOI SUR LE TEMPS DE TRAVAIL ANNONCE POUR LE COURANT 2016.
Dans l’immédiat, la ministre prépare « sans attendre » un projet de loi pour mars 2016 concernant précisément « le temps de travail » et « la place de la négociation d’entreprise ».
Ce projet de loi préfigure selon le ministère « ce que la future commission sera chargée de faire » sur l’ensemble du Code du travail. Une sorte d’échantillon en quelque sorte.
UNE ANNONCE D’UNE REFORME GLOBALE A LONG TERME DU CODE DU TRAVAIL N’INCITERA PAS LES EMPLOYEURS À PROCEDER À DES EMBAUCHES.
Dans l’immédiat, la méthode choisie risque d’entrainer une incertitude durable sur les évolutions du Code du travail à attendre et contribuera sans doute à freiner les initiatives et les embauches.
Elle tourne le dos à des mesures législatives, prises rapidement de manière à faire disparaitre certains blocages, et dont la lisibilité incite les employeurs du secteur privé à embaucher, quand ils en ont besoin en fonction de leur niveau d’activités.
[1] « Le Travail et la Loi », par Robert Badinter, ancien président du Conseil Constitutionnel et le professeur Antoine Lyon-Caen (Fayard).
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