190 000 OFFRES D’EMPLOI NON POURVUES EN 2015
Pôle emploi vient de publier, fort à propos, une analyse concernant les offres d’emploi non pourvues en 2015[1]. Le service public de l’emploi estime que le nombre des offres non pourvues se chiffre à 190 000, pour la France entière, et des offres déposées, ou non, à Pôle emploi. Ce chiffre reste très marginal par rapport au volume annuel des recrutements réussis.
Ces offres non pourvues correspondent :
- D’une part, à des abandons d’offres réalisées par les employeurs pas trouvés candidat souhaité, et,
- D’autre part, à des offres pour lesquelles aucun candidat n’a encore été retenu, sans pour autant que l’employeur est définitivement abandonné ses démarches de recrutement.
Le nombre des offres annulées s’élève à 43 000 offres par les recruteurs. Les recruteurs abandonnent leur recrutement pour plusieurs raisons : dans 50% des cas parce qu’aucun candidat correspondant aux critères énoncés dans l’offre d’emploi n’a été trouvé ; dans 34% des cas, parce que le besoin a disparu ; dans 16% des cas, car le projet de recrutement est abandonné faute de budget. Les abandons de recrutement, selon Pôle Emploi, concernent « le plus souvent les petits établissements, les établissements du secteur de la construction, les postes de cadre, d’ouvrier qualifié ».
Les autres offres non pourvues restent proposées en attente du bon candidat.
Les raisons de ces difficultés de recrutement sont multiples, réelles et sérieuses. Elles sont à la fois du ressort des employeurs et des chercheurs d’emploi.
DES OFFRES COMPORTENT DES CARACTÉRISTIQUES DIFFICILES À RÉUNIR CHEZ UNE MÊME PERSONNE
Une part au moins de ces offres font figurer une série de critères difficiles à cumuler chez une même personne ou bien des conditions de recrutement touchant au lieu, à la mobilité ou à la rémunération très contraignantes.
Les professionnels de l’emploi savent que parmi les offres émises figurent des profils de « mouton à cinq pattes » dont il est peu probable de voir le recrutement aboutir. Pour l’anecdote, citons le cas d’une société pétrolière qui avait émis une offre de recrutement d’un ingénieur, parlant couramment russe et plongeur sous-marin professionnel.
Sans atteindre des demandes aussi précises, de nombreuses offres continuent à cumuler des exigences difficiles à satisfaire.
Les opérateurs de l’emploi, ou les cabinets de recrutement présentent alors aux employeurs des candidats ne disposant pas des qualités demandées, mais ces profils ne sont pas forcément pris en compte par les directions des ressources humaines des entreprises concernées. La tendance générale est à la multiplication des exigences figurant dans les offres des entreprises. Elle se nourrit des possibilités ouvertes par le recrutement en ligne qui permet de préciser, parfois à outrance, les demandes correspondants au poste à pourvoir.
DES EMPLOYEURS NE METTENT PAS EN PLACE LES MOYENS NÉCESSAIRES À UN RECRUTEMENT.
Au-delà des conditions figurant dans les offres, la seconde question qui se pose fréquemment concerne la solvabilisation des recrutements. Dans de nombreux cas, des employeurs ne sont pas prêts à dépenser des sommes nécessaires pour mener à bien recrutement. Or, chaque recrutement a un coût direct ou indirect, correspondant au temps passé.
La publication des offres sur le site de Pôle Emploi est pourtant gratuite tout comme celle sur de nombreux sites internet privés. Mais, par contre, la publication d’offres de recrutement dans la presse quotidienne régionale est payante.
Pour illustrer ce propos, disons que « Chiffrer la dépense à prévoir pour un recrutement à un mois de salaire de la personne à recruter » choque encore beaucoup d’employeurs.
Souvent le temps nécessaire à consacrer au recrutement (rédaction et diffusion de l’offre, sélection des CV, réalisation des entretiens et des démarches administratives) n’est même pas programmé par certains employeurs, en particulier dans le cas de petites structures et parfois même dans de grandes entreprises.
DES SECTEURS ET DES MÉTIERS RESTENT PEU ATTRACTIFS
Il reste évidemment un certain nombre de secteurs ou de métiers sur lesquels les recrutements sont effectivement plus difficiles, dans la mesure où leur attractivité est faible en partie pour des raisons de représentation sociale.
Citons, par exemple, le cas des entreprises du funéraire qui connaissent des difficultés de recrutement de personnel qualifié, disposant d’un niveau de formation suffisant, pour mener à bien ses missions, alors que ce secteur d’activité prospère. On peut aussi citer le cas de certains métiers dans des branches industrielles pour lesquels il est difficile de recruter des apprentis en vue d’occuper ultérieurement des postes d’ouvrier spécialisé.
Les récentes études de la DARES sur « Les tensions sur le marché du travail au 4e trimestre 2015 »[2], qui mesurent les difficultés de recrutement par branche professionnelle, sont loin de laisser apparaitre une réelle émergence de nouvelles difficultés de recrutement en 2015.
L’AFFIRMATION DE CENTAINES DE MILLIERS D’OFFRES NON POURVUES DANS UNE RÉGION EST INEXACTE
Pôle emploi publie également une estimation du nombre d’offres non pourvues par région[3], dont 38 000 en Île-de-France ou près de 9 000 en région Picardie-Nord-Pas de Calais.
Ce chiffrage oppose crûment la réalité des chiffres à certains discours politiques annonçant des centaines de milliers d’offres non pourvues.
Ces affirmations inexactes ont sans doute pour but de convaincre qu’une nouvelle organisation, sous le contrôle de la région, s’impose pour mieux mettre en relation chercheurs d’emploi et recruteurs.
Plus généralement, pour caricaturer, on peut dire que de nombreux politiques ou journalistes entretiennent « le rêve d’un matching entre offres et demandes grâce à des algorithmes géniaux mis au point par une start-up, dans un garage ».
Ces affirmations proviennent, sans doute, de personnes peu informées, et ne correspondent pas à la réalité.
De nombreuses initiatives ont été développées dans le secteur de la formalisation et de la diffusion des offres d’emploi depuis des années. Il reste évidemment des progrès à concrétiser, en particulier sur les nomenclatures et le référencement des données[4], mais cela n’apportera pas un remède à la stagnation actuelle du marché de l’emploi.
Les affirmations publiques d’un important stock d’offres d’emplois non pourvues conduisent à mettre en cause la responsabilité des demandeurs d’emploi, en particulier des demandeurs d’emploi indemnisés par l’assurance chômage. Ceux-ci sont présentés comme refusant de prendre et d’occuper des postes proposés par les recruteurs. Cet argument nourrit à tort une suspicion générale l’égard des demandeurs d’emploi.
[1] Source Pôle Emploi – Actualités – Les offres non pourvues – 24/02/2016 – http://www.pole-emploi.org/actualites/les-offres-non-pourvues-@/543/view-article-139756.html
[2] DARES – Les tensions sur le marché du travail au 4e trimestre 2015 – publié le 26.02.16 – Études et Synthèses Demandeurs d’emploi. « Au 4e trimestre 2015, l’indicateur de tension sur le marché du travail, qui rapporte les offres d’emploi collectées par Pôle emploi aux entrées à Pôle emploi en catégories A, B et C, progresse légèrement (+1 %). » (…) « Ce trimestre, l’indicateur reste cependant inférieur de 24 % à sa moyenne de longue période, et de 2 % par rapport au point bas atteint lors du creux conjoncturel du 1er trimestre 2009. »
[3] Le nombre d’offres d’emploi non pourvues par région est le suivant : « Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine : 12 700 ; Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin ; 15 900 ; Auvergne-Rhône-Alpes : 28 200 ; Bourgogne-Franche-Comté : 7 700 ; Bretagne : 11 900 ; Centre-Val-de-Loire ; 7 500 ; Corse : 800 ; Ile-de-France : 38 300 ; Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées : 15 500 ; Nord-Pas-de-Calais-Picardie : 8 900 ; Normandie : 7 800 ; Pays de la Loire : 12 200 ; Provence-Alpes-Côte d’Azur : 20 500 ; DOM : 3 200. »
[4] La question de la formalisation du contenu des offres et des profils mérite à lui seul un long article.
Pas de commentaire sur “Pourquoi l’affirmation d’un très grand nombre d’offres d’emploi non pourvues est inexacte ?”