Le contenu des ordonnances ne mérite ni tant d’honneur ni tant de haine que ne le laissent imaginer les discours, d’une part, du gouvernement et, d’autre part, de la gauche de la gauche syndicale ou politique. Les mesures sont désormais connues, mais on doit attendre les textes réglementaires et l’application concrète, qui sera faite des textes par les employeurs au cours des années à venir, pour avoir une idée précise sur ces nouvelles dispositions.
Il est permis de s’interroger sur l’impact de l’application des ordonnances modifiant le Code du travail sur le nombre des emplois en France. Les précédentes lois sur ce sujet n’ont pas un réel impact sur l’emploi. De même que, dans un autre ordre d’idées, la mise en place du CICE[1]. La croissance du nombre des emplois salariés dans le secteur privé sur cette dernière année tient principalement à l’élévation du taux de croissance qui reste modeste. La qualité des emplois créés, avec une part importante de l’intérim et des CDD, témoigne malheureusement de la fragilité de la situation.
PERSONNE NE CROIT QUE LES ORDONNANCES PUISSENT AVOIR UN EFFET DIRECT SUR L’EMPLOI
La ministre du travail elle-même affirme à juste titre que : « Le droit du travail c’est pas une baguette magique par rapport au chômage… »
Les organisations syndicales de la CFE-CGC à la CGT affirment clairement que ces modifications du Code du travail n’auront aucun effet sur l’emploi.
Les organisations patronales n’ont pas évoqué des intentions d’embauches chiffrées en regard de l’adoption de cette loi. Le flou reste de mise même au niveau du gouvernement sur ce point[2].
Les ordonnances ne contiennent pas de réformes structurelles, en dépit de ce que disent certains pour des raisons opposées : soit pour vanter les mesures adoptées, soit pour les combattre. Le droit du travail demeure en l’état.
Les mesures concernant la répartition des compétences entre état, branches et entreprises, l’unification des instances du personnel ou les évolutions des conditions de licenciement ne devraient pas avoir un impact direct sur de potentielles embauches.
Si telle mesure, adoptée au niveau de la branche ou de l’entreprise, facilite la vie de l’entreprise ou permet de faire évoluer les règles du travail pour s’adapter aux changements internes comme de contexte, tant mieux. Mais, on se trouvera, avant tout, dans le cadre d’une contribution à la sauvegarde de l’emploi de l’entreprise au travers d’une amélioration de son organisation et de sa productivité.
Cynisme peut-être, mais il est permis de se demander si davantage d’accords de branches et combien d’accords d’entreprise[3], que les années précédentes, seront pris concrètement d’ici à septembre 2018.
C’est-à-dire que les portes proposées par la loi, et le règlement ne seront, très généralement, pas ouvertes du fait des équilibres du « dialogue social » au niveau du terrain. Il y aura sans doute quelques beaux accords à faire valoir (comme cela déjà été le cas par le passé), mais pas de raz de marée. On se trouve aujourd’hui avec l’adoption des ordonnances face à un faux semblant, faute de la volonté du gouvernement de prendre des mesures nationales de portée générale concernant le temps de travail, les heures supplémentaires, la durée des CDD, etc.
Rappelons enfin que de nombreuses réformes potentielles ont été écartées, depuis la version initiale du projet.
Des mesures ont été abandonnées par des ajustements successifs, pour permettre une acceptation implicite, avec de sérieuses réserves, par une part de certaines confédérations syndicales (CFTC, CFDT, FO). Les organisations syndicales sont directement concernées par la suite des réformes promises[4].
LA COMMUNICATION SUR LES ORDONNANCES PEUT-ELLE PARTICIPER A LA CONFIANCE DES INVESTISSEURS ?
Sur le plan de l’emploi, l’adoption de cette loi pourrait contribuer à développer la confiance d’investisseurs français, et surtout étrangers, dans le cadre d’une modernisation de notre système social. Il s’agit là d’une opération de communication sans changement structurel de système dont il reste à espérer un impact indirect sur l’emploi à moyen terme… L’avenir seul pourra permettre de juger de l’impact de cette opération de communication.
IL EST A CRAINDRE QUE DE NOUVELLES POLITIQUES PUBLIQUES INDUISENT UNE DIMINUTION DU NOMBRE DES EMPLOIS
Dans les associations avec la suppression de contrats aidés, la baisse des subventions publiques aux associations, la diminution du volume des dons déductibles de l’ISF…,
Dans le secteur de la construction avec la baisse des investissements publics, la diminution des APL, la réduction des incitations à l’investissement dans le logement locatif (Pinel, PTZ), la mise en place de l’ISI,…,
Dans les collectivités locales avec la suppression de contrats aidés, la diminution des financements, la baisse non compensée de la taxe d’habitation …,
[1] Le CICE est maintenu, une fois de plus, de préférence à la réduction des cotisations sociales qui avait été initialement promise.
[2] La ministre du Travail admet, à juste titre, que, « la croissance n’est pas assez riche en emplois ». Elle affirme, dans un amalgame un peu surréaliste, qu’il faut « agir sur plusieurs leviers : le code du travail, la formation professionnelle, l’apprentissage, le pouvoir d’achat et ensuite la réforme des retraites » (…). La ministre du travail vient d’ailleurs de déclarer que cette loi « va contribuer à faire reculer le chômage de masse ». Mais qu’« elle ne peut pas le faire reculer à elle seule. Le droit du travail c’est pas une baguette magique par rapport au chômage, mais c’est indispensable. »
3 Beaucoup d’accord d’entreprise sont actuellement signés chaque année.
[4] Les organisations syndicales sont directement concernées par la loi et la suite des réformes promises.
La CGT et Solidaires ! s’opposent frontalement aux textes des ordonnances relatives au Code du travail, avec le soutien de la FSU et de l’UNEF, et organisent des manifestations et des actions sur le terrain (blocage des raffineries, etc.).
La position attentiste des autres organisations syndicales s’explique par la perspective de pouvoir peser sur les réformes à venir de l’assurance chômage, de l’apprentissage et de la formation.
En effet, ces prochaines réformes annoncées font courir aux partenaires sociaux des risques de mise à l’écart au travers de mesures comme la nationalisation de l’Unedic, la suppression du rôle des intermédiaires dans l’accès à la formation professionnelle, le transfert de l’apprentissage aux lycées professionnels et aux universités, etc.
Le renvoi par le gouvernement du calendrier de l’adoption de ces mesures à l’été 2018 vise à éviter que les débats aient lieu dans le même temps, alors que pour les partenaires sociaux, il s’agit bien d’un ensemble.
Autre élément de contexte syndical : la mobilisation de l’ensemble des fédérations de fonctionnaires contre la politique du gouvernement va déboucher sur une première journée d’action en octobre concernant le gel du point d’indice, le mode de compensation de la hausse de la CSG, la diminution des effectifs (120 000 suppressions de poste programmées), la réduction des budgets dans certains secteurs (pour la fin 2017 et par le projet de loi de finances 2018), le projet de mise en place d’un nouveau système de retraites universel, etc.). La tension au niveau des fonctionnaires va également marquer le paysage syndical et l’opinion.
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