Sans trop entrer dans le détail de l’évolution de la situation de l’Agence pour la Formation Professionnelle des Adultes (AFPA)[1] durant ces dernières années, il semble que les perspectives restent préoccupantes.
Créée en 1949[2], l’Afpa a été touchée par le transfert de la commande publique aux régions en 2004 et par l’ouverture du marché à la concurrence en 2009, elle a été très proche de la cessation de paiement en 2012.
Pour assurer sa pérennité, l’association a été transformée en Établissement Public industriel et commercial (Epic) en mars 2017[3]. Ce plan devrait être complété début 2018 par la mise en place de deux filiales commerciales.
UNE SITUATION DE CRISE DEMEURE À L’AFPA
Les six syndicats de l’AFPA (CGT, CFDT, FO, SUD, CFE-CGC et CFTC) font corps au sein d’une intersyndicale pour dénoncer la réduction annoncée des activités du premier organisme français de formation professionnelle[4].
Le budget prévisionnel 2018 de l’AFPA prévoit en effet une diminution de 6% par rapport à 2017 (de 727 millions à 683 millions d’euros)[5]. Les charges de personnel seraient en baisse de près de 8% par rapport à 2017.
En octobre 2017, le président de l’AFPA, Yves Barou[6], nommé en 2012, a démissionné de la présidence du conseil d’administration de l’EPIC pour des « désaccords stratégiques » avec l’exécutif portant notamment sur le « modèle économique ». Il a été remplacé par Jean-François Verdier, Inspecteur des Finances et ancien Directeur général de l’Administration et de la fonction publique, qui a fait toute sa carrière dans la haute fonction publique.
L’AFPA A VU SON PÉRIMÈTRE SE RÉDUIRE PROGRESSIVEMENT
Ses effectifs ont fondu en passant de plus de 10 000 salariés avant 2010 à moins de 8 000[7]. Le nombre de demandeurs d’emploi formés par l’Afpa serait passé de 120 000 en 2008 à 69 000 en 2015. Le plan « 500 000 formations » supplémentaire au profit des demandeurs d’emploi n’a pas beaucoup bénéficié à l’AFPA.
L’AFPA A POURTANT UNE PLACE LÉGITIME PARMI LES ACTEURS DE LA FORMATION
La question de l’avenir de l’AFPA s’invite donc dans le débat de la réforme de la formation professionnelle programmée pour 2018.
L’AFPA semble avoir une place légitime dans l’ensemble du système de formation professionnelle, en particulier dans des opérations de formation ne relevant pas, d’une manière ou d’une autre, des règles de la concurrence.
L’AFPA ne peut se positionner face à des offres de formation à bas cout d’organismes souvent éphémère. La logique des marchés a conduit la plupart des organismes de formation à des marges trop réduites pour mener « un développement en vue de répondre aux enjeux en rapport avec les mutations technologiques« . Le critère « prix » ne suffit pas dans le domaine de la formation professionnelle.
La vocation de l’AFPA est à la fois de conserver une capacité de formation sur des compétences « traditionnelles » (au niveau des métiers de la production), ou même rares[8], et à l’opposé de proposer des formations de pointe dans des métiers (par exemple du numérique…) ou l’offre est à construire et faire évoluer de manière permanente. Elle a aussi vocation à proposer des demandeurs d’emploi un ensemble comprenant formation, accompagnement personnel et tutorat (dans un service qui dépasse le cadre strict de la formation).
Ce projet pour l’AFPA est difficilement compatible avec la réduction annoncée des moyens qui conduit rapidement à sa disparition ; cette issue déboucherait sur la perte d’un potentiel national de formation.
LE RÔLE DES OPÉRATEURS PUBLICS DANS LA FORMATION PROFESSIONNELLE DOIT ÊTRE PRÉCISÉ PAR LA RÉFORME EN PRÉPARATION
Plus généralement, la place et le rôle des opérateurs publics dans l’ensemble de la formation professionnelle restent aujourd’hui à définir.
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Quelles relations imaginer avec le secteur privé de la formation professionnelle soit associatif, soit marchand ? Concurrence ou non ?
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Quel rapport mettre en œuvre entre les différents acteurs du service public de l’emploi ? Le président démissionnaire avait eu l’occasion de mettre en cause la concurrence de l’AFPA avec les Greta[9] (relevant du ministère de l’Éducation nationale) et la mauvaise coordination avec Pôle emploi.
Ces questions restent posées.
[2] Décret Ambroise Croizat du 9 novembre 1946.
[3] L’AFPA n’avait pas vocation à intégrer le secteur marchand.
[4] (…) « Au lieu d’aller vers le développement de l’activité, son élargissement au service global des publics accueillis et au financement des moyens nécessaires pour répondre aux besoins et à la demande des personnes, la seule solution mise en avant pour le retour à l’équilibre économique, c’est la réduction des charges avec au programme : la fermeture de formations ; la fermeture de centres ; des suppressions accrues d’emplois » (…). Communiqué intersyndical aux salariés.
[5] Les financements des Conseils Régionaux devraient connaitre en 2018 une baisse de 66M€ par rapport à 2017. Les différences de relations entre l’AFPA et les différents Conseils régionaux ont déjà eu des conséquences graves pour cet organisme national de formation.
[6] Yves Barou est ingénieur polytechnicien et docteur en économie. Après avoir collaboré au ministère des Finances, puis de l’Emploi et de la Solidarité, il a été DRH de Rhône-Poulenc, puis de Thales. Son expérience de l’entreprise et de ses contraintes est avérée. Nommé en 2012, il avait été confirmé à ce poste en 2016.
[7] « Nous constatons qu’il y a eu beaucoup plus de départs que prévu en 2017 : 436 départs de CDI et 455 départs de CDD. » (Réunion du CCE de décembre 2017)
[8] Pour redémarrer des activités artisanales ou industrielles en France dans des domaines qui ont été victimes de délocalisations. Il s’agit de la conservation des savoir-faire qui apparaissent indispensables dans l’intérêt économique général.
[9] Les « Greta » sont des groupements d’établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) qui fédèrent leurs ressources humaines et matérielles pour organiser des actions de formation continue pour adultes. Les Greta font partie du Ministère de l’Éducation nationale. Ils sont nés de la loi du 16 juillet 1971 sur « l’organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente ».
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