Des médias se font régulièrement l’écho de difficultés que connaitraient des entreprises à recruter. Ces propos débouchent implicitement sur une mise en cause des demandeurs d’emploi qui « ne voudraient pas réellement travailler ». Globalement la réalité est bien différente.
SEULES 5% DES OFFRES D’EMPLOI NE SONT PAS POURVUES
Le directeur général de Pôle emploi vient de donner, dans la presse[1], une estimation des offres d’emploi non pourvues :
« Moins de 5 % des offres déposées chez nous au premier trimestre 2017 ont été annulées faute de candidats, soit 150 000 offres concernant Pôle emploi. Si l’on extrapole aux autres plates-formes, la fourchette va de 200 000 à 330 000 offres par an. Ce chiffre est sûrement sous-estimé. Des TPE-PME ne vont même pas recruter sachant qu’elles ne trouveront pas de candidats. »
Il précise les métiers concernés : « aides à la personne, métiers de la restauration et du transport, cadres informatiques, certains profils dans l’industrie comme les chaudronniers. »
Ces chiffres relativisent les déclarations de responsables politiques ou patronaux sur « le grand nombre de postes vacants » dont la mention entretiet une polémique à l’encontre des chômeurs.
CES ABANDONS DE RECRUTEMENT ONT DES CAUSES DIVERSES
Le chiffre de 5% apparait réaliste d’autant qu’il cumule des cas assez différents :
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Des emplois à temps partiel, et souvent de courte durée, dans le cas de l’aide à la personne et de la restauration et du transport (parmi lesquels des « contrats courts »),
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Des emplois où le développement des besoins et des compétences se heurte à des pénuries sur certaines spécialités, à un moment donné, compte tenu de l’évolution rapide des nouvelles technologies, il existe alors une sorte de « course à la formation »,
-
Des métiers ouvriers ou artisanaux dans des spécialités ou le potentiel humain a diminué au travers des reconversions liées au recul des effectifs dans l’industrie.
Ce diagnostic est évidemment u peu réducteur.
D’autres éléments très classiques interviennent évidemment dans des difficultés de recrutement, difficultés qui peuvent être bien réelles dans certains cas, tel que :
- La localisation des postes (dans les quartiers « défavorisés » ou en zone rurale),
- La rémunération du travail (par rapport aux salaires habituellement pratiqués),
- Les conditions de travail (horaires, etc.),
- La réputation de l’employeur (élément peu contrôlable, mais bien réel),
- Le non-recours de l’entreprise à une ou des intermédiaires de l’emploi,
- etc.
Pour caricaturer, il y a moins de difficulté à recruter en CDI à un bon salaire dans une métropole qu’en zone rurale à un bas salaire pour un travail de nuit.
L’AUTOCENSURE DE RECRUTEMENT PEUT ÊTRE RÉDUITE
La déclaration sur le fait que des PME abandonneraient des projets de recrutement « sans même déposer une offre » peut correspondre à des cas concrets, mais cette autocensure au niveau du recrutement s’explique en partie au moins par des raisons propres à l’entreprise :
- Pas de capacité interne de recrutement en interne,
- Une absence de temps du chef d’entreprise,
- L’absence d’engagement d’un budget de recrutement,
- Un retard dans le lancement du recrutement[2],
- Parfois des offres d’emploi, dont le cumul des critères conduisent à un profil proprement introuvable,
- etc.
Pour parler franchement, un responsable d’entreprise sait engager les moyens nécessaires pour recruter quand il a vraiment besoin d’un collaborateur pour réaliser le travail dont il a la commande. À de rares exceptions près, le marché du travail fonctionne bien. Il existe évidement des exceptions à ce propos.
RÉDUIRE LES FREINS AUX RECRUTEMENTS RESTE UN OBJECTIF
Il est sans doute possible de réduire cette réserve d’emplois non pourvus, même si l’objectif de « zéro poste non pourvu » est illusoire.
Les acteurs de l’emploi : publics, associatifs et privés s’y emploient déjà et peuvent chercher à améliorer leurs démarches.
Le plus gros de l’effort semble devoir porter sur les employeurs de toutes tailles. Les employeurs, qui sont fragiles dans leur procédure de recrutement, pourraient se poser au moins deux questions : d’une part : « Pourquoi je recrute ? » ou « pourquoi je ne recrute pas ? » et d’autre part : « Comment je recrute ? ».
Les réponses à ces questions peuvent déboucher sur des créations d’emploi …
RAPPEL : recruter un salarié prend du temps et représente un coût significatif, quel que soit son poste. Ne pas engager les moyens nécessaires à un recrutement conduit l’employeur, ou le recruteur, à des déceptions, puis à l’allongement du temps de recrutement et, finalement, à en augmenter le cout. Par ailleurs, comme le recrutement est loin d’être une science exacte, au final, il arrive régulièrement des incidents dans les recrutements. Rejeter la faute sur les candidats n’est pas une bonne approche.
[1] « Chaque année, plus de 300 000 offres d’emploi sont annulées faute de candidats » – LE PARISIEN – 15 janvier 2018.
[2] Par exemple, un cas fréquemment rencontré est celui de l’absence de remplacement d’une salariée partant en congé maternité, l’entreprise abandonne le recrutement parce qu’elle s’y est pris trop tard, qu’il n’y a pas eu de passage de flambeau possible, que l’on va faire l’économie de 4 mois de salaires, etc.
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