Tout le monde souhaite un développement de l’apprentissage parallèlement à la formation initiale des jeunes. Encore faut-il bien comprendre les données du problème.
L’APPRENTISSAGE STAGNE ENCORE A UN NIVEAU BAS
La baisse, puis la stagnation, du nombre de jeunes en apprentissage tient en grande partie aux règles qui l’encadrent (conditions financières). Mais aussi, au fait que les secteurs traditionnels d’accueil des apprentis sont ceux de la production et que l’industrie et la construction ont connu des diminutions d’effectifs jusqu’en 2017.
Au total en 2016[1], 289 000 nouveaux contrats d’apprentissage ont été signés, principalement dans le secteur privé 275 000. Cela représente une hausse de 1,9 % par rapport à 2015.
La DARES précise que « l’augmentation en 2016 repose sur les embauches d’apprentis en formation de niveau bac + 2 ou plus dans des entreprises de 10 salariés ou plus (+5,6 %) ».
Le développement de l’apprentissage dans le secteur public est resté à un niveau très marginal (13 400 contrats signés sur 2016), en dépit des injonctions publiques. Son développement n’apparait plus comme une solution.
Selon des données provisoires du ministère du Travail, le nombre de nouveaux contrats, signés en 2017, serait en hausse de 2,2% des nouveaux contrats ; 280 700 jeunes auraient signé un contrat d’apprentissage dans le privé (+5 300, +1,9%) et 14.400 dans le public (+1 100, +7,9%).
Le nombre total d’apprentis en cours de contrats serait de 421 700 apprentis à fin 2017, contre 412 200 à fin 2016 (+2,3%). Compte tenu de la proportion des abandons de plus de 28% des contrats signés, ce dernier chiffre théorique est sans doute bien supérieur à la réalité.
LA CROISSANCE DE L’APPRENTISSAGE REPOSE SUR DEUX CHOIX POLITIQUES
Les progrès de l’apprentissage reposent pour une part importante sur le centrage des efforts principalement sur deux publics distincts :
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Celui des étudiants du supérieur qui peuvent avoir recours à l’apprentissage pour poursuivre leurs études, d’une part, pour des raisons sociales (souhait de disposer d’un contrat de travail et d’une rémunération) et, d’autre part, pour des raisons de préférence (alléger le poids du cursus pédagogique).
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Celui des collégiens et des lycéens en bac professionnel (principalement) à qui l’apprentissage doit être présenté comme un choix positif, par opposition à un parcours en formation initiale.
Cela suppose des décisions politiques dans ces deux domaines.
La première serait d’affirmer la volonté de développer l’apprentissage dans l’enseignement supérieur et de ne pas le limiter aux niveaux infra bac. Sur ce sujet, il faut savoir qu’il existe un débat depuis fort longtemps.
Il faut accepter qu’une part significative des financements de l’apprentissage aille à des formations post bac : des BTS ou DUT jusqu’à des master2. Or il est clair qu’un apprenti en école d’ingénieur coute plus cher à l’apprentissage qu’un jeune préparant un CAP ! Il faut l’accepter.
Le ministère du Travail et le ministère de l’Enseignement supérieur ne tiennent historiquement pas le même discours à ce propos[2] ; il faudrait trancher.
La seconde est de confier le guidage, ou l’orientation des jeunes, entre les CFA et les lycées professionnels à un acteur indépendant[3].
Pour développer l’apprentissage infra bac, il faut accepter de voir les effectifs des lycées professionnels diminuer, voire que des sections ou des établissements ferment. Personne jusqu’à lors n’a voulu prendre cette décision politique.
Un accord sur ce point entre le ministère du Travail (pour l’apprentissage) et le ministère de l’Éducation nationale (formation initiale) devrait être formalisé pour que l’apprentissage progresse…
Cette double approche, de nature politique, apparait comme un préalable nécessaire à la mobilisation des entreprises d’accueil des apprentis comme du recrutement des jeunes vers l’apprentissage.
Les débats actuels sur la gouvernance, le niveau des financements ou quelques simples ajustements sont importants, mais ne suffiront probablement pas au développement de l’apprentissage.
[1] “L’apprentissage en 2016. Une stabilisation des entrées dans la construction après sept années de baisse.” Dares résultats, septembre 2017.
[2] Quant à la motivation du côté « enseignements supérieurs », il faut reconnaitre qu’elle est souvent davantage d’ordre budgétaire (gagner des nouvelles ressources) que d’ordre pédagogique. La formation initiale reste reine…
[3] Cet acteur indépendant pourrait être un Service public de l’orientation indépendant (au-delà de l’Onisep qui promeut essentiellement des cursus de formation initiale) ou une structure associative nationale indépendante des intérêts des parties concernées. Un nouvel acteur semble en tous cas nécessaire pour faire évoluer les choses.
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