LA NÉGOCIATION SUR L’ASSURANCE CHÔMAGE EST SUSPENDUE
Suite aux très récentes déclarations du président de la République sur l’application d’un système de bonus-malus sur les cotisations d’assurance chômage pour le recours fréquent aux contrats de moins d’un mois (dits « contrats courts »)[1], la CPME a annoncé son retrait de la négociation de la convention de l’assurance chômage. Elle a été suivie par le Medef[2] et l’U2P. La négociation est donc « suspendue ». Les négociateurs patronaux nationaux se sont trouvés contraints de se retirer pour respecter la volonté de leurs mandants au niveau de branches et d’entreprises.
Le problème posé par le cout de ces « contrats courts » repose sur le très sérieux déséquilibre entre le montant des cotisations perçues (sur ces contrats) et celui des indemnisations chômages versés[3].
Cette intervention politique sur une négociation sociale en cours apparait malheureuse dans la mesure où elle vient bloquer un processus de dialogue social, certes difficile, mais effectif entre partenaires sociaux avec plusieurs séances programmées. Sachant que le principe d’un système de ce bonus-malus ne figurait d’ailleurs pas, volontairement, dans la lettre de cadrage du gouvernement.
Cette déclaration donne un contre-exemple significatif de la prise en compte d’une consultation organisées dans la période du « grand débat » qui vient de débuter.
Le gouvernement devrait, sauf surprise toujours possible, reprendre la main sur l’écriture de la convention d’assurance chômage dans les semaines qui viennent.
Les jeux semblent faits, la promesse programmatique de Macron va être mise en place[4].
Le plus important reste désormais de connaitre avec précision le détail de ce système de bonus-malus, encore tout à fait imprécis, pour en prévoir les conséquences.
QUELS TAUX DE COTISATIONS CHÔMAGE SERONT MIS EN PLACE ET SOUS QUELLES CONDITIONS ?
La question se pose en effet de savoir
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Quels taux de cotisations chômage seront mis en place[5]?
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Sous quelles conditions ? Selon le taux de cotisation relevé retenu, la mesure peut être soit anecdotique, soit avoir de réelles conséquences en termes de suppression d’emplois. Dans ce dernier cas, on imagine qu’un employeur jugerait trop couteux le recours à des personnels supplémentaires par rapport à un surcroit d’activité.
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Comment évaluer le taux de rupture de contrat de travail ?
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La durée des CDD concernés reste encore incertaine dans l’attente de la durée du « contrat court » : durée d’un mois, de plus, de moins…
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Les contrats de Travail Temporaires seront-ils impactés, comme cela parait devoir être le cas ? et, si oui, quel est l’avenir de l’intérim ?
Ce qui est acquis est que les malus devront être plus importants que les bonus[6], dans la mesure où l’objectif sera d’augmenter les cotisations à l’Unédic de l’ordre de 2 milliards d’euros par an.
Le cout du travail augmentera donc pour une part des entreprises dans des domaines comme la grande distribution, l’hôtellerie-restauration, les transports, etc.
COMMENT PRÉVOIR LES CONSÉQUENCES GLOBALES DU MALUS SUR L’EMPLOI ?
La première question qui se pose est de savoir à partir de quel seuil de cotisation chômage, la baisse du nombre des contrats supprimés pourrait devenir assez importante pour entrainer une baisse du montant des cotisations chômage perçu[7]. C’est-à-dire que dans cette éventualité le malus conduirait à un effet contraire à celui recherché (collecte de cotisations supplémentaires) pour devenir contre performant : davantage d’indemnisations à prendre en charge.
La seconde question consiste à savoir quel sera le cout induit par la réduction des droits à indemnisation chômage, car il y aura obligatoirement un impact budgétaire sur le système de « remplacement » constitué par l’ASS (et son système de remplacement) et le RSA.
A ce propos, nombre d’experts pensent que tous ces calculs n’ont pas été menés de manière globale (en cumulant à la fois recettes de cotisations, frais d’indemnisation et aides de solidarité) et que l’affichage politique, issu d’une promesse du programme présidentiel prime sur la réalité.
Posons pour donner des exemples, trois questions !
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La recette découlant de l’augmentation de la CSG correspond-elle plus ou moins au montant des cotisations salariales supprimées ?
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Qui a chiffré le coût en indemnisation chômage et en allocation de solidarités (RSA…) la suppression du financement de plus de 300 000 contrats aidés ?
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Qui a chiffré, en son temps, le cout pour l’assurance chômage du passage de l’âge de la retraite de 60 à 32 ans et de l’allongement de la durée des cotisations pour une retraite pleine à 42,5 ans ?
UN RISQUE RÉEL EXISTE DANS LA MISE EN PLACE D’UNE TELLE MESURE. IL FAUT PESER LES CHOSES ET NE PAS JOUER A L’APPRENTI SORCIER AU RISQUE DE VOIR DISPARAITRE DES CENTAINES DE MILLIERS D’EMPLOI.
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Les arguments qui figurent dans ce Billet ne doivent pas inciter à l’immobilisme, tout au contraire, mais à la prudence. Il semble nécessaire d’attirer sérieusement l’attention sur le fait qu’il faudrait raisonner en « budget global » et non basiquement par ligne budgétaire, faute de quoi il est possible de jouer comme cela a pu déjà être le cas à la politique de l’apprenti sorcier.
[1] Le 24 janvier, dans la Drôme, le chef de l’État a réaffirmé sa volonté de réguler les contrats courts par le bonus-malus : « Les entreprises qui ne prennent que des intérimaires, en quelque sorte, elles s’habituent à prendre des gens qu’elles ne vont pas former dans l’entreprise » (…) « Elles externalisent la précarité ». Et ces abus coûtent deux milliards d’euros à l’Unédic, qui gère l’assurance chômage.
[2] « Dans ces conditions, le Medef constate qu’il n’est pas en situation de poursuivre la négociation sans une clarification préalable du gouvernement sur la suite qui serait donnée à un accord entre partenaires sociaux » – Medef. La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) explique qu’elle « se refuse à cautionner une nouvelle forme de taxation des entreprises qui créent des emplois ».
[3] En 20 ans, les CDD de moins d’un mois auraient été multipliés par 2,5. Cela correspond à un surcoût de l’ordre de deux milliards d’euros pour l’Unedic.
[4] « Nous instaurerons un système de bonus-malus sur les cotisations d’assurance chômage. Les employeurs qui entretiennent la précarité par un recours excessif aux contrats courts paieront plus, ceux qui créent des emplois stables et pérennes paieront moins. » – Le programme d’Emmanuel Macron le travail et l’emploi – Permettre à chacun de vivre de son travail.
[5] Le taux est actuellement de 4,05%.
[6] La CGT souhaite imposer aux entreprises un malus sans bonus.
[7] La position du MEDEF est la suivante : « La conséquence de la taxation, ce sera qu’il n’y aura tout simplement pas d’embauche. C’est une vision punitive de l’économie »
Un commentaire to “Comment un apprenti sorcier s’apprête à jouer au bonus-malus sur les contrats courts ?”
1 février 2019
huguetteil faut vraiment réguler les contrats courts trop abusifs : pour toute la société, la précarité de l’emploi engendré par ces emplois très courts ou indépendants plus ou moins fictifs constitue un facteur de risque supplémentaire aussi bien physique que psychologique : http://www.officiel-prevention.com/protections-collectives-organisation-ergonomie/psychologie-du-travail/detail_dossier_CHSCT.php?rub=38&ssrub=163&dossid=552