L’AVENIR DU TRAVAIL DÉPENDRA DES CHOIX DE POLITIQUES PUBLIQUES
Dans son rapport sur les « perspectives de l’emploi 2019 »[1], l’organisation de coopération et de développement économique (OCDE) précise ses analyses précédentes et estime que :
« L’avenir du travail dépendra en grande partie des choix de politiques publiques opérés par les pays ».
Elle identifie plusieurs problèmes généraux.
« Sans une politique adaptée, certains sont laissés de côté : les jeunes, les individus peu qualifiés et les femmes, ceux qui ont un emploi temporaire ou à temps partiel, un contrat « zéro heure » ou qui travaillent « à la demande », les travailleurs indépendants qui ont un client prépondérant. »
Ces considérations peuvent faire débat, car elles posent la question de la responsabilité respective des gouvernements et du secteur privé dans la gestion des emplois privés.
L’AVENIR DU TRAVAIL SE JOUE MAINTENANT.
Nous sommes effectivement entrés dans une période charnière en raison de l’évolution des technologies et de la mondialisation, même si celle-ci est sans doute arrivée à un tournant.
« L’avenir du travail se joue maintenant : la technologie bouleverse notre manière de travailler, certaines tâches sont confiées à des robots ou délocaliser, des tâches nouvelles font leur apparition » (…) « Il faut agir. Nous avons besoin d’un nouveau programme d’action qui permette de remédier au déficit de compétences, amène une manière nouvelle de penser la protection sociale et la négociation collective, prévoie des investissements en direction de ceux qui en ont le plus besoin. » – OCDE
Cet appel aux politiques publiques apparait assez bien pris en compte par la politique actuelle en termes d’orientation, si ce n’est de moyens budgétaires…
CERTAINES CATÉGORIES PROFESSIONNELLES SONT PARTICULIÈREMENT EXPOSÉES AUX TRANSFORMATIONS ENGAGÉES.
L’OCDE insiste sur les évolutions générales qui vont s’imposer à certaines catégories professionnelles particulièrement exposées aux transformations numériques (et écologiques) à venir.
Cette étude internationale traite entre autres le cas de la France[2], au travers de ses indicateurs. Les prévisions sur l’évolution des emplois, déjà connues sur le principe, sont chiffrées :
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De la disparition d’emploi menacé par l’automatisation, soit 16,4%[3] pour la France[4], et
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D’une profonde transformation[5] d’une partie des emplois à la fois dans l’industrie et les services, soit 32,8% des emplois.
En résumé, près de la moitié des emplois seraient impactés par les évolutions prévisibles à ce jour.
MAIS UNE CHUTE DU NOMBRE DES EMPLOIS EST PEU PROBABLE.
« Une chute importante de l’emploi total semble peu probable. Si certains emplois sont susceptibles de disparaître, d’autres apparaissent en parallèle, et au total l’emploi a continué à augmenter ».
Mais la progression du nombre des emplois en France ne semble pas à l’ordre du jour, toutes choses étant égales.
L’OCDE souligne à propos de la situation en France que « si le nombre d’emplois n’est pas nécessairement voué à diminuer, leur qualité pourrait se détériorer et les disparités entre travailleurs s’aggraver ».
Les disparités entre travailleurs peuvent s’aggraver, car l’OCDE pronostique[6],
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d’une part, la progression du nombre des emplois peu qualifiés,
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d’autre part, un développement significatif d’emplois très qualifiés et,
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enfin, la diminution des emplois intermédiaires débouchant sur des déqualifications des salariés. Ce phénomène est déjà engagé.
C’est pourquoi la formation professionnelle ne doit pas être réservée prioritairement aux profils peu qualifiés, mais ouverte à tous, dont les salariés qualifiés, de manière égale contrairement aux orientations actuelles.
LA DÉGRADATION DE LA QUALITÉ D’UNE PARTIE DES EMPLOIS EST POSSIBLE
Le niveau de sous-emploi est élevé en France[7]. Elle concerne les temps partiels et/ou les contrats courts et est mesuré en partie par les catégories B et C de Pôle emploi et le halo du chômage au sens du BIT par l’Insee.
La part de travailleurs ayant un statut d’indépendant, mais économiquement dépendant reste assez élevée à 12,7%, même si légèrement au-dessous de la moyenne de l’OCDE. Quatre pistes, proposées par l’OCDE, permettraient de remédier à cette situation incluent de :
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Réduction des incitations à accepter et offrir des contrats très courts,
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Traitement du problème du faux travail indépendant,
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Extension de certaines protections aux travailleurs se situant dans la zone grise entre emploi indépendant et dépendant, dont de nombreux travailleurs de plateformes, et
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Correction des déséquilibres en cas de pouvoir de marché excessif de certains employeurs.
ENFIN, L’OCDE CRITIQUE NOTRE SYSTÈME FORMATION PROFESSIONNELLE
« La formation des adultes est essentielle, pour aider les plus vulnérables, dans un marché du travail en mutation.[8] » « Pourtant, la plupart des systèmes de formation professionnelle ne sont pas adaptés. »
« La France consacre des ressources considérables à la formation professionnelle »,
mais :
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Moins de 32% des adultes ont suivi une formation professionnelle au cours des douze derniers mois, pour 40% des adultes en moyenne dans les pays de l’OCDE.
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Ceux qui ont le plus grand besoin de formation[9], notamment les travailleurs atypiques, y ont le moins recours,
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La formation n’est pas toujours de bonne qualité.
Ces critiques méritent d’être prises en compte, même si elles appellent quelques réponses.
[1] Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2019 – Agir maintenant pour bâtir un avenir où chacun aura sa place – #AvenirDuTravail – https://www.oecd.org/fr/emploi/perspectives/
[2] L’AVENIR DU TRAVAIL – La situation de la France – Perspectives de l’emploi 2019 – https://www.oecd.org/fr/france/Employment-Outlook-France-FR.pdf
[3] « 16,4% des emplois ont un risque supérieur à 70% d’être entièrement redéfinis. »
[4] En France, les emplois à risque élevé d’automatisation se situent légèrement au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE qui se situe à 14%.
[5] Il s’agit d’un « risque de transformations substantielles quant à leur contenu et mode d’exécution ».
[6] « la part des emplois peu qualifiés et, surtout, des emplois hautement qualifiés a augmenté, tandis que celle des emplois moyennement qualifiés a accusé un net recul. Cette polarisation du marché du travail tient aussi au fait que les progrès technologiques favorisent la main d’œuvre qualifiée, c’est-à-dire qu’ils profitent principalement aux travailleurs ayant un niveau de compétence élevé ».
[7] « Parmi les pays de l’OCDE, la France affiche un niveau élevé de sous-emploi (9% en 2017), ainsi qu’une forte dualisation du marché du travail. La part d’emplois temporaires et de CDD est élevée (16,9 %), ces derniers se caractérisant par une hausse marquée des contrats de très courte durée. »
« La sous-utilisation de la main d’œuvre revient à tenir compte de la main d’œuvre qui souhaitent travailler ou travailler plus. »
[8]« La formation des adultes constitue un enjeu majeur et croissant pour aider les travailleurs à maintenir et améliorer leurs compétences tout au long de leur carrière. »
[9] « La création du compte personnel de formation est une opportunité pour augmenter les droits des moins qualifiés, mais l’accompagnement individuel sera nécessaire pour favoriser l’accès aux utilisateurs les plus démunis. »
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