L’Unédic vient de publier un excellent diagnostic très clair sur les effets des décrets du 26 juillet 2019 sur la part des demandeurs d’emploi qui vont subir les effets de la diminution de l’indemnisation chômage[1].
L’APPLICATION DES MESURES DE RÉDUCTION DE L’INDEMNISATION VA ÊTRE PROGRESSIVE.
Compte tenu du calendrier d’application des mesures (novembre puis avril 2020), l’effet sur les chômeurs ne sera complet qu’en mai 2021.
On va assister à un mouvement progressif d’application puisque :
« Ces changements n’affecteront pas les allocataires en cours de droit. Les mesures s’appliquant aux nouveaux demandeurs d’emploi »[2].
Les nouvelles dispositions s’appliqueront aux nouveaux demandeurs d’emploi en fonction de la date de fin de leur dernier emploi.
L’ANALYSE DE L’UNEDIC PORTE D’ABORD SUR LA PREMIÈRE ANNÉE D’APPLICATION COMPLÈTE.
Les deux mesures qui ont l’impact important sur le nombre de personnes touchées sont :
-
Au 1er novembre 2019, la modification des conditions d’ouverture de droit,
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Au 1er avril 2020, le changement du mode de calcul du salaire servant de référence pour déterminer le montant de l’allocation.
L’Unédic a donc choisi de prendre, comme période d’analyse, l’année entre avril 2020 à mars 2021.
« Au cours de la première année de mise en œuvre de l’ensemble des mesures liées à l’indemnisation (…), parmi les 2,65 millions de personnes qui auraient ouvert un droit avec les règles 2017, on estime que 50% ne seront concernées par aucun des changements de règles (dont 7% du fait d’une fin de contrat de travail antérieure au 1er avril 2020).
Un demandeur d’emploi sur deux ne sera pas concerné sur la première année.
À terme, ce chiffre devrait descendre progressivement autour de 43% ne tenant plus compte des fins de contrat de travail antérieures au 1er avril 2020.
Les autres demandeurs d’emploi seront touchés de diverses manières.
UNE ABSENCE OU UN RETARD D’OUVERTURE DE DROITS POUR 21%
9% |
Aucun droit au cours de cette première année, car elles n’auront pas 6 mois d’affiliation. |
12% |
Retard d’ouverture de droit de 5 mois plus tard en moyenne), car elles ne réunissent pas immédiatement les 6 mois nécessaires[3]. |
Cette mesure va particulièrement toucher les jeunes à la sortie de leurs études, diplômés ou non. Ils ne pourront généralement plus bénéficier d’une allocation liée à leurs emplois occupés durant leurs congés scolaires ou universitaires. Ils seront sans ressource avant de 25 ans et éligible au RSA après.
Cette mesure va avoir un impact sur sa première période d’application de deux ans (changement de rythme), puis elle aura un impact quasi nul une fois installé en 2022.
Elle pourra occasionner une absence d’inscription à Pôle emploi de jeunes non indemnisés et participer artificiellement à la baisse du nombre des inscrits.
LA DIMINUTION DE L’INDEMNISATION DES CONTRATS COURTS POUR 24%
1. La modification du calcul du salaire journalier de référence (SJR) va impacter près du quart des chômeurs indemnisés (24%).
16% |
Affectées uniquement par la modification du calcul du SJR. La baisse de leur allocation journalière nette sera, en moyenne, de 20% |
8 % |
Baisse de leur SJR combinée à d’autres éléments. |
C’est cette mesure de calcul du SRJ qui va conduire au premier poste d’économie pour tous les salariés en contrat court.
2. 11% auront une durée d’indemnisation réduite, du fait de la réduction de 28 à 24 mois de la période de référence affiliation. Ils se verront ouvrir un droit à la même date, mais plus court (de moins d’un mois pour la moitié d’entre elles), car une partie de leur affiliation, prise en compte aujourd’hui, ne le sera plus.
Cette mesure tardera à se faire sentir, car elle suppose que le demandeur d’emploi arrive en fin de droits, or les statistiques de Pôle emploi décrivent une grande majorité de retour à l’emploi avant cette échéance.
UNE DÉGRESSIVITÉ DU MONTANT DE L’INDEMNISATION DES CADRES
Cette mesure devrait concerner 2% des demandeurs d’emploi cadre, qui ont moins de 57 ans, et au bout de 6 mois d’indemnisation subira une dégressivité de leur allocation.
Cette mesure est de nature politique et symbolique. Elle vise une catégorie qui finance beaucoup le régime, qui est proche du plein emploi et dont les personnes sans emploi ont diverses raisons de l’être. Elle ne rapportera pas grand-chose au régime, mais va générer des situations de perte de ressources peu nombreuses, mais dramatiques. Enfin, la fixation de l’âge de 57 ans apparait totalement arbitraire.
Je ne cite pas ici, pour conclure, les réactions des organisations syndicales. Elles sont toutes fortement critiques quant aux moyens qui ont été choisis et qui vont avoir des conséquences sociales importantes à terme. Les formules employées sont souvent violentes.
L’IMPACT GLOBAL À FIN 2022 RESTE DIFFICILE À PRÉVOIR
L’Unédic décrit l’impact global à fin 2022 de l’application des décrets[4] et conclut qu’à cette date :
« Les dépenses d’allocation baisseront d’environ 10% (moins d’allocataires indemnisés et des montants versés en moyenne inférieurs. »
« Pour les allocataires qui seront indemnisés en 2022, l’allocation perçue sera en moyenne 6% plus faible (sous l’effet du changement du calcul du SJR, de la dégressivité). »
Ces chiffres reposent naturellement sur les données actuelles, qui ont toutes chances de varier pour divers motifs : maintien d’une croissance faible, contexte économique international, ruptures financières, changement de politique de l’emploi, etc.
[1] Unédic – Synthèse du rapport sur les perspectives financières 2019 2022 –septembre 2019 – https://bit.ly/2lnNvTy
[2] « Pour estimer l’impact de la réforme sur la trajectoire financière de l’Assurance chômage, l’Unédic a évalué, comme lors de chaque changement de règlementation, ses effets financiers ainsi que les effets pour les personnes ou entreprises concernées. Les changements concernant les allocations chômage entreront en vigueur à partir du 1er novembre 2019 ou du 1er avril 2020, selon les mesures, et s’appliqueront aux salariés qui auront perdu un emploi après ces dates. Plus précisément, c’est la date de fin du dernier emploi perdu qui détermine quelles règles s’appliquent pour le calcul des droits. »
[3] Elles seront aussi impactées par la modification du calcul du salaire journalier de référence (SJR).
[4] « A l’horizon de la prévision financière, en 2022, hors élargissement de l’accès aux allocations à certains démissionnaires et indépendants, le nombre de personnes ayant un droit ouvert à l’assurance chômage (personnes « indemnisables ») aura augmenté d’environ 40 000 personnes en fin d’année. Ce résultat est le produit de deux effets contraires : à la hausse : des droits plus longs du fait de l’évolution du calcul du SJR qui diminue l’allocation journalière et allonge la durée des droits ; à la baisse : moins d’entrées en indemnisation en raison des nouvelles conditions d’ouverture de droit. Le nombre d’allocataires indemnisés fin 2022 diminuera cependant de 70 000 personnes, soit une baisse de 2% par rapport à l’évolution en l’absence de réforme, en raison là aussi de 2 effets contraires : à la baisse : moins d’allocataires indemnisés au cumul ; à la hausse : des droits plus longs du fait de l’évolution du calcul du SJR. »
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