LA STRATÉGIE NATIONALE DE PRÉVENTION ET DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ À NOUVEAU EN DÉBAT
Le Président de la République vient de prononcer un discours à ce propos avec des formules générales, qui font évidemment consensus[1]. Il a mis en avant l’accès ou le retour au travail.
Ce point[2] fait suite à une année de consultation sur le « plan pauvreté »[3].
Les constats sur la situation apparaissent pertinents. Il existe des constats partagés et des propositions consensuelles comme :
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Trouver la meilleure organisation entre tous les partenaires pour que personne ne passe plus entre les mailles du filet des services d’aides.
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Avoir une prise en charge rapide des entrants.
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Assurer un accompagnement global, associant à la fois social et emploi pour augmenter le retour à l’emploi.
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UNE PHASE DE CONCERTATION VA S’OUVRIR SUR LES MESURES À PRENDRE.
Une phase de concertation va s’ouvrir, dès octobre, sur le contenu de la « stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté », qui devrait porter sur trois volets :
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Un accompagnement renforcé vers l’emploi[4], plus rapide et plus fréquent
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Une future fusion de plusieurs prestations (projet de revenu universel d’activité) et
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Un accent mis sur la petite enfance et les jeunes décrocheurs (repérage et accompagnement).
La ministre du Travail, la secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé, le haut-commissaire aux compétences et à l’inclusion par l’emploi, et le délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté ont lancé la concertation sur le service public de l’insertion, en présence des représentants l’Assemblée des Départements de France.
Cette concertation doit déboucher sur une « Loi d’émancipation sociale« , destinée à être votée en 2020, concernant à la fois :
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Un service public de l’insertion (SPI) et
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le revenu universel d’activité (RUA).
IL S’AGIT DE RÉORGANISER LES POLITIQUES D’INSERTION, MENÉES PAR LES COLLECTIVITÉS LOCALES EN LIEN AVEC POLE EMPLOI
Concrètement, il s’agit de réformer les politiques d’insertion des collectivités locales, dont celles des départements et des communes. Elles sont directement concernées par les mesures avancées et devraient être largement mises à contribution dans leur mise en œuvre.
Le projet du gouvernement serait d’instaurer « une nouvelle relation contractuelle avec les départements ». Les collectivités volontaires, qui s’engageraient sur des résultats, bénéficieraient d’un soutien par un fonds de lutte contre la pauvreté et l’accès à l’emploi.
Mais le montant de 200 millions d’euros sur le quinquennat qui a été évoqué apparait dérisoire.
Le principe est de créer « un véritable service public de l’insertion »[5], présent sur tout le territoire. Ce n’est pas bien nouveau puisqu’il existe, de fait, déjà.
Mais comme des services existent déjà, le projet apparait comme celui d’une réorganisation[6] des services, des rôles de chacun des acteurs et de leur coordination.
Apparait également l’idée d’une égalité des services aux bénéficiaires selon les territoires qui parait judicieuse.
Cette logique « unifiée » laisserait toutefois des marges de manœuvre en fonction de l’existant aux acteurs locaux comme Pôle emploi, les Missions locales, les maisons des services sociaux départementaux, les centres communaux d’action sociale (CCAS), les associations délégataires, etc.
Des questions demeurent :
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Quel sera le poids de l’État dans la coordination des acteurs locaux au terme de cette réorganisation ? C’est cela qui inquiète aujourd’hui de nombreux professionnels de l’insertion et les responsables politiques des collectivités locales.
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Comment se fera la fusion des prestations sociales (au minimum le RSA, les APL et la prime d’activité[7]) sous la forme d’un « revenu universel d’activité» ?
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Si l’État en est entièrement responsable, tout en associant toutes les parties prenantes, comme cela a été dit, n’y a-t-il une menace de recentralisation du financement du RSA ? C’est ce qui inquiète naturellement les départements.
Beaucoup d’incertitudes demeurent donc.
LES PROPOS TENUS OSCILLENT DE MANIÈRE AMBIGUË ENTRE CENTRALISATION DES MOYENS ET PERSONNALISATION DES SERVICES.
Exemple : après une affirmation claire : « Il est essentiel de remettre la reprise d’une activité au cœur des parcours des publics accompagnés », les propos tenus restent flous entre centralisation et personnalisation. Citons, par exemple ces affirmations, un peu longues, parmi d’autres :
« Le futur service public de l’insertion ne devra plus imposer de parcours prédéfini, mais une palette d’actions d’accompagnement qui s’emploieront à lever chaque frein économique ou social pour rendre possible la reprise d’un emploi ou d’une activité. » (…) « L’égalité de chacun devant le service public de l’insertion devra être combinée avec la forte souplesse qui pourra être offerte dans les actions. Le service public de l’insertion devra répondre aux particularités et aux choix de chaque allocataire, et prendre en compte la totalité de son parcours de vie et de ses choix. De la même façon, il proposera des services et des actions spécifiques à destination des personnes vulnérables et aux entreprises. »
UNE GRANDE INCERTITUDE RÈGNE SUR LE PROCHAIN SERVICE PUBLIC DE L’INSERTION
Dans l’immédiat, l’amélioration de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA est l’une des priorités du futur service public de l’insertion en attendant le futur RUA, dont le mode de fusion n’est pas encore connu.
Les annonces, concernant diverses aides sociales, donnent lieu à un total manque de clarté sur le résultat final qui est actuellement visé.
Il ne suffit pas au gouvernement de proclamer un « droit à l’accompagnement » pour le rendre effectif. Car il faut un budget correspondant aux actions à mener et force est de constater que c’est ce qui a manqué et qui manque toujours…
Le dossier de presse confirme les promesses suivantes :
« Augmenter le nombre de personnes accompagnées avec Pôle emploi dans le cadre de l’accompagnement global, qui combine accompagnement professionnel et social, avec une hausse de 30 000 personnes dès 2019 puis de 100.000 supplémentaires d’ici 2022 ; »
« Déployer la Garantie d’activité départementale[8], nouvelle forme d’accompagnement social et professionnel, pour 10 000 allocataires du RSA en 2019 et 100 000 personnes en 2020. »
Cela demande des moyens qui ne sont pas a priori au rendez-vous.
La ministre des Solidarités annonce que « la stratégie nationale » aura des crédits s’élevant au total à 8,5 milliards d’euros sur le quinquennat, portant sur « des mesures nouvelles »
LES PROFESSIONNELS ET DÉCIDEURS LOCAUX SOUHAITERAIENT DISPOSER DE PLUS DE PRÉCISIONS !
[1] Florilège : « refonder un État providence contemporain », « mobiliser toutes les forces de la nation », « lutter contre les déterminismes », « ne plus oublier personne », « changer de regard », « éradiquer la grande pauvreté dans notre pays d’ici une génération », « Ce plan n’est pas un plan charité », « Je ne veux pas d’un plan pour que les gens pauvres vivent mieux la pauvreté, je veux leur donner la possibilité d’en sortir. » – Emmanuel Macron – 12 septembre 2019 – Musée de l’Homme à Paris
[2] La stratégie pauvreté est axée autour de 5 engagements :
- L’égalité des chances dès les premiers pas pour rompre la reproduction de la pauvreté
- Garantir au quotidien les droits fondamentaux des enfants
- Un parcours de formation garanti pour tous les jeunes
- Vers des droits sociaux plus accessibles, plus équitables et plus incitatifs à l’activité
- Investir pour l’accompagnement de tous vers l’emploi.
[3] La stratégie a été présentée comme le produit d’une phase de consultation ayant associé tous les acteurs : collectivités locales, associations, travailleurs sociaux comme les bénéficiaires des politiques sociales.
[4] Propos consensuels de la ministre du Travail : « Dans le monde du travail, les changements et les transitions étant fréquents, il est nécessaire de s’adapter, de se former. (…) La mobilisation en faveur de l’emploi, de la formation et de la sécurisation des parcours est donc indispensable, et doit s’adresser aussi à nos compatriotes les plus précaires ».
[5] « Ce service public de l’insertion, c’est pour moi la clef », il « n’est pas acceptable que dans un département, 90% des bénéficiaires du RSA se voient proposer un suivi et que dans un autre département, ils ne soient plus que 40% ». Il faut « un lieu qui assure un continuum », pour que chacun puisse « se rendre dans un lieu unique, un même guichet, simple », « gouvernance unique ». – Emmanuel Macron
[6] « Nous devons ensemble trouver la solution la plus intelligente avec les départements, les communes, les régions, les métropoles et inventer un système de gouvernance, avec une clarté des financements, en s’appuyant sur les collectivités ».
[7] La revalorisation de la prime d’activité engagée en 2018 sera poursuivie en 2019 et jusqu’en 2022…
[8] « La stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté a prévu le déploiement progressif de la Garante d’activité à partir de 2019. Nouvelle offre d’accompagnement mixte, sociale et professionnelle, visant en priorité un retour à l’activité pour les nouveaux allocataires du RSA, la Garantie d’activité inclut à la fois : l’accompagnement global de Pôle emploi et des départements et une offre nouvelle déployée dans le cadre d’une Garantie d’activité départementale » https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/cp_protocole_adf_vf.pdf
Document de référence – Garantie d’activité – Février2019 – https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/document_de_reference_garantie_d_activite_vdef.pdf
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