À QUOI SERVENT LES FONDS EUROPÉENS EN MATIÈRE D’EMPLOI ?
Suite à l’accumulation des critiques sur la mobilisation des fonds européens structurels et d’investissement (FESI), des sénateurs ont réalisé et publié un Rapport visant à analyser la situation. Après avoir listé des problèmes (qui ne sont pas bien nouveau), ils relativisent leur impact et formulent des propositions de solutions, toutes théoriques.
Les Fonds européens ciblent la cohésion sociale (FSE), le développement régional (FEDER) et rural (FEADER), la pêche (FEAMP) et l’emploi des jeunes (IEJ). Pour la période 2014-2020, l’enveloppe totale allouée à la France se répartit à 41% par le FEADER, 34 % par le FEDER et 22 % par le FSE[1]. Par contre, la France ne bénéficie pas du « Fonds de cohésion », destiné uniquement aux États membres dont le revenu national brut est inférieur à 90% de la moyenne communautaire[2].
Une part des fonds européens (22%) sont donc dédiés directement aux politiques de l’emploi et de la formation (FSE/IEJ)[3].
Ils constituent une part du financement de la politique de l’emploi en France. Ce sujet est donc à observer avec soin.
ENVIRON 6 MILLIARDS D’EUROS SONT DÉDIÉS AU FSE SUR 2017/2020
La mission d’information du Sénat sur « la sous-utilisation chronique des fonds européens en France » [4] a examiné la mobilisation des 27,8 milliards d’euros[5] alloués à notre pays sur la période de six ans, 2014-2020, au titre des Fonds européens structurels et d’investissement (FESI). 6 milliards d’euros sont dédiés au FSE sur 2017/2020, soit en moyenne un milliard par an.
DE NOMBREUSES CRITIQUES ONT ÉTÉ EXPRIMÉES SUR LE FONCTIONNEMENT DES FONDS EUROPÉENS
Les principales conclusions du rapport, générales à l’ensemble des fonds, sont les suivantes. La consommation des fonds européens par la France parait trop lente, par rapport à la période.
« Certains observateurs considèrent que la programmation actuelle connaît d’importantes difficultés de mise en œuvre, ce qui interrogerait la capacité du pays à consommer ces montants dans le temps imparti. »
Au 31 décembre 2018, au terme des 4 premières années, le taux de programmation est de 61% et le taux de réalisation de 35%.
Mais, ces chiffres se situeraient dans la moyenne des pays européens en termes d’avancement[6] et seraient comparables à ceux de l’Allemagne…
Il est vrai que contrairement aux crédits nationaux, les crédits européens peuvent couvrir la période postérieure à leur attribution (donc après 2020 dans le cas présent). Il existe un décalage pouvant atteindre d’un à deux ans. Ce qui ne signifie pas que le fonctionnement soit satisfaisant !
De plus, d’autres critiques concernant les fonds européens en France demeurent :
- Des retards de paiement, parfois supérieurs, à deux ans pénalisent toujours les acteurs bénéficiaires, comme depuis de nombreuses années.
De nombreuses associations bénéficiaires de ces crédits ont disparu faute du versement alors que le travail avait été effectué. De ce fait, le champ des bénéficiaires potentiel a été réduit.
Autre particularité par rapport au droit français, les règles relatives au contrôle des actions, financées par le FSE, réalisées s’appliquent de manière rétroactive, posant fréquemment des problèmes aux acteurs.
- L’utilisation se heurte à de réelles difficultés d’accès. De nombreux freins coexistent[7]. Le constat du rapport est cruel, car il liste :
- « Une adoption tardive de la réglementation européenne,
- un empilement de normes européennes, nationales et régionales,
- un transfert de compétence précipité dans un contexte de fusion des régions,
- un manque de ressources humaines,
- des problèmes informatiques,
- un enchevêtrement de compétences entre les régions et l’État,
- une prise en compte insuffisante de l’échelon infra régional,
- des contrôles multiples et redondants, etc.
ils concourent à rendre le dispositif peu lisible pour les porteurs de projets. »
Cette situation n’a rien de bien nouveau, la situation s’est plutôt compliquée et une remise à plat a déjà trop tardé.
CES DIFFICULTÉS CONCERNENT LES ACTEURS DE L’EMPLOI BÉNÉFICIAIRES DU FSE.
Pour le FSE, une répartition régionale/nationale est établie sur la base suivante :
- 35% de l’enveloppe aux Régions[8], pour les interventions de formation professionnelle, d’apprentissage et d’orientation,
- 65% au niveau national[9], répartis pour moitié sur le champ de l’emploi et pour moitié sur le champ de l’inclusion[10].
Les principaux bénéficiaires du volet national du FSE sont :
- Le service public de l’emploi : Pôle emploi et les missions locales[11],
- Les organismes paritaires de la formation professionnelle (OPCA puis OPCO),
- Les acteurs l’Insertion par l’activité économique (IAE),
- Les Plans locaux pour l’insertion et l’emploi (PLIE) et
- Les conseils départementaux au titre de l’accompagnement des personnes bénéficiaires de minima sociaux, et
- Divers projets associatifs locaux[12].
LE RAPPORT FORMULE 13 PROPOSITIONS D’ORIENTATION, PRINCIPALEMENT D’ORGANISATION ET DE PROCÉDURES
Le Rapport formule 13 propositions d’orientation, principalement d’organisation et de procédures, pour mobiliser au mieux les fonds européens dans le prochain programme. En particulier, il appelle à simplifier les dispositifs opérationnels financés par les fonds structurels, ainsi que les procédures d’instruction et de contrôle.
RAPPEL : LE FONDS SOCIAL EUROPÉEN (FSE) CONCERNE LES POLITIQUES NATIONALES RELATIVES À L’EMPLOI
Le Fonds social européen (FSE)[13] apporte le soutien financier de l’Union européenne aux politiques nationales d’emploi, conditions de travail, formation, création d’emplois, reconversion des chômeurs et réinsertion professionnelle.
Il vise à « Promouvoir un emploi durable et de qualité et soutenir la mobilité de la main-d’œuvre ; Promouvoir l’inclusion sociale et lutter contre la pauvreté et toute forme de discrimination[14];Investir dans l’éducation, la formation et la formation professionnelle pour l’acquisition de compétences et l’apprentissage tout au long de la vie ; etc.
S’ajoute pour l’actuelle programmation, l’Initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ) est l’un des principaux outils de mise en œuvre des dispositifs de Garantie pour la jeunesse[15]. L’IEJ finance la « Garantie jeunes », mise en œuvre par les Missions locales. Son financement intervient en complément de ceux du FSE dans les régions les plus touchées par le chômage des jeunes.
La reconduction de l’IEJ n’est pas acquise après 2020, c’est sans doute ce qui motive le projet de fusion de la « Garantie jeunes » dans le futur « Revenu Universel d’Activité (RUA) » …
[1] FONDS STRUCTURELS D’INVESTISSEMENT EUROPÉENS (FESI). Instruments financiers de la politique de cohésion de l’Union européenne, les fonds structurels et d’investissement européens (FESI) regroupent cinq fonds, le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE), le Fonds de cohésion, le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) ainsi que le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).
[2] Les régions plus développées, dont le PIB par habitant est supérieur à 90% de la moyenne européenne, incluent douze anciennes régions métropolitaines françaises.
[3] L’animation par fonds relève de la DGEFP pour le FSE/IEJ. Par exemple, la DGEFP, en tant qu’autorité de gestion des programmes nationaux du FSE, a mis en place un système d’information pour la gestion des subventions allouées par ce fonds, conçu comme didactique (ma-demarche-fse.fr).
[4] Rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur la sous-utilisation chronique des fonds européens en France – 25/09/19 – http://www.senat.fr/rap/r18-745/r18-745_mono.html#toc1
[5] La programmation 2014-2020 des fonds structurels est de 454 milliards d’euros, en diminution de 8,5 % en euros constants par rapport à la programmation 2007-2013. Trois des onze objectifs des fonds concernent l’emploi et la formation : « Promouvoir l’emploi durable et de qualité et soutenir la mobilité de la main-d’œuvre, Promouvoir l’inclusion sociale et lutter contre la pauvreté et toute forme de discrimination, Investir dans l’éducation, la formation et la formation professionnelle.»
Le budget des FESI 2014-2020 pour la France est précisée par le tableau suivant.
FESI |
En milliards d’euros |
Politique de cohésion économique, sociale et territoriale | |
Feder (hors CTE) |
8,4 |
Feder – CTE |
1,1 |
FSE |
6 |
IEJ |
0,3 |
Politique de développement rural | |
FEADER |
11,4 |
Politique commune de la Pêche | |
FEAMP |
0,6 |
Total |
27,8 |
[6] « Au final, la mission constate que l’essentiel des difficultés sont concentrées sur le FEAMP et, surtout, sur le programme Leader, qui relève du FEADER et pour lequel le taux de paiement n’est que de 5%. »
[7] « Une adoption tardive de la réglementation européenne, un empilement de normes européennes, nationales et régionales, un transfert de compétence précipité dans un contexte de fusion des régions, un manque de ressources humaines, des problèmes informatiques, un enchevêtrement de compétences entre les régions et l’État, une prise en compte insuffisante de l’échelon infrarégional, des contrôles multiples et redondants, etc. concourent à rendre le dispositif peu lisible pour les porteurs de projets. »
[8] Au niveau régional, entre chaque région et la DIRECCTE est chargée de mettre en œuvre la part territorialisée du programme national FSE.
[9] Au niveau national, la DGEFP est l’autorité nationale de coordination du FSE, ce qui l’amène à réunir régulièrement l’ensemble des acteurs de ce fonds.
[10] En recourant à des délégations de gestion sur la partie insertion aux départements ou à certaines intercommunalités pour les programmes locaux d’insertion par l’économie (PLIE).
[11] Au niveau national, les crédits du FSE ont ainsi permis de financer les actions suivantes :
- L’accompagnement global de Pôle emploi, avec la mise en place d’une garantie d’activité combinant un accompagnement social renforcé et une insertion dans l’emploi (plus de 170 millions d’euros du FSE au cours de la période, soit la moitié du coût global) ;
- La garantie jeunes au titre de l’IEJ, qui s’adresse aux jeunes de 16 à 25 ans ni en emploi, ni en études, ni en formation et qui sont en situation de précarité financière, mise en place par les missions locales (plus de 139 millions d’euros, soit près de 92 % du coût total).
[12] Par exemple, Maison de l’emploi et de la formation de l’Auxerrois, PLIE du Pays de Brest, l’École de la 2e chance en Savoie, etc.
[13]Il a été créé en 1958.
[14] Les PLIE, Plan local pour l’insertion et l’emploi, mis en place par certaines collectivités au début des années 90, mobilisent les crédits du FSE en vue de faciliter l’accès à l’emploi des personnes en grande difficulté d’insertion sociale et professionnelle dans le cadre de parcours individualisés en associant accueil, accompagnement social, orientation, formation, insertion et suivi.
[15] Elle vise des jeunes de moins de 25 ans qui ne sont ni en emploi, ni en formation (NEET) qui vivent dans des régions enregistrant un taux de chômage supérieur à 25%.
Pas de commentaire sur “CRITIQUES SUR L’USAGE DU FSE”