LE FINANCEMENT PUBLIC DES CHAMBRES DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE (CCI) CONNAIT UNE RÉDUCTION PROGRESSIVE.
La tête de réseau, CCI France, décrit le réseau comme comprenant 122 établissements publics de niveau national, régional et de proximité[1].
La part de « la taxe sur les frais de chambre », prélevée auprès des entreprises, et affectée aux CCI, au niveau national, représentait près de 1,4 milliard d’euros en 2012. Elle était descendue à 775 millions d’euros en 2018 et devrait atteindre un plancher de 380 millions d’euros en 2022[2].
Le motif de cette réduction massive repose apparemment sur une simple volonté de réduction budgétaire, mais elle est inspirée sans doute par un choix politique des gouvernements successifs depuis 2012, vis à vis des chambres consulaires.
« Les ressources des établissements publics du réseau sont assurées par :
- Les produits des impositions de toute nature qui leur sont affectés par la loi et toute autre ressource légale entrant dans leur spécialité[3] ;
- La vente ou la rémunération de leurs activités ou des services qu’ils gèrent ;
- Les dividendes et autres produits des participations qu’ils détiennent dans leurs filiales ;
- Les subventions, dons et legs qui leur sont consentis. »
L’usage des ressources doit être clairement séparé selon leur origine pour ne pas fausser la concurrence dans le cadre des activités marchandes[4], ce qui apparait évidemment comme une bonne chose.
CETTE DIMINUTION BUDGÉTAIRE SE RÉPERCUTE SUR LES EFFECTIFS DES CHAMBRES.
Sous cette pression budgétaire, les CCI font des économies. Sur le plan social, cette baisse des ressources a débouché sur des restructurations et sur le non-remplacement ou le départ de personnels[5]. Et le recrutement de personnels sous statut de droit privé[6], comme rendu possible par la loi. En 2018, le réseau des CCI comptait 18 400 ETP salariés[7].
Ces transformations lourdes sont toujours en cours, elles ont lieu dans un silence relatif, de la part de responsables de structures qui peuvent paraitre comme condamnées !
LA VENTE DE PRESTATIONS PRÉSENTE COMME LA CONTREPARTIE DE LA BAISSE DES RENTRÉES FISCALES DEMEURE UN OBJECTIF TROP DIFFICILE À ATTEINDRE VOIRE ILLUSOIRE.
Pour compenser les pertes de financements publics, l’État incite les CCI à vendre des prestations aux entreprises et à les facturer. La mise en place d’une offre nationale de services commune[8] à toutes les chambres interviendrait en support de commercialisation.
Mais cette incitation ne prend pas en compte la réalité du réseau : différences de situation selon les chambres, nature historique des activités, profils des salariés en poste, état des offres concurrentes localement, etc. Elle apparait comme teintée d’hypocrisie et/ou d’incompétence de la part des ministres, et technocrates, qui suivent ce dossier. Les expériences de ce type de passage du service gratuit au service payant ont très rarement débouchés positivement…
CETTE DIMINUTION DES MOYENS DÉBOUCHE SUR UNE RÉORIENTATION CONTRAINTE DES ACTIVITÉS. LES ACTIVITÉS DE FORMATION DES CCI NE SONT PLUS PRIORITAIRES, MÊME SI ELLES DEMEURENT IMPORTANTES.
Les dispositions relatives aux CCI figurant dans le Code du commerce (article L710-1)[9] confirme bien que le réseau peut continuer à assurer ses activités de formation :
« Une mission en faveur de la formation professionnelle initiale ou continue grâce, notamment, aux établissements publics et privés d’enseignement qu’il ou elle crée, gère ou finance ».
En 2018, le budget « formation emploi » représentait encore plus de 40% du budget du réseau, qui s’élevait à 2,9 milliards d’euros (soit près de 1,2 Md€)[10]. Il se répartit selon les activités : 45% en apprentissage, 25% en formation continue, 20% en formation initiale (hors apprentissage) et 10% divers.
Le réseau des CCI revendique la seconde position, derrière l’Éducation nationale, avec 500 établissements de formation, 158 écoles supérieures et 141 CFA. Elles formeraient, chaque année, de l’ordre de 500 000 jeunes et adultes, de 100 000 étudiants et de 80 000 apprentis[11].
Mais ces activités de formation n’apparaissent plus dans les objectifs prioritaires des CCI[12], selon le Contrat d’objectifs et de performance, signé par le ministre de l’Économie et le Président de CCI France.
Les écoles, centres de formation et CFA, historiquement liés aux CCI, ont été ou se trouvent externalisés de manières diverses selon les cas, avec comme objectif d’assurer leur survie (en particulier pour les CFA avec le poids du changement de mode de financement) et/ou leur développement. Par ailleurs, elles doivent prendre en compte la loi « avenir professionnel » et son volet formation.
Il parait encore bien trop tôt pour tirer un bilan des évolutions qui ont été engagées et de l’impact des réformes et modes de financement de l’alternance et de la formation.
UN BON EXEMPLE DES ÉVOLUTIONS EN COURS EST DONNÉ PAR LA CCI DE LA RÉGION OCCITANIE DONNE
La CCI Occitanie disposait d’un budget de 59 M€ en 2019. Elle dispose actuellement 1 200 collaborateurs. La baisse de ressources fiscales sera de 10 M€ en 2020, et a priori de 8,7 M€ en 2021 et en 2022 ; soit au final une baisse de 117 millions à 28,5 millions d’euros.
Le président de la CCI d’Occitanie[13] déclare que « Tout l’enjeu sera de lancer des prestations tarifées sans pour autant entrer en concurrence avec nos propres ressortissants. » La CCI doit « faire évoluer son propre centre de formation à l’apprentissage. Celui-ci sera externalisé au sein d’une association à but lucratif, afin de pouvoir entrer dans un système soumis à la concurrence. »
La CCI Occitanie va ainsi se doter d’un CFA régional opérationnel dès la rentrée 2020[14]. Ce dispositif, fédérant les CFA d’Occitanie, vise à rassembler et externaliser l’offre de la CCI Occitanie en matière d’apprentissage et de formation professionnelle continue. Le CFA régional sera doté d’un nouveau nom, d’une communication propre et de sa propre gouvernance.
L’inquiétude sur l’avenir des CCI est profonde. Le président de la CCI d’Occitanie déclare :
« En tant que vice-président de CCI France, je suis chargé de mener une étude pour démontrer au ministère des Finances que si les montants programmés sur 2021 et 2022 sont exécutés, les CCI ne seront plus viables.
Beaucoup d’entre elles disparaîtront, et ce sera la fin d’une prestation homogène sur le territoire régional. Quel organisme public a déjà réalisé 76 d’économies en huit ans ? Aucun. Ce plan voulu par le gouvernement est antiéconomique ».
[1] 86 Chambres de Commerce et d’Industrie Territoriales (CCIT), 6 CCI départementales d’Ile-de-France (départements 75 -92 – 93 – 94 – 78 -95), 5 CCI locales (Artois, Grand Lille, Grand Hainaut, Littoral Hauts de France et Beaujolais), 6 Collectivités d’Outre-Mer et de Nouvelle-Calédonie : Nouvelle Calédonie, Polynésie Française, Saint-Barthélemy, Saint Martin, Saint Pierre et Miquelon, Wallis-et-Futuna, 18 Chambres de Commerce et d’Industrie de Région (CCIR) dont, 5 CCI de région des DOM : Guyane, Iles de Guadeloupe, La Réunion, Martinique et Mayotte.
[2] « La baisse est organisée en national : elle a été de près de 100 millions d’euros en 2019 et elle sera encore de 80 millions d’euros cette année »
[3] La disparition de la Taxe professionnelle sur laquelle la taxe additionnelle pour frais de CCI (TATP –Taxe additionnelle à la taxe professionnelle) était calculée a conduit à asseoir les ressources fiscales des CCI sur deux nouvelles contributions perçues pour le compte des collectivités territoriales, à savoir : la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises, pour une fraction égale à 40% de la somme des produits de l’ancienne TATP ; la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, pour une fraction égale à 60%. de la somme des produits de l’ancienne TATP. Dans le cadre de la RGPP, le taux applicable sera réduit pour les impositions perçues au titre des années 2011, 2012 et 2013. (CCI France)
[4] « Chacun des établissements du réseau des chambres de commerce et d’industrie tient une comptabilité analytique mise à la disposition des autorités de tutelle et de contrôle afin de justifier que les ressources publiques ont été employées dans le respect des règles de concurrence nationales et européennes. » – Code du commerce (article L710-1)
[5] Un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) de 2018 au gouvernement, précise que « des mesures de rationalisation qui pourraient entraîner une réduction d’effectifs de l’ordre de 2 500 équivalents temps plein, sur un total de 31 000 employés au global ».
[6] « CCI France, les chambres de commerce et d’industrie de région et, par délégation, les chambres de commerce et d’industrie territoriales, peuvent recruter des personnels de droit privé pour l’exercice de leurs missions. » – Article 13.
[7] Rapport d’activité CCI France 2018.
[8] « Elle développe une offre nationale de services mise en œuvre, éventuellement avec des adaptations locales, par chaque chambre de commerce et d’industrie de région. » – Code de commerce
[9] « Le réseau des chambres de commerce et d’industrie se compose de CCI France, des chambres de commerce et d’industrie de région, des chambres de commerce et d’industrie territoriales, des chambres de commerce et d’industrie locales, des chambres de commerce et d’industrie départementales d’Ile-de-France, ainsi que des groupements interconsulaires que peuvent former plusieurs chambres de région ou territoriales entre elles.
CCI France, les chambres de commerce et d’industrie de région, les chambres de commerce et d’industrie territoriales et les groupements interconsulaires sont des établissements publics placés sous la tutelle de l’Etat et administrés par des dirigeants d’entreprise élus.
Les chambres de commerce et d’industrie locales, rattachées à une chambre de commerce et d’industrie de région, et les chambres de commerce et d’industrie départementales d’Ile-de-France, rattachées à la chambre de commerce et d’industrie de région Paris-Ile-de-France, sont dépourvues de la personnalité morale. » – Article L710-1 du Code du commerce.
[10] Rapport d’activité CCI France 2018.
[11] Rapport d’activité CCI France 2018.
[12] Les cinq missions prioritaires des CCI sont le soutien des porteurs de projets dans leurs démarches entrepreneuriales, l’accompagnement des entreprises, en priorité des TPE et des PME, dans leurs transformations, l’accompagnement des entreprises à l’international avec la Team France Export, la participation à la conception et à la mise en œuvre des politiques publiques et le développement des capacités et des potentiels économiques des territoires et lutte contre les fractures.
[13] M. Alain di Crescenzo
[14] « Le CFA Occitanie fonctionne déjà comme un service géré, et nous allons le transformer en entreprise à but non lucratif. Il sera géré et commercialisé par des comités territoriaux où les CCI seront parties prenantes. Nous nous appuyons sur 13 sites de formation en région à ce jour, et sans doute plus à l’avenir. En mutualisant des structures et des méthodologies, nous pouvons créer les conditions d’un retour à l’équilibre, au bénéfice de tous les jeunes ».
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